Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Sant Jordi (Jordi de)

Poète catalan (1395 ? – 1424).

L'ensemble de son œuvre poétique, de thématique essentiellement amoureuse, s'inspire, d'une part, des procédés propres aux troubadours provençaux, et, d'autre part, reflète l'influence de Pétrarque. Grand poète de son temps, il participa aussi aux expéditions en Sardaigne et en Corse (1420), et connut, lors du siège de Bonifacio, un mois de captivité, dont il décrit l'angoisse dans un de ses poèmes les plus personnels, Prisoner.

Santareno (António Martinho do Rosário, dit Bernardo)

Auteur dramatique portugais (Santarém 1924 – Lisbonne 1980).

Il s'inspire du langage et des croyances populaires pour exprimer les souffrances et les obsessions (le Crime d'Aldeia Velha, 1959 ; Annonciation, 1962), puis dénonce en mode brechtien la répression idéologique (le Juif, 1966), dénonciation qui atteindra son paroxysme avec les Marginaux et la Révolution (1979), ensemble de pièces où ressortent les ambiguïtés de la révolution sociale.

Santayana (George)

Philosophe et essayiste américain (Madrid 1863 – Rome 1952).

Ses traités de philosophie (la Vie de la raison, 1905-1906 ; les Domaines de l'être, 1927-1940) et ses études sur l'idéologie américaine (la Philosophie en Amérique, 1918 ; Caractères et opinions aux États-Unis, 1920) et son roman, le Dernier des Puritains (1935), contribuent à la définition des dualités de la culture américaine : idéalisme et matérialisme, Est et Ouest, innovation et conservatisme.

Santillana (Iñigo López de Mendoza, marquis de)

Écrivain espagnol (Carrión de los Condes 1398 – Guadalajara 1458).

Poète doué, il est sans aucun doute la personnalité la plus riche de sa génération – et la plus influente dans les lettres castillanes au XVe siècle. Il a laissé de nombreux poèmes d'amour et de circonstance comme les Proverbes (1437), écrits pour l'éducation d'un jeune prince de 12 ans, ou les Serranillas (1423-40), où s'harmonisent le respect de la tradition castillane, le goût de l'allégorie (Couronnement de messire Jordi de Sant Jordi), à la manière française ou dantesque (l'Enfer des amoureux), et l'imitation des Italiens (Sonnets à la manière italienne). On lui attribue un recueil de couplets populaires (Proverbes que les vieilles disent auprès du feu), qui fait la transition entre la poésie du Moyen Âge et celle de la Renaissance, et on lui doit aussi des essais critiques sur la littérature, les premiers dans l'histoire de la littérature castillane.

Santo Kyoden

Écrivain japonais (Edo 1761 – id. 1816).

Fils d'un prêteur sur gages, il est l'auteur de sharebon (livres plaisants) et de kibyoshi (livres à « couverture jaune »), où il met à profit sa connaissance de Yoshiwara, le quartier réservé d'Edo. Sévèrement condamné (1790) au moment des réformes dites « de l'ère Kansei », il se cantonna dès lors dans le domaine moralisateur du gokan (livre relié) et du yomihon (livre de lecture), et eut Bakin pour disciple.

Santos (Lope K.)

Écrivain philippin de langue tagalog (1879-1963).

Poète, grammairien, il est l'auteur de romans dans lesquels il cherche à « entretenir, apprendre et décrire » la vie philippine (Rayonnement et Resplendissement, 1906 ; Alilang Kapalaran, 1932), dans une perspective engagée.

Santucci (Luigi)

Écrivain italien (Milan 1918 – id. 1999).

Il s'affirme comme un narrateur avec son long récit En Australie avec mon grand-père (1947). D'inspiration catholique et d'une élégance étudiée, ses romans semblent être, par leur ironie sous-jacente, une version moderne du roman philosophique du XVIIIe siècle (l'Oncle prêtre, 1953 ; le Diable en séminaire, 1955 ; le Vélocifère, 1964 ; Orphée au paradis, 1967 ; Ne tirez pas sur les narcisses, 1971).

Sanusi Pane

Écrivain indonésien (Muara Sipongi 1905 – 1968).

Formé dans les écoles hollandaises, il occupe d'abord un poste d'enseignant avant d'entrer, après un séjour en Inde (1929), à la rédaction de la revue Timboel (publiée à Solo en néerlandais). En 1941, il entre chez Balai Pustaka comme chef de la rédaction des ouvrages en malais. Il a eu d'autre part des activités nationalistes. Sanusi Pane a publié des poèmes (Effusions d'amour, 1926 ; Fleurs de nuage, 1927 ; Chants d'un chevalier errant, 1931) et des pièces qui, comme beaucoup de ses poèmes, s'inspirent du passé hindouiste de l'Indonésie (Kertajaya, 1932 ; Crépuscule sur Majapahit, 1933).

Sanvitale (Francesca)

Écrivain italien (Milan 1928).

