Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Mailer (Norman Kingsley)

Écrivain américain (Long Branch, New Jersey, 1923 – New York 2007).

Une enfance à Brooklyn, des études d'ingénieur à Harvard : s'il n'y avait eu la mobilisation en 1943 dans la marine et la guerre du Pacifique, rien ne prédisposait vraiment Mailer à être le « sismographe affolé » des secousses politiques et culturelles de son époque. Mais les Nus et les Morts (1948) sont bien davantage que « le plus grand roman de la guerre »  : c'est la fable de la défaite inévitable de l'homme encaserné et embrigadé et une analyse des rapports de pouvoir dans la société américaine. Aussi l'« engagement » continu de Mailer (contre le maccarthysme, contre la guerre du Viêt Nam) apparaît-il aussi comme une mise en scène permanente des « exigences rebelles du Moi » (Morceaux de bravoure, 1982). Ses sujets sont divers : de Kennedy (les Papiers du Président, 1963) à l'évocation du mythe de la star (Marilyn, 1973) et du « grand ancêtre », Henry Miller (Vie et Débauches, 1983). Reporter halluciné (le Chant du bourreau, 1979), qu'il analyse sa propre tentative d'assassinat de sa femme (Un rêve américain, 1964) ou qu'il porte un regard détaché sur l'Égypte de Ramsès II (Nuits des temps, 1983), c'est sa propre violence qu'il a toujours explorée (Rivage de Barbarie, 1951 ; En transit vers Narcisse, 1978). Contre les idéologies politiques et la récupération psychanalytique, il proclame une révolution sexuelle (le Parc aux cerfs, 1955 ; Commissions existentielles, 1972), une débauche mystique qui démystifie les fantasmes du mâle américain (Les vrais durs ne dansent pas, 1984) et qui poussera la civilisation, comme on pousse un moteur, jusqu'à son éclatement (le Fantôme de Harlot, 1991).

Maillart (Jean)

Écrivain français († 1327).

Notaire de l'hôtel du roi, il composa en 1316 le Roman du comte d'Anjou en 8 156 octosyllabes. Le récit reprend un thème connu : la fille d'un roi obligée de fuir la maison de son père en raison du désir incestueux de celui-ci, épouse un comte et lui donne un fils ; s'y ajoute le thème de la tante méchante qui se sert de fausses lettres pour l'accuser auprès de son époux. La même formule avait servi à Philippe de Beaumanoir pour son roman la Manekine (l'héroïne se coupait la main), mais l'œuvre du XIVe siècle situe l'action dans le décor précis et concret de la vie quotidienne en France et l'histoire, dépouillée d'éléments merveilleux, doit sa force à la vraisemblance des malheurs.

Maillet (Antonine)

Romancière canadienne acadienne (Bouctouche 1929).

Née au Nouveau-Brunswick, elle dépeint la vie des pêcheurs acadiens et utilise leur parler savoureux, auquel elle trouve des affinités avec la langue de Rabelais (Rabelais et les traditions populaires en Acadie, 1971). Remarquée dès ses premiers romans (Pointe-aux-Coques, 1958 ; On a mangé la dune, 1962), c'est au théâtre qu'elle obtint son premier succès avec la Sagouine (1971), monologue d'une vieille laveuse de planchers. Ses récits évoquent la survie de l'identité acadienne (Mariaagélas, 1973 ; les Cordes-de-bois, 1977), entreprise à laquelle le prix Goncourt attribué à Pélagie la Charrette (1979) a donné une résonance internationale.

Mainard (François)
ou François Maynard

Poète français (Toulouse 1582 – Aurillac 1646).

Il rencontra Malherbe, dont il devint le disciple, renchérissant volontiers sur son purisme formel. Ses Œuvres complètes (1644) finirent par lui apporter une certaine gloire. On y trouve quelques poèmes « satyriques », des odes et des sonnets, et surtout des épigrammes, genre où il passait pour un maître. Sensible aux charmes de la vie, jusqu'à un certain libertinage, il a su aussi faire preuve d'un lyrisme mêlé de mélancolie et d'ironie.

Maine de Biran (Marie François Pierre Gontier de Biran, dit)

Philosophe et homme politique français (Bergerac 1766 – Paris 1824).

Influencé par les Idéologues, il distingue dans son Mémoire sur l'habitude (1802) les sensations passives des perceptions qui s'accompagnent de la conscience d'un effort. Un drame personnel (sa femme mourut après avoir perdu la raison) en fit un métaphysicien (Mémoire sur les perceptions obscures, 1807 ; Considérations sur le sommeil et les songes, 1809) et un admirateur de Pascal, qu'il fit découvrir à Victor Cousin.

Mairet (Jean)

Auteur dramatique français (Besançon 1604 – id. 1686).

Il débuta au théâtre par des tragi-comédies d'inspiration pastorale (Sylvie, 1628), tandis que les Galanteries du duc d'Ossonne (1636) annoncent la comédie de mœurs. Il écrivit surtout, dans la préface de sa Silvanire (1631), le manifeste d'une dramaturgie « nouvelle », conforme aux règles d'Aristote, position esthétique qu'il réitéra dans son hostilité à Corneille dans la querelle du Cid. Sa Sophonisbe (1635) a gardé la réputation de première tragédie régulière ; pourtant, les unités de temps et surtout de lieu n'y sont pas totalement respectées. Mais la pièce, mouvementée et pathétique, ménage les bienséances, ouvrant ainsi la voie au théâtre classique.

Maistre (Joseph de)

Homme politique et philosophe savoyard de langue française (Chambéry 1753 – Turin 1821).

Il émigra à Lausanne (1793) puis rejoignit en Sardaigne (1799) Charles-Emmanuel IV, qui en fit son ambassadeur en Russie (1802-1817). C'est, avec Bonald, l'adversaire le plus passionné de l'esprit du XVIIIe s. et de la Révolution française, à laquelle il recherche une explication métaphysique (Considérations sur la France, 1797). Il partage avec Saint-Martin l'idée d'une unité providentielle du monde. Une nation, composée de toutes ses générations, non seulement vivantes mais passées et à venir, s'incarne dans la continuité d'une dynastie : en proclamant les droits de l'individu, la Révolution française a brisé cette unité nécessaire. Régime artificiel, qui a cru remplacer la sagesse par des lois, elle ne peut donc durer : la Restauration est inévitable. Les événements de 1814 donnèrent à Joseph de Maistre une allure de prophète. Il proposa alors de rassembler l'Europe sous le pouvoir spirituel de Rome (Du pape, 1819) et donna, avec les Soirées de Saint-Pétersbourg (1821), un « cours complet d'illuminisme moderne » : il n'y a pas d'innocents, le monde est condamné à la violence, mais le sang versé a une vertu purificatrice ; des oracles païens aux illuminés modernes, le monde chemine dans la souffrance vers la réintégration à l'unité primitive – de l'ironie à la colère et à l'émotion, un des grands livres du romantisme.