Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

Kane (Cheikh Hamidou)

Écrivain sénégalais (Matam 1928).

L'itinéraire de Samba Diallo, le héros de son roman l'Aventure ambiguë (1961), reprend, dans ses grandes lignes, celui de l'auteur lui-même et, au-delà, celui d'une génération d'Africains affrontés aux déchirements provoqués par le choc des cultures. Samba Diallo appartient à une famille de nobles peuls, fervents musulmans. Son passage de l'école coranique à l'école française, considérée comme « la forme nouvelle de la guerre » de l'Occident contre l'Afrique et l'Islam, est l'enjeu d'un pathétique affrontement entre ceux qui tiennent à la tradition et ceux qui jugent inévitable de s'adapter aux valeurs des Occidentaux détenant la science et la technique, mais aussi « l'art de vaincre sans avoir raison ». Des études de philosophie à Paris dramatisent encore le dilemme, dont Samba Diallo, incapable de choisir, même quand il revient en Afrique, finit par mourir dans un accident qui ressemble beaucoup à un suicide. L'efficacité d'une écriture sobre et sa portée existentielle ont fait de ce récit remarquable un classique. Cheikh Hamidou Kane, qui a occupé d'importantes responsabilités gouvernementales depuis son retour au Sénégal (1959), est demeuré l'homme d'un seul livre jusqu'en 1995, où paraît un second roman tardif et décevant, les Gardiens du Temple.

Kane (Sarah)

Auteur dramatique anglais (Brentwood, Essex, 1971 – Londres 1999).

Dramaturge politique et expérimentale, Kane a été rapprochée du « théâtre Coup de poing » (In Yer Face drama), mais il serait plus judicieux de l'associer aux maîtres qu'elle admirait, Edward Bond et Howard Barker. Avant le suicide qui mit fin à sa brève carrière, elle avait eu le temps d'écrire cinq pièces : Anéantis (1995), l'Amour de Phèdre (1996), Purifiés (1998), Manque (1998) et 4 h 48 psychose (2000), qui participent toutes d'un théâtre de l'horreur, où un rôle central est attribué au corps, mutilé, torturé ou dévoré, avec ses sécrétions et déjections.

Kaneko Mitsuharu

Écrivain japonais (Aichi 1895 – 1975).

Après avoir étudié la peinture japonaise, il s'orienta vers la poésie et publia son premier recueil, la Maison de la terre rouge (1919). La même année, il partit pour la Belgique où il lut les poètes parnassiens, puis symbolistes. À son retour parut Scarabées (1923), d'une grande maîtrise poétique. En 1929, il quitta de nouveau son pays avec sa femme écrivain et mena une vie d'errance pendant cinq ans à travers l'Asie de Sud-Est, la Chine et la France. Profondément marqué par ces années, il dénonça, dans Requins (1937), le mal moral et politique du Japon contemporain et s'opposa fermement à la guerre. Parachutes (1948) ; l'Humaine Tragédie (1959).

kangzhan wenxue (littérature de résistance)

Née de la résistance à l'invasion japonaise (1937-1945), cette littérature prend la forme de propagande patriotique visant les masses : en majorité des pièces de théâtre (Lao She, la Patrie d'abord ; Guo Moruo, Qu Yuan ; Xia Yan, les Bactéries du fascisme), mais aussi des romans (Ba Jin, le Feu), des poèmes (Ai Qing), des reportages, des « variétés populaires ».

Kaniuk (Yoram)

Écrivain israélien (Tel-Aviv 1930).

