Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Kouprine (Aleksandr Ivanovitch)

Écrivain russe (Narovtchat, gouvern. de Penza, 1870 – Leningrad 1938).

Cet ancien officier de carrière, qui démissionna de l'armée en 1890, a fait à peu près tous les métiers et en a tiré une connaissance précise de divers milieux. Héritier de la tradition réaliste, il s'inspire toujours d'une expérience vécue pour écrire des récits caractérisés par le goût des petits détails, des descriptions et de l'anecdote. Sa nouvelle la plus connue, le Duel (1905), prend pour héros un jeune officier sensible qui doit affronter la bêtise et la brutalité des milieux militaires. La Fosse aux filles (1909-1915), qui évoque la vie des maisons de tolérance, provoqua une vive polémique. Kouprine s'essaya également au roman d'aventures avec le Capitaine Rybnikov (1906), qui tient de Kipling et de London, et au récit autobiographique (Junker, 1933), mais son talent et sa personnalité ressortent davantage dans les nouvelles plus modestes (le Bracelet de grenat, 1911).

Kourbas (Less)

Metteur en scène, acteur, pédagogue ukrainien (Sambor 1887 – Sandor-Mokh 1937).

Il fut le réformateur et le créateur du théâtre moderne ukrainien. En 1918, il fonda le Jeune Théâtre à Kiev, s'inspira de l'expressionnisme allemand et l'adapta à la scène ukrainienne. En 1922, le Jeune Théâtre fut transformé en Union Artistique Berezil. Après sa rencontre avec le dramaturge M. Koulich (1926), son théâtre changea d'orientation et devient un théâtre politique. Victime de la répression, il fut condamné à dix ans de camp de concentration et fut fusillé en 1937, pendant les purges staliniennes.

Kourouma (Ahmadou)

Écrivain ivoirien (Togobala, Guinée, 1927-Lyon 2003).

Confié dès l'âge de 7 ans à son oncle maternel, comme le veut la coutume malinké, puis élève de l'École technique supérieure de Bamako (dont il est chassé en 1945 en raison de ses activités politiques), il est mobilisé d'office en Côte d'Ivoire, puis en Indochine. À son retour il suit les cours de l'Institut des actuaires de Lyon, commence à écrire, puis vit dans un semi-exil à Yaoundé à la suite de la représentation de sa pièce de théâtre Tougantigui (le Diseur de vérités) qui ne sera éditée qu'en 1978, jugée subversive par les autorités ivoiriennes. Son roman, les Soleils des indépendances (1968), innove sur tous les plans. Il est le premier à délaisser le thème dominant de la dénonciation du système colonial, pour se tourner vers l'état présent des pays devenus indépendants. Par la voix d'un vieux prince déchu, il critique vigoureusement le nouveau régime et toutes les « bâtardises » qui s'installent. Mais, surtout, convaincu de l'importance essentielle du langage, il réussit la gageure d'une écriture métisse, où le français se plie au rythme et à la perspective malinké. Ce livre devient très vite un classique, mais apparaît longtemps comme un chef-d'œuvre unique. C'est seulement en 1990 que Kourouma publie un deuxième livre, longuement mûri, Monnè, outrages et défis. Retour sur le passé, Monnè fait avec brio le bilan d'un siècle d'histoire africaine vue depuis Soba, une « ville » du Sahel au nom imaginaire, ayant à sa tête un roi centenaire, Fama. Son originalité est de donner une place essentielle, comme source des malheurs de l'Afrique, à tous les « outrages » infligés au langage, aux mensonges et aux malentendus. En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) continue l'histoire en prenant pour cible le temps des dictatures africaines, soutenues par les puissances occidentales au nom de la guerre froide. Moins créative au niveau linguistique, cette satire féroce réussit pourtant un métissage remarquable entre le roman à l'occidentale et une forme traditionnelle, le « donsomana », chant de chasseurs malinkés. Accélérant son rythme d'écriture, comme sous l'effet d'une urgence, Kourouma publie en 2000 Allah n'est pas obligé. À travers le discours brutal, mais distancé par l'humour, d'un enfant-soldat, il entraîne le lecteur dans une traversée de l'enfer des guerres dites « tribales » du Liberia et de la Sierra-Leone. Le roman reçoit le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens et apporte à son auteur, et à la littérature africaine en langue française, une célébrité largement méritée.

Koutouï (Adel Nurmukhamedovitch Koutouïev, dit)

Écrivain tatar (Tatarskie Kynady 1903 – 1945).

Disciple de Maïakovski, il subit l'influence du futurisme (Au fil des jours, 1925), anima à Kazan la filiale du LEF et aborda dans des pièces (Kazan, 1927 ; le Pigeon bleu, 1928 ; la Réponse, 1929 ; Chant de joie, 1935) et des récits (les Lettres conservées, 1936) des problèmes de morale sociale et familiale (la jeunesse, la condition féminine, l'intelligentsia, les mœurs bourgeoises). Auteur d'œuvres patriotiques (l'Artiste, 1943), il fut tué en Pologne.

Kouwenaar (Gerrit)

Écrivain hollandais (Amsterdam 1923).

Il a joué un rôle majeur dans le groupe Cobra et chez les « expérimentalistes ». Traducteur de Brecht, Peter Weiss, Sartre et Osborne, il est l'auteur d'ouvrages en prose et de recueils de poésies (Sans nom, 1962 ; Cent Poèmes, 1969 ; Pêche parfaitement incomestible, 1978 ; Poèmes 1948-1978, 1982).

Kouzmine (Mikhaïl Alekseïevitch)

Écrivain russe (Iaroslavl 1875 – Leningrad 1936).

Compositeur de formation, c'est par des Chansons d'Alexandrie (1906) qu'il fait son entrée en poésie. Ce recueil, qui témoigne de sa fascination pour le monde méditerranéen de l'Antiquité tardive, reçoit un excellent accueil et son auteur se met à fréquenter les cercles symbolistes et philosophico-religieux de la capitale. Kouzmine devient vraiment célèbre avec le recueil Réseaux (1908) ; les acméistes se reconnaissent dans son écriture limpide, son épicurianisme inquiet et dans son article au titre emblématique, De la belle clarté (1910). Il chante les « riens charmants et aériens » d'un monde illusoire et fugace (Lacs d'automne, 1912 ; Pigeons d'argile, 1914) et pratique une poétique de plus en plus conventionnelle et « distanciée » (Soirs d'ailleurs, 1921 ; Paraboles, 1923 ; La truite brise la glace, 1929). Ce goût de la stylisation se retrouve dans sa prose. Son premier roman, les Ailes (1906), attire l'attention parce qu'il aborde ouvertement, pour la première fois dans la littérature russe, le thème de l'homosexualité. Ses récits brefs (récemment redécouverts), qu'il s'inspire de Boccace, du XVIIIe s. français, de Dostoïevski ou de Leskov sont originaux par leur procédé, entre imitation et parodie. Progressivement écarté de la publication après la révolution, dans laquelle il ne voit que violence, Kouzmine survit grâce à des traductions et meurt dans une extrême pauvreté.