Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Fontenelle (Bernard Le Bovier de)

Écrivain français (Rouen 1657 – Paris 1757).

Son personnage de vieillard spirituel (il mourut centenaire) a fait oublier la précocité de sa réussite et de son œuvre. Bénéficiant de l'appui de son oncle Thomas Corneille, il publie dès 1677 l'Amour noyé dans le Mercure galant, se lance dans l'opéra (Psyché, 1678 ; Bellérophon, 1679) et dans la tragédie avec Aspar (1680). Il continuera à rimer des pastorales (Endymion, 1731), des églogues et des idylles. Mais c'est en moraliste sceptique qu'il réfléchit sur l'histoire, sur les sciences, sur les mœurs, sur les sentiments : les Lettres galantes de M. le chevalier d'Her *** (1685), forment la chronique imaginaire d'une société mondaine ; les Nouveaux Dialogues des morts (1683) campent des sages qui n'ont pu dans l'au-delà se débarrasser de leurs tics intellectuels, ou les grands acteurs de l'histoire désemparés par leur réputation posthume : Fontenelle y manie le paradoxe et l'ironie avec un brio exceptionnel ; la Relation de l'île de Bornéo (1686) use du voile de l'exotisme pour renvoyer dos à dos catholicisme et protestantisme – De l'origine des fables (1686) et l'Histoire des oracles (1687), critiquent l'imposture et le fanatisme. Fontenelle penche pour une République des philosophes (1682) où l'on a conscience de la relativité de toutes choses : c'est ce qu'enseignent ses Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), dialogues coperniciens à l'usage des gens du monde, et devenus pour le XVIIIe siècle un modèle de « la communication des idées » selon le mot de d'Alembert. Au nom des progrès de la physique et d'une approche rationaliste de la poésie, il soutient la cause des Modernes (Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688). Devenu membre de l'Académie française en 1691, il entre à l'Académie des sciences en 1697, dont il se fait l'historien (Histoire du renouvellement de l'Académie royale des sciences, 1708) et le panégyriste (Éloges, 1708-1733).

Fonvizine (Denis Ivanovitch)

Auteur dramatique russe (Moscou 1745 – Saint-Pétersbourg 1792).

Esprit libéral – ce dont témoignent ses traductions de Voltaire, de Gresset et de l'abbé Terrasson –, il voyagea en Europe : ses Lettres de France (1777-1778), conçues sur le mode des voyages sentimentaux de l'époque, révèlent son esprit critique à l'égard de l'Occident et de la gallomanie de l'aristocratie russe. Poète satirique, il est surtout le créateur de la comédie russe. Le Brigadier (1766), pièce en prose, construite suivant les canons de la comédie classique, greffe la satire sur une intrigue amoureuse et met en scène une série de personnages typiques du règne de Catherine II, les « petits-maîtres » entichés de culture française. Dans le Mineur (1782), un couple d'amoureux vertueux doit affronter les intrigues de Madame Prostakova qui souhaite marier son fils, le « mineur » du titre, que l'adoration des siens a rendu stupide et sans coeur, de manière avantageuse. Les jeunes gens sont aidés, avec bonhomie, par le vieux Starodoum, représentant de l'auteur sur la scène, un peu figé dans son rôle de raisonneur, mais qui oppose son bon sens aux ridicules des Prostakov, incarnation d'une Russie arriérée dont Fonvizine trace le portrait en des scènes réalistes.

Foote (Samuel)

Acteur et auteur dramatique anglais (Truro, Cornouailles, 1720 – Douvres 1777).

Ayant dilapidé son héritage, il se consacra au théâtre et devint directeur du Haymarket (1747), où il interpréta ses propres pièces, parodiant, entre autres, l'acteur Garrick. Son impertinence entraîna la fermeture du théâtre. Il organisa alors un club théâtral où farces et spectacles de marionnettes exprimaient la même rage contre son public (l'Anglais à Paris, 1753 ; le Nabab, 1772). Mutilé à la suite d'un pari stupide, il exploita son infirmité (le Boiteux amoureux, 1770 ; le Diable aux deux cannes, 1778).

Ford (Ford Hermann Hueffer, dit Ford Madox)

Écrivain anglais d'origine allemande (Merton, Surrey, 1873 – Deauville 1939).

Fils du critique musical du Times, élevé dans le sérail symboliste, admirateur de Flaubert, il publie son premier roman à 18 ans. Avec la collaboration de Joseph Conrad, il écrivit les Héritiers (1901) et Romance (1903), et se fait connaître avec une trilogie historique consacrée à la cinquième femme d'Henry VIII. En 1908, il lance l'English Review, qui publie Hardy, James, Wells, Tolstoï (et découvrira W. Lewis, Pound, Lawrence, Hemingway). Gazé au front, il brosse un tableau saisissant de l'impact de la guerre sur les hommes de sa génération. Avec le Bon Soldat (1915), il inaugure une technique narrative originale, qu'il pousse plus loin encore dans la tétralogie romanesque Fin de parade (1924-1928). Fondateur à Paris de la Transatlantic Review (1924), il exercera une influence décisive sur les jeunes romanciers américains.

Ford (John)

Auteur dramatique anglais (Ilsington, Devon, 1586 – Devon 1639).

Après l'échec de ses études de droit, il produit avec Dekker des « masques » (The Sun's Darling, 1624) et collabore probablement avec Webster et Rowley à un drame (la Sorcière d'Edmonton, 1621) dont la sauvagerie pathétique annonce la tonalité de ses onze tragédies. Dans Dommage qu'elle soit une putain (1626), un frère engrosse sa sœur, la marie puis la tue ; un hymne à la mélancolie et la première tragédie sur l'inceste. Dans le Cœur brisé (1633), une femme, mariée contre son gré, meurt en dansant tandis qu'on lui annonce la mort de tous ses proches. Redécouvert par Swinburne et Taine, J. Ford est le seul post-élisabéthain à atteindre la grandeur tragique. Ses dernières pièces, comédies ou drames historiques (Perkin Warbeck, 1634), traduisent la recherche d'une esthétique moins tendue.

Ford (Richard)

Écrivain américain (Jackson, Mississippi, 1944).

À la fin du Commentateur sportif (1986), le héros déclare n'avoir aucune pitié pour les personnages de ses romans : le risque est trop grand de s'apitoyer ensuite sur soi-même et de se retrouver dans une situation dangereuse. À commencer par Un morceau de mon cœur (1976) et jusqu'à Indépendance (1995), cette thématique de l'évitement (de soi, des autres, de la pensée, de l'histoire, etc.) traverse toute l'œuvre de Ford. Conflits philosophiques et épigrammes émaillent une prose où se sent l'influence laconique d'Hemingway.