Ses romans et ses nouvelles (la Vie splendide de Clara Chiato, 1981) dessinent le portrait allégorique d'un être à la fois adoré et redouté, la terre d'Israël, à travers l'évocation de la guerre (Himmo, roi de Jérusalem, 1971), des survivants des camps de concentration (Adam ressuscité, 1971), ou de la difficile gestation de l'indépendance sous la domination ottomane et le mandat britannique (Tante Shlomzion la Grande, 1978 ; le Dernier des Juifs, 1982). Il convient de citer également : Confessions d'un bon Arabe, 1983 ; Post mortem, 1992 ; Encore une histoire d'amour, 1996, et Il commanda l'Exodus, 1999.

kannara

Le kannara est une langue dravidienne, parlée en Inde par plus de 20 millions de personnes dans l'État de Karna-taka. Outre de nombreux dialectes régionaux, il existe trois dialectes sociaux bien distincts : la langue des brahmanes, celle des non-brahmanes et celle des intouchables. Les textes littéraires ne sont pas antérieurs au IXe s. : le Kavirajamarga (Voie royale des poètes), traité de poétique attribué au roi Nripatunga Amoghavarsa, confirme, à cette date, l'existence d'une tradition littéraire unissant la rhétorique sanskrite au répertoire indigène. Le Xe s. voit s'épanouir une littérature guerrière et religieuse fortement teintée de jaïnisme, avec trois écrivains : Pampa, auteur, en 941, de l'Adi purana et du Vikramarjuna Vijaya dit Pampa Bharata ; Ranna (né en 949), « prince des poètes », auteur d'un Ajitpurana (993) et du Gadayuddha ; Ponna, auteur du Santi purana. À la fin du Xe s., Nagavarma compose le premier poème d'amour de la littérature kannara, le Chandombudhi (Océan de prosodie). C'est en 1031 que la version kannara du Pañcatantra voit le jour. Le visnuisme s'exprime principalement en sanskrit, tandis que le mouvement virasaiva bouleverse la vie religieuse et fait du XIIe s. l'âge de la révolte, illustré par Basava. La littérature virasaiva emploie le langage du peuple et use d'aphorismes (vacana) en prose rythmée. Le grammairien Kesiraja plaide dans le Sabdamanidarpana (seconde moitié du XIIIe s.) pour la survie du vieux kannara aux côtés des formes métriques populaires (ragale, tripadi). Nayasena et Andayya (Kabbigara Kava, v. 1235) s'insurgent contre un style et un vocabulaire trop tributaires du sanskrit. D'autres auteurs se distinguent : Harihara (Girija Kabyana), Nagacandra (Pampa-Ramayana), Kanti, première d'une longue série de femmes de lettres, Nemiccandra (Lilavati) et Janna (Yasodhara Carite).

   À partir du XIVe s., débute, avec le royaume Vijayanagar, une période de réflexion : récits édifiants, vies de saints, évocation des grands ancêtres comme Basava et Allama Prabhu, de Bhimakavi (vers 1369) à Laksmisa (Jaimini Bharata, XVIe s.). Au début du XVIIe s., Bhatta-kalanka donnera une monumentale grammaire du kannara, le Sabdanusasana, tandis que vers 1680, Singararya écrit le premier drame de la littérature kannara (Mitravinda Govinda), à un moment où le théâtre populaire (Yaksagana) est lui-même en plein essor.

   Avec la fin du XVIIIe s., sous l'influence musulmane, le kannara subit une éclipse pour resurgir au début du XXe s. avec Srikanthayya Belluru Mailara, dit « Sri » (1884-1946), M. Govind Pai (1883-1963), V. K. Gokak (« Chant de la mer », 1940) ; Kempu Narayana (Mudra Manjusa, 1823) et Muddana (1870-1901) sont les pionniers d'une littérature moderne, libérée du sanskrit, et A. R. Krisna Sastri et D. V. Gundappa cherchent la synthèse de la tradition orientale et des systèmes de pensée occidentaux. La littérature kannara se développe alors avec des romanciers comme Masti Venkatesa Iyengar, dit Srinivasa (né en 1891), Karanth (né en 1902), Mugali (né en 1906) et des auteurs dramatiques comme T. P. Kailasam (1884-1945) ou Sriranga (né en 1904). Une attention particulière aux problèmes sociaux contemporains se manifeste avec P. Lankés, romancier de la « prise de conscience », et surtout A. N. Krisna Rao (1908-1971), écrivain naturaliste et traducteur de D. H. Lawrence.