Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Filippini (Anton Francesco)

Poète français naturalisé italien, d'expression corse (San Nicolao 1908 – Oriolo Romano 1985).

Il manifeste dans Poésies (1929-1931) un parti pris d'originalité qui tranche avec le populisme des auteurs corses d'alors. Si Ballades corses (1940) balancent encore entre le tableautin villageois et l'élégie chrétienne, Mes humeurs (1956) font de lui un poète lyrique achevé. L'Aubépine (1958), Pays et Saisons (1968), Pluie d'avril (1969), la Besace (1980), les Aubours (1982) et les recueils posthumes les Petits Houx (1991) et Fleuve de Dieu (1993) sont des alliages subtils de vision universaliste et de déférence aux racines. Filippini est aussi l'auteur d'un recueil de vers italiens (Au rivage silencieux, 1970).

Finlande

Les éléments les plus anciens de la tradition orale finnoise remontent à l'âge de pierre, c'est-à-dire à la période où les anciens Finnois migrent des régions centrales de la Russie actuelle en direction des rives de la Baltique, pour aboutir dans la région des pays baltes ; ce sont, d'une part, le chant chamanique, incantatoire, et, d'autre part, une poésie épique cosmogonique : le mythe finnois de la création du monde comporte l'intervention d'un oiseau, aigle ou palmipède, dont l'œuf fournit les matériaux du ciel et de la terre. Les chants des pleureuses (itkuvirret), encore pratiqués de nos jours, ont également une origine très ancienne : dans cette forme poétique originale, proprement féminine, les vers, extrêmement longs, s'improvisent jusqu'à l'épuisement du souffle.

   L'âge de bronze correspond pour la littérature orale finnoise à l'assimilation des influences baltes : c'est de cette époque que date la notion de kaleva, le forgeron mythique. Apparaissent aussi alors les chants sur la « naissance » du seigle, de la bière, ainsi que les chants du fer, de la fabrication d'une barque et de la création du kantélé, instrument de musique qui symbolisera la poésie dite kalévaléenne. Tandis que les anciennes divinités vont évoluer pour se rapprocher de la nature humaine (comme le forgeron, Ilmarinen, créateur du monde), la poésie lyrique s'enrichit d'un genre élégiaque, et on peut distinguer dans ce trésor anonyme la présence d'une personnalité féminine qu'on a appelée « la poétesse des oiseaux » à cause de nombreux éléments poétiques utilisant des symboles ornithologiques.

   C'est au cours des premiers siècles de notre ère que les Finnois immigrent dans l'actuelle Finlande. Ils entrent en contact avec les Varègues. Des motifs guerriers sont alors introduits dans la poésie orale et les divinités deviennent des héros combattants. Des sujets nouveaux sont également empruntés aux sagas scandinaves, comme celui du Sampo, objet magique qui produit les richesses et le bonheur et qui constitue l'un des thèmes principaux de l'actuel Kalevala. Le personnage de Väinämöinen, à la fois chaman, barde et guerrier, s'enrichit des influences germaniques.

Développement de la littérature écrite

Dès l'arrivée des premiers missionnaires catholiques, consécutive aux expéditions militaires suédoises des XIIe et XIIIe s. qui finiront par faire de la Finlande une province de la Suède, les croyances et coutumes païennes sont refoulées vers les régions périphériques du pays, et, avec elles, la tradition orale, restée vivace jusqu'à nos jours dans les profondeurs des forêts caréliennes. Des légendes versifiées, d'origine allemande ou anglaise, sont adaptées dans la rhétorique autochtone (le Chant du Créateur, le Chant de la mort de l'évêque Henri, le Chant de Madeleine). Au XIVe s., l'adoption de la ballade scandinave est à la source de poèmes populaires remarquables, comme le Chant d'Annikainen et la Mort d'Élina.

   La fin du XVe s. voit les débuts de l'historiographie savante (les Chroniques des évêques de Finlande), et Jöns Budde, un moine de langue suédoise, est le premier écrivain finlandais. C'est Mikael Agricola, évêque réformateur, qui rédige les trois premiers livres parus en finnois : un Abécédaire, un Bréviaire et la traduction du Nouveau Testament (1548). Au XVIIe s., la domination suédoise devient sensible dans la vie spirituelle du pays. Quelques poèmes épars, d'inspiration religieuse, témoignent de la permanence de la création, malgré la situation précaire de la culture autochtone : au début du XVIIIe s., deux poètes finnois, Pärttyli Vhaël et Gabriel Calamnius, chantent les malheurs de la guerre et acquièrent une grande popularité.

