Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Cervantes de Salazar (Francisco)

Écrivain espagnol (Tolède v. 1514 – Mexico 1575).

Émigré à Mexico en 1550, professeur de rhétorique, il devint chanoine et mourut recteur de l'université qu'il y avait fondée. En 1546, il publia ses œuvres, qu'il dédia à Hernán Cortés, personnage central de sa précieuse Chronique de la Nouvelle-Espagne (publiée en 1914). Ses Dialogues latins (1554) sont connus pour leur description en trois parties de la jeune cité de Mexico.

Césaire (Aimé)

Écrivain et homme politique français (Basse-Pointe, Martinique, 1913 – Fort-de-France 2008).

La crise économique, une société inégalitaire, hiérarchique : ces réalités n'échappent pas à ce jeune homme en colère. Les choses vont vite : une éducation classique très française, le souhait rimbaldien de s'en aller, l'arrivée à Paris l'année de l'Expo coloniale (1931), l'École normale supérieure. En 1936, il découvre lors d'un « retour » la réalité de son pays : le cri se prépare.

   Un cri, le grand cri nègre : voici sans doute le vrai visage de Cahier d'un retour au pays natal. Introduisant le concept problématique de négritude, le texte, publié à Paris en 1939, est l'un des grands écrits poétiques de l'époque. Le Cahier établit son auteur, dont Breton reconnaît la stature, comme l'une des voix décisives de ce que l'on n'appelle pas encore francophonie. Cet ensemble qui, encore plus que la destinée personnelle, brasse l'ensemble de la mémoire africaine (mais de l'extérieur, à la différence de Senghor), est un classique de la littérature mondiale. Du cri, le Cahier a l'urgence, la profondeur subite, et la voix, en même temps qu'une dimension sociale nette. Quelque chose du souffle, de la colère des volcans de Martinique, y passe. La « négraille » a maintenant sa voix, son chantre, elle retrouve sa très ancienne, sa millénaire dignité. Par amour, Césaire fait œuvre de justicier.

   Écrivain engagé par excellence, il devient un politique de première grandeur pour son pays natal, sa voix. Chez Césaire, le poète ne se sépare pas de l'élu, qui assure notamment le passage de la Martinique au statut de DOM. Plus que l'indépendance, il choisit le rattachement à la France, dont il se fait, lui aussi, une certaine idée. Il évolue du communisme au progressisme, du nom d'un parti qu'il fonde. L'après-guerre lui permet de donner sa mesure.

   En 1946 paraissent les Armes miraculeuses (entendre celles de la poésie) alors que 1947 marque la vraie diffusion en France de son grand texte, préfacé par un Breton qui n'a rien perdu de son admiration et compare cette parole à la naissance de l'oxygène. Soleil cou coupé paraît en 1948. La poésie (tel est le titre que Césaire donne à ses œuvres poétiques complètes en 1994) commence par la très véhémente et raisonnée contestation d'un ordre archaïque, le colonialisme, déni de dignité à condamner. En bousculant la langue, en répondant à l'appel surréaliste, les laisses et les versets lyriques d'un discours battent en brèche l'ordre établi.

   Comme chez Char, la poésie bouleverse le monde. Un disparate est là aussi, qui ne s'embarrasse pas outre mesure de construction, d'unité formelle ; cette dernière étant chez cet agrégé de grammaire celle d'une tonalité, encore une fois le cri. L'autobiographie propre y croise celle du continent, s'y métisse. Chez cet amoureux des commencements, l'aurore, l'aura lumineuse disent autant la présence du soleil que le rêve d'une justice qu'il appelle de ses mots. L'invocation leitmotiv Eia assure la surrection, l'entrée dans la lumière, une fois encore la révolte. Le nègre, celui par exemple des publicités du temps, cède la place à un homme qui est aussi la mémoire du monde, le fier et viril exemple d'une force qu'à sa manière l'ampleur lyrique du propos traduit en une architecture et en une genèse énergiques. Il s'agit ni plus ni moins que de refaire le monde. Pulsé par le rythme – et quel rythme ! –, par la densité de l'appareil mythique ou le recours à l'inconscient, le chant sacré ne s'enferre pas dans une revendication. Le surréalisme de Césaire, son amour de l'image le protègent de tout didactisme étroit. En 1960, Ferments, variations sur le fer : les « fers » de l'esclavage (Césaire aime Schœlcher, dont il publie les textes théoriques, et qui est avec Toussaint-Louverture, à l'origine de l'indépendance haïtienne, l'une de ses admirations historiques), les « ferments » de la révolte, peut-être aussi le « faire » de la poésie. À cette époque se met en place un théâtre certes poétique, marqué par la fulgurance d'un langage direct et accessible au cœur des hommes. Ce parcours sur les planches débute par la Tragédie du roi Christophe (1963), épisode de l'indépendance en Haïti, tandis qu'Une saison au Congo (1966) est une pièce de dénonciation sans fard qui interroge le présent des hommes et du continent blessé. Moi laminaire (1982) ne masque pas un pessimisme lancinant.

