Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Grangaud (Michelle)

Poétesse française (Alger 1941).

Oulipienne, elle cultive l'art des contraintes : Mémento-fragments (1987) et Stations (1990) jouent de l'anagramme et Poèmes fondus (1997) contractent en haïkaï des sonnets célèbres. État civil (1998) aborde la question du sujet à travers le modèle impersonnel du registre (naissances/mariages/décès) et, dans Souvenirs de ma vie collective (2000), 2 357 vers libres s'ouvrant par la syllabe qui clôt le précédent tissent un inventaire de mémoire cherchant à dépasser le je.

Grass (Günter)

Écrivain allemand (Dantzig 1927).

C'est à Langfuhr, faubourg de Dantzig, où ses parents tenaient un magasin d'alimentation, qu'il a fait l'apprentissage de la vie, sur fond de national-socialisme et de guerre, avant d'être enrôlé et fait prisonnier en 1945. Libéré, il s'établit en Allemagne de l'Ouest, exerce différents métiers, étudie la sculpture et le dessin et se met à écrire. Il ne cessera, depuis, de mener de front une œuvre de sculpteur-dessinateur et d'écrivain, sans compter ses prises de position dans la vie publique. Au théâtre, Grass a commencé par des pièces « absurdes » (Encore dix minutes avant Buffalo, 1954 ; la Crue, 1955 ; Oncle, Oncle, 1956 ; les Méchants Cuisiniers, 1957), avant de se tourner vers le théâtre « épique » et « dialectique » (Les plébéiens répètent l'insurrection,1966), qui montre l'ambiguïté de l'attitude de l'intellectuel marxiste devant la praxis révolutionnaire. Depuis Die Vorzüge der Windhühner (1956), il n'a cessé de publier des œuvres lyriques, souvent illustrées par ses propres dessins (Jonction triangulaire, 1960 ; Interrogatoire, 1967). Grass est cependant surtout un conteur et un romancier. Sa notoriété est née avec le Tambour (écrit à Paris entre 1956 et 1959), qui formera, avec le Chat et la Souris (1961) et les Années de chien (1963), la « trilogie de Dantzig ». Il y fait revivre l'univers de son enfance et de son adolescence. Dans la perspective des survivants établis dans la société ouest-allemande d'après-guerre, il dépeint avec férocité cette époque en posant sans cesse la question de la responsabilité. Le microcosme dantzigois est également présent dans des œuvres qui ont pour sujet le malaise de sa jeunesse (Anesthésie locale, 1969) et les luttes politiques aux côtés de Willy Brandt (le Journal d'un escargot, 1972). L'œuvre narrative de Grass mêle souvent intimement passé et présent, comme dans le Turbot (1977), Mon siècle (1999) ou la Marche du crabe (2002). Une rencontre en Westphalie (1979) décrit une rencontre de poètes baroques en 1647, faisant référence à la création, trois siècles plus tard, du Groupe 47. Dans Toute une histoire (1995), la réunification allemande est vécue par Theo Wuttke, réincarnation contemporaine de l'écrivain Theodor Fontane. Grass se place ainsi dans la lignée qui va du roman picaresque du Grimmelshausen au réalisme fantastique de Döblin, en passant par l'humour de Jean Paul (la Ratte, 1986). Il obtient le prix Nobel de littérature en 1999.

Le Tambour (1959). Le héros central et narrateur de ce premier volet de la Trilogie de Dantzig est Oskar Matzerath. Né en 1924 dans un faubourg ouvrier de Dantzig, fils de petits commerçants, il décide, à l'âge de 3 ans, d'arrêter de grandir. Doté d'une intelligence précoce, armé d'un tambour en fer-blanc, il traverse ainsi les années sombres, témoin impitoyable de la folie, des petites lâchetés et des grands crimes des adultes. Grâce à cette perspective « d'en bas », typique du roman picaresque, Grass donne à travers le microcosme de Dantzig un tableau saisissant de son époque, de la montée du nazisme à la guerre et au miracle économique ouest-allemand des années 1950. La parution du Tambour a été la révélation d'un talent d'écrivain original, sachant passer du réalisme à la satire et à la parodie, du grotesque au fantastique, d'un maître du style dont la truculence verbale fait songer à Grimmelshausen et à Rabelais. Le succès du roman a été prolongé par son adaptation cinématographique (V. Schlöndorff), palme d'or à Cannes en 1979.

Le Turbot (1977). Œuvre monumentale mêlant le lyrisme et la prose, le conte et la satire, le passé et le présent, le mythe et l'autobiographie, il réinterprète un conte, « le Pêcheur et sa femme » : en échange de sa liberté, le turbot capturé par le pêcheur Édek promet à celui-ci de l'aider à devenir riche et puissant. En une suite de tableaux qui vont du néolithique à nos jours, Grass montre les catastrophes déclenchées par les hommes ; en même temps, il présente en contrepoint des portraits de femmes, maternelles et nourricières. Mêlée inextricablement au passé, l'action contemporaine montre le turbot mis en accusation et condamné par un tribunal féministe. La fin, pourtant, reste ambiguë. Certes, le turbot, remis en liberté, soutiendra désormais la cause des femmes. Mais suffit-il de substituer une domination à une autre ? Grass n'apporte pas de réponse.

Toute une histoire (1995). Roman centré autour du personnage de Theo Wuttke, dit Fonty, sorte de réincarnation de l'écrivain Theodor Fontane et toujours flanqué de l'espion Hoftaller, réincarnation lui-même d'un espion prussien. Les narrateurs, archivistes aux archives Fontane, reconstituent sa vie à Berlin de 1989 à 1991. Les vies parallèles de Fonty et de Fontane permettent un entrelacement virtuose des différentes époques qui met en évidence la survivance du passé dans le présent de l'Allemagne. Le roman, qui se veut une prise de position sur la réunification, donna lieu, à sa sortie, à une vive controverse.

Gratiant (Gilbert)

Écrivain martiniquais (Saint-Pierre 1895 – Paris 1985).

Il a fait toute sa carrière de professeur en France, mais écrivit aussi bien en créole (Fab Compè Zicaque, 1950 et 1976) qu'en français (Poèmes en vers faux, 1931 ; Sel et Sargasses, 1963). Héritier du sentimentalisme antillais et du goût des contes, il ne se dérobe pas à l'écriture militante, communiste ou autonomiste. Dans le Credo des Sang-Mêlé (1950), il a revendiqué le métissage biologique, y compris « la part du Nègre ».