Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
Q

Quental (Antero Tarquínio de)

Poète portugais (Ponta Delgada, Açores, 1842 – id. 1891).

Ayant été élevé dans un climat profondément religieux et attaché aux traditions, l'un des traits les plus marquants de son tempérament est l'appel mystique, transmué en dévotion extrême pour la cause sociale qu'il défendit pendant la phase la plus combative de sa vie. Étudiant à Coïmbre dès 1858, il fut à l'origine – et devint le principal mentor – de la « génération de 70 », qui se dresse contre l'étroitesse provinciale et sclérosante de Castilho et défend le réalisme. Sa poésie devient un instrument d'agitation et d'action sociale dans Odes modernes (1865), influencées par Victor Hugo. Organisateur des Conférences démocratiques du Casino de Lisbonne (1871), il anima au Portugal des mouvements ouvriers s'inspirant des doctrines de Proudhon. Ses espoirs déçus l'enfoncent dans la recherche individuelle d'un absolu qui allait le conduire au suicide. Les Sonnets complets (1890) expriment les étapes successives de ce drame.

Querido (Israel)

Écrivain hollandais (Amsterdam 1872 – id. 1932).

Écrivain autodidacte – il abandonna le métier de diamantaire pour se consacrer à la littérature –, il a publié des cycles romanesques qui doivent beaucoup à Zola (le Jourdain, 1912-1925 ; le Peuple de Dieu, 1931-32) et qui, s'ils firent sensation de son vivant, trouvent aujourd'hui moins de lecteurs. Critique littéraire et musical (Sur la littérature, 1904 et 1925), Querido était aussi dramaturge (Saül et David) et, sous le pseudonyme de Theo Reeder, poète.

Quesnay (François)

Médecin et économiste français (Méré, près de Montfort l'Amaury, 1694 – Versailles 1774).

Chirurgien réputé, médecin de Mme de Pompadour (1749), du roi (1752), il rédigea pour l'Encyclopédie les articles « fermier » (1756) et « grains » (1757) et fut le chef de file des physiocrates. Pour lui, la terre est la source de la richesse. En 1758, il publia le Tableau économique puis ses Maximes générales du gouvernement économique d'un royaume agricole. Précurseur de la macroéconomie, il compare la circulation des biens et services à celle du sang.

Quesnel (Pasquier)

Théologien français (Paris 1634 – Amsterdam 1719).

Jésuite, il entre à l'Oratoire en 1657. Il se lie avec Arnauld. Défenseur du jansénisme, il est exilé à Orléans (1681) ; refusant de signer un formulaire contre la philosophie de Descartes (1684), il rejoint Arnauld à Bruxelles. Considéré comme le chef du jansénisme à partir de 1694, il est emprisonné, s'évade et se retire en Hollande, où il intègre le clergé d'Utrecht. Il se consacre alors à la justification du jansénisme (le Nouveau Testament en français avec des réflexions morales, 1693 ; Pensées pieuses tirées des Réflexions morales du Nouveau Testament, 1711), malgré les condamnations de Rome.

Questione della lingua (Question de la langue)

Débat linguistique et littéraire qui s'éleva dans l'Italie du XVIe siècle à propos de l'emploi de la langue vulgaire en concurrence avec le latin et de la codification de la langue littéraire. On hésitait entre une formule empirique à prédominance toscane réglant l'usage des cours (B. Castiglione), l'emploi unique du toscan (C. Tolomei), voire du seul florentin (Machiavel). Ce débat trouva une solution avec Pietro Bembo, qui théorise un atticisme cicéronien à la source de toute l'esthétique classique.

Queval (Jean)

Écrivain français (Paris 1913 – Héricy 1990).

