Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Manner (Eeva-Liisa) , pseudo Anna Septembre

Poétesse finlandaise de langue finnoise (Helsinki 1921 – Tampere 1995).

Elle est l'initiatrice de la poésie moderne dans son pays : Ce voyage (1956). Son évocation de la préhistoire se mêle aux mythologies antiques et orientales (Éros et Psyché, 1959 ; Chants orphiques, 1960 ; Fahrenheit 121, 1968 ; les Eaux usées, 1977). Un même goût baroque des images anime ses drames consacrés à des conflits psychologiques et intellectuels (la Nuit du nouvel an, 1965).

Manninen (Otto)

Poète finlandais de langue finnoise (Kangasniemi 1872 – Helsinki 1950).

Une œuvre mince (Vers I et II, 1905-1910 ; Calme Rivière, 1925 ; le Voyageur, 1938 ; le Chemin des souvenirs, 1951), une influence lente et diffuse : il n'en bouleversa pas moins la conception du lyrisme dans son pays, opposant à la prolixité et aux références folkloriques traditionnelles un art dense où la justesse de l'idée prend appui sur la concision du vers, et qui joue aussi bien de la méditation que de la satire.

Manouchian (Missak)

Poète et résistant arménien (Adiyaman, Turquie, 1906 – Suresnes 1944).

Réfugié en 1922 à Paris, où il publia le journal communiste Zangou (1935-1937), il prit en 1942 une part importante à la Résistance. Arrêté en 1943, il fut fusillé avec 22 de ses compagnons. Il est évoqué dans un poème d'Aragon, l'Affiche rouge. Ses poèmes ont paru à titre posthume en 1946.

Manrique (Jorge)

Poète espagnol (Paredes de Nava 1440 – Cuenca 1479).

Auteur de poèmes galants (l'Échelle d'amour), burlesques (Une invitation pour sa belle-mère) ou virtuoses (Sans Dieu ni sans vous et moi) dans le goût du temps, il transcende son époque avec ses Couplets à la mort de son père (écrits en 1476), chef-d'œuvre de la poésie castillane de la fin du Moyen Âge, méditation sur la destinée humaine et l'un des premiers classiques des lettres espagnoles. Il mourut dans un combat, près du château de Garci-Muñoz.

Mansfield (Kathleen Mansfield Beauchamp, dite Katherine)

Femme de lettres néo-zélandaise (Wellington, Nouvelle-Zélande, 1888 – Fontainebleau 1923).

Elle publie son premier récit à 9 ans et vient s'établir en Angleterre en 1907. Une tentative de retour en Nouvelle-Zélande et un premier mariage (avec G. Bowden) la déçoivent. Divorcée, elle épouse J. Middleton Murry (1918), participe à ses quêtes utopiques et sentimentales, puis, malade (elle soigne sa tuberculose en France), subit l'influence de Gurdjieff. Une pension allemande (1911), Félicité (1920), la Garden Party (1922), le Nid de colombes (1923) contiennent des nouvelles dignes de Tchekhov et de Joyce : instants de vie souvent poignants dont un détail révèle la fragilité. L'insatisfaction et le désarroi sont plus apparents dans le Journal (1927) et les Lettres (1915-1922). Sa mort prématurée met fin à une œuvre qui aurait pu rivaliser avec celle de Virginia Woolf.

Manuce, en ital. Manuzio

Famille d'imprimeurs italiens, connus aussi sous le nom d'Aldes.

Chef de lignée de la famille Manuce, Alde (Bassiano v. 1449 – Venise 1515) fonda l'imprimerie vénitienne, dont les éditions, d'une rare élégance, et les solutions techniques (l'invention du caractère penché dit aldino ou italique et du format in-octavo, plus maniable que les in-folio et les in-quarto employés précédemment) sont remarquables. Pour obtenir une critique et une plus grande correction des œuvres qu'il publiait, il créa une académie (Accademia aldina ou Neaccademia ou Accademia della Fama).

Manuel Deutsch (Niklaus)

Peintre et écrivain suisse (Berne 1484 – id. 1530).

Il prit le prénom de son père comme nom de famille et signa N M D (D pour Deutsch). Élève du Maître à l'Œillet et de Fries, influencé par Baldung, Grünewald et Dürer, il a laissé des retables, des peintures mythologiques, des portraits, des gravures et des dessins. Membre du Grand Conseil de Berne de 1512 à 1528, il se consacra à la littérature et défendit la Réforme dans ses jeux de Carnaval (le Pape et son clergé, 1522 ; le Marchand d'indulgences, 1525) et dans ses Dialogues.

Manyo-Shu
(selon les interprétations Recueil des dix mille feuilles, des dix mille générations ou des dix mille règnes)

Recueil poétique japonais datant sans doute de la première moitié du VIIIe s.

