Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Laaban (Ilmar)

Poète estonien (Tallinn 1921 – Stockholm 2000).

Émigré en Suède en 1943, il fonda le surréalisme estonien (le Bout de la chaîne de l'ancre est le début du chant, 1946), subissant notamment l'influence de Robert Desnos (Rroosi Selaviste, 1957). Il se livra en diverses langues (dont le français) à des expériences de poésie sonore polyphonique (disque compact le Bout de la chaîne de l'ancre est le début du chant, 1998). On lui doit également de nombreux essais sur l'art contemporain et la littérature (Écrits, 4 vol., 1988 ; la Peau de Marsyas, 1997).

Laabi (Abdellatif)

Écrivain marocain de langue française (Fès 1942).

Fondateur de la revue Souffles (1966-1971), poète militant (Race, 1967 ; l'Œil et la Nuit, 1969 ; L'arbre de fer fleurit, 1974), il fut emprisonné pendant huit ans pour son activité politique (le Règne de barbarie, 1976). Cette expérience lui inspira des lettres (Chroniques de la citadelle d'exil, 1980-1983) et des poèmes (Sous le bâillon le poème, 1981) qui composent un appel à la sauvegarde de toutes les libertés (le Chemin des ordalies, 1982 ; Discours sur la colline arabe, 1985).

Labadie (Jean de)

Théologien et écrivain français (Bourg, Guyenne, 1610 – Altona 1674).

Membre actif de la Compagnie de Jésus, ce grand spirituel et mystique se convertit avec éclat au protestantisme en 1640. Pasteur à Middelburg, c'est un controversiste important, qui introduisit un esprit mystique dans l'Église réformée, qu'il entreprit de modeler sur les communautés chrétiennes primitives (le Héraut du grand Jésus, 1667 ; l'Empire du Saint-Esprit, 1671). Le labadisme fut condamné par le synode général protestant des Pays-Bas (1668).

Labé (Louise)

Poétesse française (Lyon v. 1524 – Parcieux-en-Dombes 1566).

Fille d'un riche marchand d'origine italienne, la jeune Louise bénéficia d'une éducation soignée, à la fois littéraire (elle savait le latin), musicale (elle composait en français et en italien et chantait en s'accompagnant du luth) et sportive (elle fut habile écuyère et l'on suppose qu'elle participa à un tournoi devant le futur Henri II). Elle épousa en 1540 un marchand cordier (d'où son surnom de Belle Cordière). Sa réputation de courtisane lettrée (telle qu'il en existait à l'époque en Italie) est très probablement due aux médisances que lui valurent, dès son vivant, sa célèbre beauté, son mode de vie original (elle eut des amants comme le poète Olivier de Magny et elle avouait préférer la pratique des arts et de l'équitation aux occupations ménagères) et son mépris des convenances. De telles médisances, dont Calvin se fit l'écho, furent peu suivies, et cette grande érudite sut créer autour d'elle, dans cette ville de Lyon qui jouait le rôle de capitale culturelle du royaume, un cercle d'admirateurs fidèles. Par le recours à la tradition, à l'imitation et à l'utilisation des mythes antiques (Orphée, Sappho, Vénus, Pallas, Arachné) récents ou contemporains (la Laure de Pétrarque, la Folie d'Érasme), Louise Labé crée une écriture particulière lui permettant « d'exprimer, non sans une ironie souvent amère, le drame de sa condition de femme, d'amante et d'écrivain, auprès de ses amis et en pensant à la Cour, dans sa ville natale comme au-delà des frontières, pour ses lecteurs d'hier et d'aujourd'hui, urbi et orbi » (F. Rigolot). Les œuvres de la « Sappho de la Renaissance française », parues en 1555, suscitèrent un engouement général. Elles comportent une partie en prose (le Débat de Folie et d'Amour, conte mythologique rassemblant 5 discours se rattachant au genre médiéval du débat) et des pièces de vers : 3 élégies et 24 sonnets, le premier en italien et les autres en décasyllabes français. Tous ces poèmes ont pour thème unique l'amour, et semblent emprunter leurs idées à des auteurs tels que Bembo, Lemaire de Belges ou Érasme (notamment l'Éloge de la Folie, dont la figure narratrice, Folie, parle en femme). Moins soucieux de métaphysique amoureuse et de sophistique sentimentale que ceux de ses confrère et consœur lyonnais Maurice Scève et Pernette du Guillet, ses poèmes expriment un amour plus sensuel, plus tourmenté peut-être, qui trouve assez naturellement dans la rhétorique pétrarquiste – en particulier dans le jeu de ses antithèses – une expression adéquate. On ne trouve aucune complaisance chez elle pour la mélancolie ou le chagrin, sa poésie ayant en effet pour originalité d'associer le rire et l'amour. Dans le Débat opposant Amour et Folie, c'est une conception nouvelle non seulement de l'amour mais aussi de la société et du monde qui s'exprime : Folie « incarne en effet toutes les valeurs de la classe conquérante des marchands, impatiente de ravir à une noblesse arrogante – représentée par Amour – quelques-uns de ses privilèges les mieux gardés » (K. Berriot).

