Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Boudou (Jean)

Écrivain français de langue d'oc (Crespin 1920 – Alger 1975).

De formation félibréenne, il rejoignit l'Institut d'études occitanes en 1956. Son œuvre, considérée comme l'une des plus originales de la littérature d'oc moderne, s'ouvre sur deux livres de contes (Contes del meu ostal [Contes de ma maison], 1951 ; Contes dels Balssas [Contes des Balzac], 1953), suivis en 1975 des Contes del Drac (Contes du Drac), où la culture populaire, la chronique historique et familiale sont au service d'un témoignage réaliste de la vie rurale en Rouergue et en Albigeois. Son roman La grava sul camin (le Gravier sur le chemin, 1956) est un témoignage sur l'humiliation des déportés du travail, les aliénations subies et le désespoir d'un être écrasé par son milieu et les événements ; La Santa Estela del Centenari (la Sainte Estelle du Centenaire, 1960), Lo libre dels grands jorns (le Livre des grands jours, 1964) inaugurent un humour fantastique sur fond d'angoisse qui ne quittera plus Boudou. On lui doit encore Lo libre de Catoia (le Livre de Catoia, 1966), un roman historique La Quimèra (la Chimère, 1974), un récit inachevé, Las Domaisèlas (les Demoiselles, 1976) et des poèmes rassemblés dans Sus la mar de las galèras (Sur la mer des galères) en 1975 et qui ont inspiré la nouvelle chanson occitane.

Boufflers (Stanislas Jean, chevalier, puis marquis de)

Écrivain français (Nancy 1738 – Paris 1815).

Marqué par la cour de Lunéville, il ne put se résoudre à poursuivre une carrière d'abbé. Il fut gouverneur du Sénégal et de Gorée (1785-1788). Un moment séduit par les idées nouvelles en 1789, il émigra en 1792. Il écrivit pour l'Almanach des muses des chansons et des vers légers. Il est surtout célèbre pour sa passion pour la comtesse de Sabran et pour un conte ingénieux et teinté d'érotisme (Aline reine de Golconde, 1761).

Bougainville (Louis Antoine, comte de)

Explorateur et écrivain français (Paris 1729 - id. 1811).

Féru de mathématiques, il quitte la France en 1756 comme aide de camp de Montcalm, combat au Canada, puis tente de coloniser les Malouines. Premier Français à faire un tour du monde (1766-1769), il pénètre le Pacifique, découvre beaucoup d'îles et relâche à Otaïti. Son Voyage autour du monde (1771) apporta des données géographiques et contribua aux débuts de l'anthropologie ainsi qu'au mythe du « bon sauvage » (Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot).

Bougeant (Guillaume Hyacinthe)

Écrivain français (Quimper 1690 – Paris 1749).

Jésuite et rédacteur des Mémoires de Trévoux, d'abord connu comme historien, il attaqua d'un ton badin les jansénistes avec une comédie (la Femme docteur, 1731), les romans avec le Voyage merveilleux du prince Fan-Férédin dans la Romancie (1735), il utilisa la question de l'âme des bêtes pour disserter sur la folie des hommes dans l'Amusement philosophique sur le langage des bêtes (1739). Son Exposition de la doctrine chrétienne (1741) fut rééditée jusqu'à la fin du XIXe s.

Bouhours (Dominique)

Grammairien, historien et écrivain religieux français (Paris 1628 – id. 1702).

Jésuite (1662), plus mondain que savant, il joua un rôle linguistique important. Il polémiqua avec Ménage et avec les défenseurs de Port-Royal. Son souci des problèmes de langue et d'esthétique annonce les préoccupations du siècle suivant, ainsi que la préférence qu'il donne au sentiment et au public sur la raison et sur les spécialistes. Il fut l'un des oracles de l'Académie en tenant un rôle d'enregistreur du « bon usage » (Entretiens d'Ariste et d'Eugène, 1671 ; Doutes sur la langue française proposés à MM. de l'Académie par un gentilhomme de province, 1674 ; la Manière de bien penser dans les ouvrages d'esprit, 1687).

Bouilhet (Louis)

Écrivain français (Cany 1821 – Rouen 1869).

Ami de Flaubert, rencontré en 1846 et auquel il doit sa relative célébrité, Bouilhet a d'abord subi la fascination de la scène, mais il n'a produit que des mélodrames historiques à l'époque où triomphaient les œuvres de l'école bourgeoise. Cet amour de l'histoire, c'est dans la poésie qu'il l'exprime avec le plus de maîtrise : les Fossiles (1854) et les Dernières Chansons (1872, avec une préface de Flaubert), qui ouvrent la voie à l'esthétique parnassienne et à la philosophie de la décadence.

Boulainviller (Henri, comte de)
ou Henri, comte de Boulainvilliers

Écrivain français (Saint-Saire 1658 – id. 1722).