Elle s'intéresse dans la plupart de ses romans à l'introspection des sentiments que génèrent les relations familiales (le Cœur bourgeois, 1972 ; Mère et fille, 1980 ; l'Homme du parc, 1984 ; Séparations, 1987). Sanvitale poursuit cette voie même dans le roman historique (le Fils de l'Empire, 1993).

Sapardi Djoko Damono

Écrivain indonésien (Solo 1940).

Après des études d'anglais à l'université Gajah Mada de Yogyakarta, il commence à écrire des poèmes vers 1960. Ses premières œuvres et la majorité des poèmes du recueil Ton chagrin, Dieu, est éternel (1969) se conforment encore à la tradition poétique indonésienne. Mais les poèmes de la Lame de couteau (1974) se situent à la limite de la prose et de la poésie, et ceux du recueil Aquarium (1974) abandonnent totalement la forme poétique. Il aurait ainsi créé, selon A. Teeuw, un genre nouveau dans la littérature indonésienne.

sapientiale (littérature)

La littérature sapientale (dite aussi littérature de sagesse) a fleuri dans tout le Proche-Orient ancien. C'est principalement parmi les membres des classes dirigeantes que l'on rencontrait les « sages ». Les officiers de la cour (ministres, conseillers, scribes, annalistes) formaient une classe instruite et cultivée, et ils se faisaient volontiers professeurs, transmettant un enseignement visant à rendre capable de bien exercer les fonctions de gouvernement et indiquant la voie à suivre pour conduire avec succès une carrière administrative. C'est ainsi que furent composés les écrits de sagesse : aphorismes et instructions en Égypte, fables et allégories à Babylone, maximes et paraboles imagées en Canaan et en Phénicie.

   On ne peut toutefois caractériser le courant sapiential par son seul aspect utilitaire. Les sages étaient très préoccupés par les grands problèmes de l'humanité, notamment par celui du sens que peut avoir l'existence humaine. Ce problème a inspiré des œuvres majeures de la littérature sapientiale, comme la Dispute à propos du suicide en Égypte ou le Livre de Job en Israël.

   Les littératures sumérienne et akkadienne ont livré quelques-uns des écrits sapientiaux les plus anciens. Même si, pour les Sumériens, la sagesse est par excellence affaire de tradition orale, les traditions sapientiales ont été mises par écrit dès les débuts de la littérature sumérienne. Il s'agit d'abord des proverbes (maximes, truismes, adages ou dictons), dont on possède plus de 700 exemples, regroupés par les scribes antiques en une vingtaine de collections. Les scribes ont également laissé des énigmes, des « dialogues » et des « débats », joutes oratoires opposant deux personnes ou deux réalités antithétiques personnifiées, chacune vantant ses mérites, comme « l'Été et l'Hiver » ou « l'Araire et la Houe » ; à la fin du texte, une divinité intervient comme arbitre de la dispute, et donne les raisons de son choix. Ces compositions ont pour la plupart été rédigées à l'époque néosumérienne (XXIe s. av. J.-C.). Il existait également des recueils de préceptes moraux, tels que les Instructions de Shourouppak à son fils Ziousoudra, ce dernier n'étant autre que le « Noé » du récit sumérien du Déluge.

   Les textes akkadiens, que l'on range traditionnellement parmi la littérature sapientiale, appartiennent à des genres littéraires fort divers. Quelques recueils nous ont transmis des proverbes, du type : « Une maison sans propriétaire est comme une femme sans mari. » Il existe également des collections de préceptes et d'admonitions. Les textes que l'on qualifie parfois de « fables » sont en réalité des dialogues entre deux éléments antithétiques, tels que « le Tamaris et le Palmier ». À ce genre, hérité de la littérature sumérienne, peut également être rattaché le dialogue auquel on a donné le titre de Théodicée babylonienne : on y voit deux lettrés s'affronter, strophe après strophe, sur les problèmes essentiels de la morale et de la justice divine. Le problème du mal est également au centre du monologue du Juste souffrant : cet homme accablé de maux et de souffrances fait le récit de son infortune en des termes qui rappellent le Livre de Job. Il existait enfin tout un courant de traditions relatives aux Sept Sages d'avant le Déluge : on ne possède à leur sujet que des anecdotes assez obscures, sauf pour l'un d'eux nommé Adapa, dont la légende raconte comment il monta au séjour des dieux et en revint.

   La littérature sapientiale la plus familière à l'Occident reste celle de la Bible, qui fait elle-même maintes fois allusion aux sages des autres peuples (cf. I Rois, V, 10-11 ; Jérémie, XLIX, 7 ; Abdias, 8) et Israël, en effet, a emprunté largement au fonds international (Égypte, Mésopotamie, Canaan) de la sagesse orientale. Mais sa littérature de sagesse a reçu une coloration particulière du fait de son lien avec la religion de Yahvé. Les sages d'Israël, en effet, n'entendent pas délivrer leur enseignement en dehors de la Loi et des Prophètes ; ils sont des disciples de Moïse. C'est pourquoi, en tête de leurs écrits, on pourrait placer cette parole qui est comme leur leitmotiv : « La crainte de Yahvé est le commencement de la sagesse. » (Proverbes, I, 7 ; IX, 10 ; Job, XXVIII, 28)