Césaire (saint) d'Arles

Homme d'Église et écrivain latin (Chalon-sur-Saône v. 470 – Arles 543).

Évêque d'Arles, il s'attacha à la réforme de la vie monastique (Regula ad virgines, Regula ad monachos), et donna dans ses 238 Sermons, véritable « reportage » sur la vie quotidienne dans la Gaule du VIe s., l'exemple d'une prose volontairement dépouillée et adaptée au public populaire.

César (Caius Julius Caesar, en français Jules)

Homme politique et écrivain latin (Rome 101 – id. 44 av. J.-C.).

Issu d'une famille patricienne qui prétendait descendre d'Énée, mais lié aux milieux plébéiens par sa tante paternelle, Julia, qui a épousé Marius, il refuse de répudier sa femme Cornelia, fille de Cinna, comme le lui demande Sulla et s'exile en Asie (82-78). Rentré à Rome, il entreprend une carrière politique, jouant à la fois des milieux d'argent (Crassus) et de la plèbe qu'il séduit par les jeux qu'il donne en tant qu'édile curule (65). Dirigeant en sous-main la conjuration de Catilina (il proposera d'infliger aux conjurés la seule peine du « remords de leur conscience », puis les accablera), couvert de dettes, il conduit en Espagne quelques opérations qui lui assurent une gloire facile et forme, en 60, avec Pompée et Crassus, le premier triumvirat qui lui donne un rôle politique de premier plan. Après son consulat (59), il se fait décerner un commandement exceptionnel qui lui permet d'entreprendre la conquête de la Gaule, achevée en 51. En 49, il refuse de rentrer à Rome comme simple citoyen : il franchit le Rubicon avec son armée et engage la guerre civile contre Pompée et le sénat. Après ses victoires à Pharsale (48), Thapsus (46) et Munda (45), il reste le seul maître à Rome, appuyé sur ses vétérans, auxquels il distribue des terres, et sur le peuple, auquel il dispense le pain et les jeux du cirque. Dictateur à vie (14 février 44), désireux d'être « roi hors de Rome » pour mener la guerre contre les Parthes, il est assassiné en plein sénat aux ides de mars 44 (15 mars 44). Si les Latins connaissaient aussi de lui un traité de grammaire (Sur l'analogie), un pamphlet politique (l'Anti-Caton), une tragédie (Œdipe), des poèmes, César a posé lui-même la première pierre de son monument littéraire avec ses Commentaires sur la guerre des Gaules (De bello Gallico, 51 av. J.-C.) et sur la guerre civile (De bello civili, 44 av. J.-C.).

   Les 7 livres des Commentaires sur la guerre des Gaules se présentent comme un dossier contenant les documents relatifs à la campagne qu'il a menée en Gaule de 58 à 52. Année par année, César relate les opérations qui opposèrent les légions romaines aux différentes populations de la Gaule et retrace l'avancée de ses troupes jusqu'au Rhin et en Grande-Bretagne. L'ouvrage a pour conclusion la victoire d'Alésia, remportée sur le chef arverne Vercingétorix à la tête d'une coalition de tous les Gaulois. Un huitième livre, consacré aux opérations de l'année 51 et composé par Hirtius, lieutenant de César, fut ajouté après coup à l'ouvrage. Le récit de la guerre se veut parfaitement objectif et César parle de lui à la troisième personne. En fait, l'intention apologétique des Commentaires est bien perceptible à travers la froideur sèche du récit : des omissions ou des exagérations subtiles permettent à César de donner de lui-même une image flatteuse et servent sa propagande politique, tandis que la densité et le dépouillement du style découragent, comme le remarque Cicéron, tout imitateur. L'ouvrage a par ailleurs l'intérêt de dresser un tableau complet des mœurs des Gaulois et de leurs institutions religieuses et politiques.

   Les Commentaires de la guerre civile, en trois livres, font suite à la Guerre des Gaules et racontent la lutte entre César et Pompée pendant les années 49 et 48 jusqu'à l'arrivée de César en Égypte et son arbitrage entre Cléopâtre et son frère Ptolémée Aulète : la mort de César laissa le récit inachevé. Bien qu'il prétende à la même objectivité que dans la Guerre des Gaules, César se montre d'une ironie féroce à l'égard de l'aristocratie sénatoriale, sur laquelle il rejette la responsabilité de la guerre civile et la nécessité de sa prise de pouvoir. Le style est volontairement dépouillé et uni, avec parfois des effets d'éloquence qui traduisent l'indignation de César devant l'inconséquence des sénateurs ou sa compassion pour les souffrances des hommes, qu'ils soient ou non de son parti. Des commentateurs (dont Aulus Hirtius) donnèrent une suite à la Guerre civile dans la Guerre d'Alexandrie, la Guerre d'Afrique et la Guerre d'Espagne, rappelant les campagnes de César de 48 à 45.