Ami de Raymond Queneau (il lui consacra un essai en 1984), il fonda avec lui l'Oulipo. Sa poésie était pleine de fantaisie et d'humour. Nouvelliste (Etc..., 1963), romancier, il a porté sur le monde un regard amusé et critique à travers les dialogues comiques d'un chat tigré et d'un chien (Nestor et Agamemnon, 1986). D'autres œuvres suivront, récits mêlés de souvenirs, de réflexion et de poésie (Tout le monde descend, 1988). Scénariste pour la télévision (la Malle de Hambourg, 1970), il est surtout le traducteur précis et rigoureux de James Agee, de Harry Martinson et de John Cowper Powys.

Quevedo y Villegas (Francisco Gómez de)

Écrivain espagnol (Madrid 1580 – Villanueva de los Infantes 1645).

Outre une multitude de poèmes, parus dans El Parnaso español (1648-1670), alliant l'inspiration la plus noble et la plus profonde aux romances argotiques les plus débridées, Quevedo se fit un impitoyable satiriste dans les Lettres du chevalier de la Tenaza (1625), les Songes (1607-1622) – équivalent espagnol des Colloques d'Érasme, dans lesquels il décrit et juge sans pitié les vices de son temps –, et surtout dans les Heures de tous (1635-1636), sorte de revue satirique et philosophique des catégories sociales et des grands personnages de l'histoire. Il publia un des plus étonnants romans picaresques, Histoire de Don Pablo de Ségovie (1626), mettant en scène un héros-narrateur qui, à l'opposé du Guzmán de Mateo Alemán, est destiné à être et à demeurer abject. Ses œuvres politiques (la Politique de Dieu, 1626) et morales (Commentaire sur la biographie de Brutus par Plutarque, 1632-1644) attestent son stoïcisme chrétien et une exceptionnelle prescience historique. Écrivain des contrastes et maître du conceptisme, Quevedo a pris part à toutes les polémiques contemporaines, dans un style où la finesse extrême de la pensée et la recherche de l'expression n'atténuent jamais la dureté impitoyable du trait.

Quignard (Pascal)

Écrivain français (Verneuil-sur-Avre 1948).

Petit-fils du linguiste Charles Bruneau, fils de professeurs de lettres classiques, il nourrira toute son œuvre de ses humanités, de sa culture antique, jusques et y compris Terrasse à Rome (2000). Traducteur de Lycophron (1971), adaptateur de Kong-souen Long (1990), exégète de Maurice Scève (la Parole de la Délie, 1974), de Michel Deguy (1975) et de Louis-René Des Forêts (le Vœu de silence, 1985), il se livre à une méditation sur la littérature, du point de vue de la réception (le Lecteur, 1976) mais aussi depuis l'« ermitage » du créateur (Rhétorique spéculative, 1995). Ses Petits Traités (1981-1990) témoignent de la continuité de sa réflexion et d'un savoir foisonnant dans plusieurs domaines artistiques.

   Tentée par la poésie (Sang, 1976 ; Hiems, 1977 ; Inter aerias fagos, 1979), tendue entre fragmentation (les Tablettes de buis d'Apronemia Avitia, 1984) et désir de complétude (Une gêne technique à l'égard des fragments, 1986), l'esthétique de Quignard ressortit à la Frontière (1992). Celle qui sépare euphorie des sens et cauchemars intimes (Albucius, 1990 ; le Sexe et l'Effroi, 1994 ; Vie secrète, 1998), celle dont témoignait déjà le premier livre, un essai sur Sacher-Masoch (l'Être du balbutiement, 1969), celle qui unit la dépression du langage (Carus, 1979) et le Nom sur le bout de la langue (1993), celle où s'abîme la distinction entre la Raison (1990) et la passion, celle des clairs-obscurs de Georges de La Tour (1991). La frénésie de collection (les Escaliers de Chambord, 1989) ne dissimule guère le sentiment de déréliction ni les contrepoints dubitatifs de ce romancier baroque, disciple d'Euterpe, du Salon du Wurtemberg (1986) à la Haine de la musique (1996), en passant par la Leçon de musique (1987), Tous les matins du monde (1991) ou l'Occupation américaine (1994).