Somalie (suite)
Le théâtre
Le théâtre somali apparaît vers 1940 dans l'environnement urbain et connaît aujourd'hui une grande popularité. Considéré dans son ensemble, c'est une innovation qui ne doit rien aux modèles européens, tant pour le fond que pour la forme, une synthèse de prose et de poésie : les intermèdes composés en poésie allitérative traditionnelle, souvent chantée ou accompagnée de l'orchestre, constituent les parties nobles de la pièce et contiennent, à l'image des chœurs tragiques grecs, le message de l'auteur. Satire et humour dominent dans les scènes en prose, en partie improvisées par les acteurs. Avec des personnages et des sujets tirés de la vie quotidienne (masques et costumes sont exclus), le théâtre reflète le goût marqué de l'ensemble de la littérature somalie pour le réalisme et s'affirme dans son rôle de véhicule de pensée philosophique ou politique. Samawada (1968) d'Axmed Cartan Xaange met en scène la vie et la mort d'une étudiante engagée dans des activités politiques. Le Léopard et les Femmes, composé en 1968 par Xasan Sheekh Muumin, est une satire résolument féministe de l'instabilité du mariage dans l'environnement urbain. Les œuvres de Cali Sugulle (également célèbre poète), de Cali Ibraahiin Iidle s'affirment elles aussi dans leur rôle patriotique et réformiste.
La prose traditionnelle, le roman
Les dits (odhaah), proverbes (maahmaah), fables, et le vaste corpus de légendes (sheekoogin), soit arabes d'origine, soit spécifiquement somalies, transcrits et publiés à ce jour en de nombreux recueils (dont le plus connu, Xikmad Soomaali, bénéficie d'une édition exemplaire par Muuse X. I. Galaal et B. W. Andrzejewski), constituent le fonds national qui nourrit l'inspiration des écrivains contemporains. Dès avant la réforme orthographique et linguistique de 1972 s'était développé le goût de la fiction, à peu près étrangère à la littérature somalie. Première œuvre romanesque, Qawdham iyo Qoran, écrit en 1967 par Axmed Cartan Xaange, est une histoire d'amour inscrite dans le cadre historique de la prérévolution. En commun avec elle, les Esprits et Lutter pour vivre, deux nouvelles écrites en 1973 par Shire Jaamac Axmed, possèdent le caractère engagé, la gravité des thèmes jusque-là réservés à la poésie traditionnelle. L'ignorance est l'ennemie de l'amour, de Faarax M. J. Cawl, écrit en 1974 d'après une histoire vraie préservée par les traditions orales, est celle de deux amoureux séparés par les lois de leur société dans la dramatique période du soulèvement de Maxamad Cabdulle Xasan contre les forces britanniques. L'originalité de l'œuvre, où de nombreux poèmes mêlés au récit en prose soulignent les points de tension dramatique, comme celle des Chaînes de la colonisation (1978), du même auteur, qui insère l'exposé purement historique de la domination du peuple somali dans le cadre fictif du récit, promettent beaucoup pour l'avenir du roman somali. On peut aussi mentionner l'œuvre réaliste, sensible et acerbe, de Nuraddin Faarax (né en 1945), écrivain somalien de langue anglaise, comme appartenant à la pure tradition littéraire nationale.