Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Mishima Yukio (Hiraoka Kimitaké, dit)

Écrivain japonais (Tokyo 1925 – id. 1970).

Petit-fils d'un ancien gouverneur de Sakhaline, il passa son enfance confiné dans la chambre de sa grand-mère fantasque qui le chérissait. Il fit ses premières études au Gakushuin, l'« école des pairs » de Tokyo, pendant treize ans (de 6 à 19 ans), ce qui lui donna une connaissance complète du monde de l'aristocratie. Il n'était âgé que de 13 ans lorsque sa première nouvelle, intitulée Oseille, parut dans la revue de son école. En 1941, une autre nouvelle, la Forêt en fleurs, fut publiée sous le pseudonyme de Mishima Yukio. Sorti premier du Gakushuin, il fut diplômé de la faculté de droit de l'Université de Tokyo en 1947, et devint fonctionnaire au ministère des Finances. Après avoir publié les Cigarettes (1946) grâce à la recommandation de Kawabata, sa Confession d'un masque (1949), récit autobiographique dévoilant l'éveil sensuel d'un adolescent attiré par la virilité, établit définitivement sa réputation d'écrivain. Sa passion des œuvres classiques japonaises : poésie et romans du Moyen Âge, théâtres traditionnels (no et kabuki), s'équilibre avec celle des écrivains étrangers : Wilde, Radiguet, Racine, Mauriac, Thomas Mann, Dostoïevski et les tragédies grecques. Son esthétique raffinée du « périssement », marquée par la fascination du néant et de la destruction, est projetée sur des sujets souvent actuels et audacieux. Parmi ses nombreuses œuvres (dont douze romans et une centaine de nouvelles), on peut citer : Une soif d'amour (1950), Amours interdites (1951), Mort en été (1952), le Tumulte des flots (1951), le Pavillon d'or (1956) – qui fit sa renommée internationale –, Chancellement d'un vertu (1957), Après le banquet (1960), le Marin rejeté par la mer (1963), et enfin son ultime tétralogie : la Mer de la fertilité, commencée en 1966 et livrée à l'éditeur une heure avant son suicide en 1970. Citons ses œuvres dramatiques : Cinq No modernes (1956), le Palais des fêtes (1956), l'Arbre tropique (1960), la Marquise de Sade (1966). D'un tempérament violent et satirique, il pratique au plus haut point, dans sa vie et dans son œuvre, l'art de la mise en scène. En affirmant la priorité du langage du corps (l'École de la chair, 1963), il entendit œuvrer pour la restauration d'une certaine tradition nationale à la fois politique et esthétique : Patriotisme (1960), le Soleil et l'acier (1965), le Japon moderne et l'éthique samouraï. La voie du « Hagakure » (1967). Créateur d'un groupe d'extrême droite, la « Société du bouclier » (Tate no kai), il se suicida publiquement après une tentative avortée de coup d'État.

Mistral (Frédéric)

Poète français de langue d'oc (Maillane 1830 – id. 1914).

C'est au collège d'Avignon que ce fils de propriétaire terrien se découvre, en compagnie d'un jeune répétiteur, Joseph Roumanille, une passion pour les traditions et la langue provençales. Dès lors, nanti de solides études de droit, il consacre sa vie à la renaissance culturelle des pays d'oc. Pour cela, il entreprend un grand poème agreste, Mireille, qui, lors de sa parution en 1859, bénéficie d'une flatteuse présentation de Lamartine et connaît un succès foudroyant. Il est l'un des fondateurs du félibrige (1854) et de l'Armana prouvençau (1855). Il travaille à une épopée héroïque, Calendal (1867) et appelle dans le Chant de la Coupe (1868) au rassemblement, par-delà les frontières, des félibres provençaux et des poètes catalans proscrits d'Espagne. Capoulié du félibrige à partir de 1876, il donne successivement un recueil de vers (les Îles d'or, 1875), un dictionnaire provençal-français (le Trésor du félibrige, 1878), une nouvelle en vers sur une légende médiévale (Nerto, 1884), un drame en vers (la Reine Jeanne, 1890). En 1897, le Poème du Rhône trouve un écho chez les jeunes félibres fédéralistes avec lesquels il a fondé le journal l'Aiòli (1890-1898). Consacrée par le prix Nobel (que Mistral partage avec l'Espagnol Echegaray et qui lui permet de développer le Muséon Arlaten qu'il a créé en Arles en 1899), son œuvre poétique se clôt sur le recueil des Olivades (1912) où la quête de la grandeur et de la beauté se teinte d'une certaine religiosité. Ses Mémoires (1906) et ses Discours (1906) achèvent de l'installer, pour plusieurs générations, non seulement comme le maître à penser et à écrire de la culture d'oc, mais comme un auteur majeur de la littérature universelle. Après sa mort ont paru Prose d'almanach (1926), Nouvelle Prose d'almanach (1927) et Dernière Prose d'almanach (1930).

Mistral (Lucila Godoy, dite Gabriela)

Poétesse chilienne (Vicuña 1889 – Hempstead, New York, 1957).

En 1945, le prix Nobel de littérature, attribué pour la première fois à un auteur latino-américain, consacra sa renommée croissante. Sa production lyrique fut dès le début (les Sonnets de la mort, 1915) saluée par des poètes aussi célèbres que Rubén Darío. Grâce à l'admiration d'universitaires nord-américains, elle édita à New York un premier recueil, Désolation (1922), ses précédents poèmes n'ayant paru que dans des revues ou des anthologies. Elle reprit l'ensemble de sa production, augmentée de nouveaux poèmes, dans Tendresse (1924), où éclatent son amour pour les enfants, source, entre autres, des Cinq Chansons infantiles (1929). Désolation semble avoir été « écrit avec du sang » . Le recueil est, en effet, tout entier habité par le souvenir du seul homme que G. Mistral ait aimé, et qui s'était suicidé en 1909, sentiment qui s'est purifié en s'élargissant : l'amour pour un homme devient l'amour pour les hommes, les enfants et leur Créateur. La poésie de G. Mistral atteint alors des sommets mystiques. Le thème de la maternité est développé avec une infinie tendresse, en particulier dans Poème de l'enfant, la Femme stérile, l'Enfant seul ou Poèmes des mères. C'est aussi aux enfants basques exilés durant la guerre civile espagnole qu'elle dédia Tala (1938), livre plus hermétique, où le lyrisme laisse place à une poésie cérébrale et parfois abstraite, influencée par les courants d'avant-garde. Elle écrira encore José Martí, vers simples (1939), un dernier recueil de poésies (Lagar, 1954) – son Poème du Chili étant publié après sa mort, en 1967 – et des Croquis mexicains (1957) parachevant une œuvre dont la forme, d'une grande simplicité, contraste avec le contenu, souvent tragique, et dont les racines plongent au cœur de la douleur humaine pour exprimer un désir de purification, de transcendance, à travers une véritable union mystique avec la nature.