Cette somme poétique capitale est à la fois la plus ancienne et numériquement la plus importante des anthologies conservées. Traditionnellement associée au poète Otomo no Yakamochi, elle rassemble plus de 4 500 poèmes composés sur environ 350 ans, entre le début du Ve s., disait-on, pour les plus anciens et 759 pour la plus récente composition datée. Outre une structure fortement décousue, l'anthologie présente une grande variété sur le plan formel – on y rencontre des choka (« poème long »), des sedoka (« chant alterné ») et des tanka (« poème court »), ce dernier genre constituant l'écrasante majorité du recueil –, comme sur les plans esthétique et thématique – les « chants des provinces de l'Est » (azuma-uta) de caractère populaire côtoyant la poésie courtoise la plus élaborée. Si cette remarquable variété disparaît dans les anthologies suivantes, plus soucieuses d'unité, le Manyo-shu et ses grands poètes, parmi lesquels Kakinomoto no Hitomaro, continueront d'exercer une grande influence à l'époque classique.

Manzoni (Alessandro)

Écrivain italien (Milan 1785 – id. 1873).

Petit-fils de Cesare Beccaria et fils adultérin de Giovanni Verri, il ne retrouva la foi, perdue au cours de ses années de collège, qu'au terme d'une véritable conversion, en 1809 à Paris, où il avait d'abord subi l'influence des Idéologues. Il commence à écrire des poèmes politiques (Mars 1821, 1821 ; le Cinq Mai, 1821, inspiré par la mort de Napoléon), des Hymnes sacrés (1822) et des tragédies historiques : le Comte de Carmagnole, 1820, et Adelchi, 1822, située dans l'Italie du VIIIe s., lors des assauts des Francs, commandés par le futur Charlemagne, contre les Lombards du roi Didier et de son fils Adelchi. Fermo et Lucia (1821-1823), considérée comme la première version des Fiancés, éclaire la genèse du chef-d'œuvre, dans lequel le personnage de Fermo sera rebaptisé Renzo. La première édition des Fiancés (1827), dont l'action, située en Lombardie au XVIIIe s., culmine dans l'évocation de la peste de Milan en 1630, met en scène deux jeunes villageois, Renzo et Lucia, dont les noces sont indéfiniment reportées. Récit historique, qui unit l'influence de W. Scott à l'aspiration contemporaine de l'Italie à l'indépendance, l'œuvre marque un moment important dans la pratique et la théorie de la rhétorique romanesque. L'ultime version (1845), considérablement remaniée du point de vue linguistique, s'inspire de la tradition et de l'usage toscans. Elle est complétée en appendice par l'Histoire de la colonne infâme (1829), dans laquelle Manzoni, révisant la thèse de P. Verri contenue dans ses Observations sur la torture, voulait prouver que les juges, lors des procès contre les semeurs de la peste milanaise, auraient pu éviter l'iniquité de la condamnation, si leur conscience avait été exempte de passion. Non moins importante est son œuvre historique, philosophique et critique. Les qualités d'historien de Manzoni sont déjà largement attestées par la rigueur des sources, qui caractérise aussi bien les prologues de ses tragédies que le Discours sur certains points de l'histoire des Lombards en Italie (1821) et par maints chapitres des Fiancés, où s'affirme une vision de l'histoire moins attentive à l'événementiel qu'au conditionnement des mentalités et aux rapports de forces socio-économiques. La conscience même des exigences propres à une conception moderne de l'histoire, qu'il a acquise à travers la rédaction de son roman historique, le détourne définitivement d'en renouveler l'expérience (Du roman historique et, en général, des ouvrages où sont mêlées histoire et invention, 1851). Sa réflexion sur l'histoire (la Révolution française de 1789 et la Révolution italienne de 1859, 1868) est elle-même subordonnée à une méditation morale, philosophique et religieuse, nourrie par une vaste culture patristique et théologique, fortement pénétrée de jansénisme, qui s'exprime dans les Observations sur la morale catholique (1855), destinées à réfuter les accusations lancées par Sismondi contre l'Église romaine dans son Histoire des républiques italiennes du Moyen Âge. Quant à son œuvre critique, d'abord composée de dissertations qui se font l'écho des nouvelles poétiques romantiques (Lettre à M. Chauvet sur l'unité de temps et de lieu dans la tragédie, 1823 ; Sur le Romantisme, 1823), elle est ensuite tout entière consacrée, à travers une refonte du dictionnaire, à l'élaboration d'une langue nationale susceptible de servir de fondement à l'unité politique de la Péninsule (Sur la langue italienne, 1845 ; De l'unité de la langue et des moyens de la divulguer, 1868 ; Autour du vocabulaire, 1868 ; Lettre au marquis de Casanova, 1871).