Les manuscrits de ce grand seigneur peu fortuné ont été publiés après sa mort. L'Histoire de l'ancien gouvernement de la France (1727) et l'Essai sur la noblesse de France (1732) font descendre la noblesse des grandes familles franques, au pouvoir peu à peu usurpé par le roi, critiquant l'absolutisme monarchique et la bourgeoisie montante. La Vie de Mahomet (1730) et l'Essai de métaphysique sur les principes de Spinoza (1731) montrent un esprit libre et ouvert.

Boulanger (Daniel)

Écrivain français (Compiègne 1922).

Dans ses recueils de nouvelles qui ont pour cadre le monde de la province (le Chemin des caracoles, 1966 ; Fouette cocher, 1973 ; l'Enfant de bohème, 1978 ; le Chant du coq, 1981), il mêle la convention apparente et l'insolite, l'insignifiance des situations et leur assomption par les mots tendrement choisis, le racontar empoisonné et l'irisation par les songes (Table d'hôte, 1982 ; les Jeux du tour de ville, 1984 ; Jules Bouc, 1988). On retrouve dans ses romans et récits (l'Ombre, 1959, réédité en 1978 sous le titre Miroir d'ici ; la Mer à cheval, 1965 ; les Portes, 1966 ; la Dame de cœur, 1980 ; le Ciel de Bargetal, 1999) et ses « retouches » (Volière, 1981 ; Lucarnes, 1985) le même amalgame mystérieux qui fait la part de plus en plus belle à l'absurde et au fantastique.

boulevard (théâtre de)

Aux XVIIIe et XIXe siècles, on parle des théâtres des Boulevards pour désigner les salles de spectacles situées sur les boulevards de Paris, essentiellement le boulevard du Temple, surnommé boulevard du Crime. La Gaieté, l'Ambigu-Comique, la Porte Saint-Martin étaient les plus connus de ces petits théâtres que fréquentaient toutes les classes sociales et où étaient représentés spectacles de marionnettes, pantomimes, vaudevilles et mélodrames. À partir de 1862, au moment des grands travaux, beaucoup de ces petites salles disparaissent, et celles qui subsistent changent de physionomie : le public s'embourgeoise, le répertoire évolue. C'est aussi à partir du second Empire que l'on parle du « théâtre de boulevard » au singulier, pour désigner une forme d'écriture théâtrale traditionnelle qui vise essentiellement le divertissement et qui dominera la scène française jusqu'aux années 1930, avec successivement E. Labiche, G. Feydeau, V. Sardou, G. Courteline, G. Porto-Riche, H. Bataille, H. Bernstein, S. Guitry. On peut avec M. Corvin distinguer le Boulevard du drame, ou Boulevard « sérieux » (qui disparaît progressivement), et le Boulevard du divertissement, même si l'un et l'autre se rejoignent dans une même dramaturgie de la démonstrativité. Jusqu'au milieu du XXe siècle, le Boulevard reste une florissante industrie, en marge des grands théâtres publics de répertoire, du théâtre de recherche et des formes populaires du théâtre de rue ; les acteurs (C. Boyer, Y. Printemps) sont des vedettes adulées du public, les auteurs sont souvent consacrés par un fauteuil d'académicien. À partir des années 1950, le Boulevard concurrencé par le cinéma puis par les Variétés amorce son déclin, marqué notamment par la diminution du nombre de salles. Mais il connaît encore des succès spectaculaires (avec notamment les pièces de M. Achard, de A. Roussin, de M. Aymé, de J. Camoletti et, plus récemment, celles de J. Poiret et de F. Dorin), succès relayés par la télévision (« Au théâtre ce soir ») et servis par des « monstres sacrés » tels E. Popesco, J. Maillan, M. Serrault.

   Sur le plan dramaturgique, le Boulevard est l'héritier de la « pièce bien faite » dont il reprend les ficelles : progression linéaire menée sur un rythme enlevé et ponctué de coups de théâtre, personnages stéréotypés (le nanti, le hippie, la bonne espagnole, le plombier), situations convenues, scènes à faire, mots d'auteurs (l'« esprit boulevardier ») ; l'intrigue, généralement centrée autour de l'inévitable trio mari-femme-amant, se conclut toujours sur un rassurant retour à l'ordre. La pièce de boulevard est aussi conçue en vue des numéros d'acteurs, au jeu très codifié (roulements d'yeux, moulinets des bras, déplacements fébriles) ; quant à la mise en scène, elle repose invariablement sur un « naturalisme de salon », en marge des grandes innovations scéniques qu'a connues le siècle. Le genre s'essouffle manifestement, mais plusieurs voies de renouveau ont été récemment explorées, en particulier par F. Dorin, qui théorise le Boulevard et en met à nu la facticité, et par G. Lauzier, qui l'enrichit en y intégrant l'univers de la bande dessinée.