Labiche (Eugène)

Auteur dramatique français (Paris 1815 – id. 1888).

Après s'être essayé à la chronique dans les « petits journaux » du début de la monarchie de Juillet, puis au roman (la Clé des champs, 1839), il trouva rapidement sa voie, l'art de faire rire, et un instrument privilégié, le vaudeville, auquel il donna avant G. Feydeau ses premières lettres de noblesse. Après une série de courtes pièces en un acte (le Major Cravachon, 1844 ; Un jeune homme pressé, 1847 ; Embrassons-nous, Folleville, 1850), où il expérimente les lois du genre (qu'il définit lui-même comme « l'art de faire dire oui au papa de la demoiselle qui disait non »), il remporte son premier grand triomphe avec Un chapeau de paille d'Italie (en collaboration avec Marc-Michel, 1851), comédie à couplets en cinq actes, saluée par Sarcey comme « une révolution dans le vaudeville » : le rythme haletant de cette course-poursuite (Fadinard, « jeune homme pressé », lancé à la recherche du fameux chapeau, gage de l'honneur d'une femme volage, désespère d'échapper aux invités de sa propre noce devenue sourde et comme somnambule), scandée des célèbres « Mon gendre, tout est rompu ! », la disproportion entre l'objet dérisoire de la quête et l'immense ébranlement qu'il occasionne fondent le comique de situation explosif de ce « vaudeville-cauchemar » (R. Clair). La mécanique du vaudeville, qui repose sur la succession en chaîne d'une série de quiproquos et de méprises conduisant à des situations de plus en plus loufoques, est désormais parfaitement au point. Une fois sa gloire assise, Labiche s'essaya à la « grande » comédie de mœurs et de caractère, avec le Voyage de M. Perrichon (en collaboration avec Édouard Martin, 1860), qui inaugure la longue série de portraits du bourgeois, ce « philistin », « perle de bêtise » comme se plaisait à le nommer Labiche. La pièce connut à sa création un accueil triomphal. Suivront la Poudre aux yeux (1861), Célimare le Bien-Aimé (1863), la Cagnotte (1864), la Main leste (1867), les Trente Millions de Gladiator (1875), autant de variations sur le thème du bourgeois bête, cupide et hypocrite. L'œuvre prolifique de Labiche (173 pièces au total, la plupart écrites en collaboration avec É. Augier, T. Barrière, Marc-Michel, H. Monnier, etc.) reçut, outre les faveurs du public, une série de consécrations officielles (Labiche entre au répertoire de la Comédie-Française en 1864 avec Moi !, il est élu à l'Académie française en 1880). Ayant délibérément cessé de produire, il publia sur les instances de É. Augier un très fragmentaire mais très lu Théâtre complet (1878) et termina en châtelain retiré une existence consacrée « à la gaieté des honnêtes gens ». Longtemps tenu en moindre estime, considéré comme l'amuseur attitré du second Empire, Labiche est aujourd'hui redécouvert par les metteurs en scène (P. Chéreau, J.-P. Vincent, G. Lavaudant), qui soulignent la dimension corrosive ainsi que l'extraordinaire efficacité dramaturgique de ses pièces, comme par certains critiques, qui voient un lui un pionnier du théâtre de l'absurde.