Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Gustafsson (Lars)

Écrivain suédois (Västerås 1936).

Les recueils de nouvelles (Préparatifs de fuite, 1967), les poèmes (Voyage au centre de la Terre, 1966) s'efforcent, en un style raffiné jusqu'à la préciosité, de traquer, derrière le chaos présent, la fugace réalité de la personne humaine. Philosophe de formation, Gustafsson introduit dans sa prose romanesque de nombreuses questions métaphysiques. Mort d'un apiculteur (1978) fait du cancer le moyen d'évaluer le sens de la vie. Musique funèbre (1983) présente des destinées sacrifiées dans une perspective de plus en plus pessimiste. Avec L'après-midi d'un carreleur (1991), la perspective éthique continue d'être associée à une mise en cause de l'actualité.

Gutiérrez Solana (José)

Peintre et écrivain espagnol (Madrid 1886 – id. 1945).

Dans ses tableaux de mœurs (Madrid : scènes et coutumes, 1913-1918 ; l'Espagne noire, 1920 ; Deux Peuples de Castille, 1925), il montre une préférence pour la description des marginaux et des déshérités. Comme dans son œuvre picturale, dans le droit fil de Goya, il présente une vision tragique de l'Espagne qui le rattache au courant de la génération de 98.

Gutzkow (Karl)

Écrivain allemand (Berlin 1811 – Sachsenhausen 1878).

Son roman Wally l'incrédule (1835) provoque l'interdiction de la Jeune-Allemagne, dont il est un des représentants. Ses démêlés avec la censure et la police, comme avec ses collègues écrivains et journalistes, jalonnent le cours de sa carrière. Il s'est servi de la littérature avec succès pour « passer la liberté en contrebande » dans des comédies historiques, des mélodrames subversifs et des romans-fleuves, où il tente de représenter la société urbaine par la technique de la « juxtaposition ». La postérité retient surtout la valeur documentaire de cette œuvre.

Guyon (Jeanne-Marie Bouvier de La Motte, dite Mme)

Mystique française (Montargis 1648 – Blois 1717).

Veuve en 1676, elle se consacra à la religion et publia en 1685 le Moyen court et très facile pour l'oraison. Introduite par Mme de Maintenon à Saint-Cyr, elle exerça bientôt une influence profonde sur Fénelon, qui reconnut la sincérité et la richesse de son expérience mystique. Figure centrale de la querelle du quiétisme, elle fut condamnée à la suite des entretiens d'Issy, enfermée à la Bastille, puis exilée à Blois, d'où elle continua à marquer de son empreinte les milieux piétistes protestants (Discours chrétiens et spirituels, 1716 ; l'Âme amante de son Dieu, 1717).

Guyotat (Pierre)

Écrivain français (Bourg-Argental 1940).

Rédacteur littéraire au Nouvel Observateur (1964-1965), proche du groupe Tel Quel après mai 68, il est remarqué pour Tombeau pour 500 000 soldats (1967), inspiré de son expérience de la guerre d'Algérie. Éden, Éden, Éden (1971), considéré comme pornographique, est censuré jusqu'en 1981 mais lui vaut l'appui de M. Leiris, de P. Sollers, de R. Barthes et de M. Foucault. Suivront Prostitution (1975), le Livre (1984), Progénitures (2000), expériences limites d'un subversion radicale des valeurs bourgeoises et de la littérature humaniste (rhétorique, psychologie, réalisme référentiel), au profit de la matière et du corps : « Quand je faisais encore de la "littérature", je n'utilisais pas mes fonctions organiques [...]. Si l'on considère que faire de l'art, c'est intervenir sur la nature, alors il faut y donner du corps » (Explications, 2000). Guyotat invente un langage qui tient du halètement et du râle, un chant organique dédié à une sexualité originelle et mythique omniprésente, développe au fil de son œuvre une épopée sans histoire ni personnage de la violence et de la transgression dont le « putain », esclave à mi-chemin entre l'homme et l'animal, est la figure emblématique.

Guzmán (Martín Luis)

Écrivain mexicain (Chihuahua 1887 – Mexico 1977).

C'est l'un des auteurs les plus fameux de ce genre étonnamment fécond qu'est le « roman de la Révolution », à laquelle, comme Mariano Azuela, il participa activement. Son œuvre est celle d'un intellectuel dont le propos manifeste est d'utiliser l'héritage révolutionnaire pour atteindre des objectifs à la fois éthiques et esthétiques. Son premier roman (l'Aigle et le Serpent, 1928) est le récit de ses activités de 1913-1915 et met en scène les principaux personnages de la guerre civile. L'Ombre du caudillo (1929) est en grande partie une caricature des mœurs politiques du régime de E. Calles (1924-1928). Dans les Mémoires de Pancho Villa (1938-1941), il laisse transparaître, en une langue savoureuse, son admiration pour le chef révolutionnaire du Nord, dont cependant il ne méconnaît pas les défauts. Au fond, Guzmán est plutôt un chroniqueur qu'un véritable romancier : on lui a reproché son manque d'imagination, son inhabileté à construire une intrigue et à conduire un dialogue, mais il reste l'un des plus grands témoins du Mexique de la première moitié du XXe siècle.

Gyllensten (Lars)

Écrivain suédois (Stockholm 1921-Solna, près de Stockholm, 2006).

Il fustige dans Camera obscura (1946) et Mythes modernes (1949) les leurres de notre époque. Le Bateau bleu (1950), Barnabok (1952) et Carnivora (1953) dépeignent avec une objectivité clinique, qui se donne les apparences d'une feinte naïveté, l'homme moderne annihilé par les mots d'ordre actuels, tandis que Senilia (1956) décrit les implacables ravages de la vieillesse. Le Sénateur (1958) est plus politique, la Mort de Socrate (1960), plus historique, mais ils témoignent d'un « pessimisme ironique » qui culmine dans Juvenilia (1965).

Gysen (René)

Écrivain belge d'expression néerlandaise (Anvers 1927 – id. 1969).

Traducteur et commentateur de Sade (1961), il pratiqua une poésie et une prose expérimentale, marquée par l'influence de Joyce (Procession All Stars, 1964) ou les recherches de la psychologie moderne des profondeurs (Capricieuse Catherine, 1966). Il fut le théoricien de la revue Gard Sivik (la Réception littéraire, 1969).

Gysin (Brion)

Peintre et écrivain américain (Paplow, Buckinghamshire, 1916 – Paris 1986).

Proche des peintres surréalistes, il vécut à Tanger de 1953 à 1973, à l'instigation de Paul Bowles. Inventeur d'une technique de découpage du texte (cut-up) reprise par William Burroughs, il est l'auteur de récits fondés sur les jeux de langage (Désert dévorant, 1973 ; Musée Beat-Hôtel Bardo, 1984).