Les débuts de la littérature

Le point de départ d'une vie culturelle proprement finlandaise se situe dans la seconde moitié du XVIIIe s. En effet, deux grands poètes de langue suédoise naissent en Finlande : Gustaf Filip Creutz et Franz Mikael Franzén ; le premier est un poète de cour d'inspiration française, l'œuvre du second est plus profondément ancrée dans le milieu de ses origines. C'est à Henrik Gabriel Porthan que revient le mérite d'avoir découvert le génie de la littérature orale finnoise. Suivant son exemple, plusieurs chercheurs recueillent, au début du XIXes. (alors même que la Finlande échappe à la Suède pour devenir un grand-duché russe), les éléments de la littérature populaire : la synthèse de ces travaux est accomplie par Elias Lönnrot, qui, à partir des poèmes populaires, partiellement découverts par lui-même, compose l'épopée nationale du Kalevala et la non moins célèbre anthologie de poésie lyrique, la Kanteletar. L'œuvre de Lönnrot constitue l'apothéose du romantisme national, mais les véritables maîtres de cette époque sont deux écrivains de langue suédoise : J. L. Runeberg, qui glorifie la nature et les habitants du Nord, et Z. Topelius, auteur de vastes romans historiques. La Société de littérature finnoise, créée en 1831 à Helsinki, se charge de défendre la culture nationale dans des moments difficiles, surtout lorsque la censure est décrétée par le tsar, grand-duc de Finlande, contre toute littérature « non-utilitaire ». En 1863, sous le règne du tsar Alexandre II, la langue finnoise sera reconnue comme langue nationale.

   Aleksis Kivi décrit ses compatriotes avec humour, introduisant dans la littérature de son pays la dimension du réalisme : ce trait paraît à ses contemporains si choquant que son chef-d'œuvre, les Sept Frères (1870), sera interdit pendant trois ans. Kivi mourra sans connaître la gloire qui couronnera plus tard son œuvre. La voie du réalisme, ainsi ouverte, plusieurs écrivains importants y trouvent leur registre : Minna Canth lutte dans ses œuvres dramatiques pour la cause des pauvres et des femmes ; Juhani Aho propose des nouvelles pittoresques et des sortes de poèmes en prose, où s'exprime un amour mystique de la nature et de la solitude. Peu à peu, le pays se partage géographiquement. Les Suédois commencent à se sentir minoritaires et leur littérature reflète ce malaise : la poésie de K. A. Tavaststjerna et d'Arvid Mörne voit dans les côtes et les archipels le domaine où les Suédois se sentent chez eux, un peu isolés, alors que le cœur du pays, avec les lacs et les forêts, devient le paysage type de l'écrivain finnois. Arvid Järnefelt est dans cette perspective, entre autres, l'adepte le plus complet de l'enseignement de Tolstoï.

   Le néoromantisme du début du XXe s. déferle sur le pays, englobant l'idée nationaliste et imprégnant tous les arts : c'est la période de Sibelius en musique, de Gallen-Kallela en peinture, et du jeune poète Eino Leino, qui réussit à renouveler le style kalévaléen dans ses ballades mythologiques et archaïques. Cependant, V. A. Koskenniemi, nourri de l'Antiquité gréco-romaine, tend à devenir le phare de la littérature finnoise en s'opposant à la spontanéité de l'inspiration de Leino.

   L'accession à l'indépendance et la guerre civile de 1918 ne semblent pas avoir provoqué de grands changements dans la vie littéraire. Un seul écrivain de renom s'engage du côté communiste, Maiju Lassila-Algot Unhola, et sera assassiné pendant la guerre. Les romanciers Ilmari Kianto et Joel Lehtonen, comme les poètes Juhani Siljo et Bertel Gripenberg, louent ouvertement la gloire des « blancs » et des patriotes. La compréhension et la compassion seront les mobiles profonds de Sainte Misère (1919) de F. E. Sillanpää, dont l'œuvre est couronnée par le prix Nobel au seuil de la Seconde Guerre mondiale. Avec lui, mais avec plus d'humour, Kianto et Lehtonen décrivent l'homme modeste et désemparé des régions les moins favorisées du pays.