Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

cruauté (théâtre de la)

Projet lancé par Antonin Artaud en 1932 et dont la seule réalisation concrète fut la mise en scène des Cenci (mai 1935), qui fut un échec. Le théâtre de la cruauté relève en réalité plus d'une série d'intuitions que d'une vraie doctrine et d'une véritable pratique scénique, ce qui ne l'empêche pas d'avoir considérablement influencé la scène occidentale à partir des années 1960 (le Living Theatre, Grotowski). S'opposant à la tradition théâtrale du divertissement, ce théâtre se veut une expérience dangereuse d'où comédiens et public ne peuvent sortir intacts. Réveillant les sens et les nerfs des spectateurs, la représentation se pense comme une crise libératrice ramenant à « la source des conflits » et exorcisant « la misère du corps humain ».

Cruz (Ramón de la)

Auteur dramatique espagnol (Madrid 1731 – id. 1794).

Auteur de tragédies, de comédies et de zarzuelas (« opérettes »), il a composé de nombreuses saynètes, petites pièces comiques où il fait parler avec esprit le peuple de Madrid. En un temps où la littérature espagnole est dominée par l'imitation du classicisme français, ces tableaux réalistes marquent le retour à une inspiration populaire qui a fait comparer Cruz à Goya.

Cruz e Sousa (João da)

Poète brésilien (Destêrro, auj. Florianópolis, Santa Catarina, 1861 – Estação de Sitio, Minas Gerais, 1898).

Poète symboliste de race noire, rejeté et humilié par ses contemporains parnassiens, il ne fut reconnu qu'à partir de 1920 (Boucliers, 1893 ; les Phares, 1900).

Csatho (Kálmán)

Écrivain hongrois (Budapest 1881 – id. 1964).

Auteur de comédies (Les mariages se font au ciel, 1925 ; Fume donc la pipe, Ladányi, 1927) et romancier (Mon ami Valentin, 1938), il évoque les multiples aspects de la vie de la société hongroise de son époque.

Csezmicei (János) , en latin Janus Pannonius

Poète hongrois (Csezmice, Slavonie du Sud, 1434 – Medvevára 1472).

Élevé en Italie, il s'y imprégna de l'esprit de la Renaissance, qu'il réussit à transposer dans ses poèmes latins, dont la première édition date de 1569.

Csiky (Gergely)

Écrivain hongrois (Pankota 1842 – Budapest 1891).

Auteur dramatique à succès (les Prolétaires, 1880), il s'inspire souvent du théâtre français (Mukanyi, 1880 ; Nora, 1884). Il est également traducteur de Sophocle et de Racine.

Csokonai Vitéz (Mihály)

Poète hongrois (Debrecen 1773 – id. 1805).

Après une vie de vagabondage, il essaie de se fixer pour obtenir les faveurs de la fille d'un négociant à laquelle il dédie ses plus beaux poèmes d'amour (les Chants de Lilla, publiés en 1805). Déçu, il revient dans sa ville natale, lit sur la tombe d'un ami son grand poème philosophique Sur l'immortalité de l'âme, contracte une pneumonie et meurt quelque temps après. Fervent disciple de Rousseau, il célèbre ses idées dans deux grands poèmes, À la solitude et À l'écho de Tihany (1804). Auteur d'une épopée comique (Dorothée ou le Triomphe des dames sur le Carnaval, 1804), il est, après Balassi et avant Petöfi, un des plus grands représentants du lyrisme magyar.

Csokor (Franz Theodor)

Écrivain autrichien (Vienne 1885 – id. 1969).

Poète (l'Éternel Départ, 1926), il campe dans son théâtre, influencé par Strindberg, des héros et des événements qui prennent une dimension symbolique : la Société des droits de l'homme (1929), qui évoque Büchner ; 3 Novembre 1918 (1936), tableau de la fin de l'Empire austro-hongrois ; Général de Dieu (1939), qui fait revivre la figure d'Ignace de Loyola. Après son retour d'exil, Csokor a joué un rôle considérable dans les instances culturelles (PEN) de la Deuxième République.

Csoma de Körös (Sándor)

Linguiste hongrois (Körös, Transylvanie, 1798 – Darjeeling, Inde, 1842).

Après quatre années passées dans un monastère bouddhique, il publia en 1834, à Calcutta, sa Grammaire du tibétain, qui fonde les études tibétaines en Europe.

Cuba

Malgré la publication de l'épopée Espejo de paciencia (1608) du créole Silvestre de Balboa, ce n'est qu'au XVIIIe siècle que commence à Cuba une vie intellectuelle propre avec la fondation, par les dominicains, de l'université de La Havane en 1728. Le Papel periódico, premier journal cubain (1790), publie les poètes locaux (Manuel de Zequeira y Arango, Manuel Justo Rubalcava) et contribue à divulguer des textes en prose (Tomás Romay, José Agustín Caballero). Le premier grand poète cubain, José María de Heredia (parent de son homonyme français), se situe à la charnière du néoclassicisme et du romantisme, de même que, dans le domaine de la prose didactique, Félix Varela. « Plácido » (Gabriel de la Concepción Valdés) fut un poète populaire d'une inspiration locale très authentique, contrairement à José Jacinto Milanés, attiré par les thèmes sentimentaux. La grande figure du romantisme cubain est Gertrudis Gómez de Avellaneda, poétesse et surtout romancière. L'érudit Domingo del Monte entretient une correspondance suivie avec les plus grands représentants des lettres espagnoles de son temps. Vers 1860 se manifestent une tendance parnassienne (Joaquín Lorenzo Luaces) et un courant élégiaque (Juan Clemente Zenea). Les mœurs et les coutumes de la campagne cubaine et de ses habitants (les guajiros) servent de thèmes aux poètes populaires (Francisco Poveda, Cristóbal Nápoles Fajardo), tandis que José Fornaris réinvente le passé de la race siboney, aborigène de Cuba. Dans son roman Cecilia Valdés, Cirilo Villaverde fait revivre les débuts du XIXe siècle. Le costumbrismo s'exprime par les voix de José María de Cárdenas y Rodríguez, de José Victoriano Betancourt et de son fils, Luis Victoriano. Le romantisme finissant (Diego Vicente Tejera) va bientôt céder la place au modernisme, soutenu par les périodiques La Habana Elegante et El Fígaro. Julián del Casal est un des meilleurs champions du modernisme, mais le plus éclatant est José Martí, poète, critique, théoricien politique, aujourd'hui « l'apôtre » de la révolution castriste.

   Dans les années 1930, correspondant à la vogue du « négrisme » dans le monde occidental, apparaît, avec Nicolás Guillén et Emilio Ballagas, une poésie nouvelle qui emprunte ses thèmes et ses rythmes au folklore des Noirs de l'île. En prose, Carlos Montenegro puise ses thèmes dans la réalité sociale, Lydia Cabrera, dans le folklore des Noirs. Enrique Labrador Ruiz est influencé par le surréalisme, Lino Novás Calvo, par les romanciers anglo-saxons, et Virgilio Piñera cultive l'humour noir dans ses Contes froids. Une riche culture européenne imprègne toute l'œuvre du plus grand romancier cubain de ce siècle et l'un des maîtres de la littérature hispano-américaine : Alejo Carpentier (1904-1980). En 1944, José Lezama Lima, poète, romancier et essayiste, réunit les jeunes poètes autour de la revue Origenes : Gastón Baquero, Eliseo Diego, Octavio Smith, Cintio Vitier. Parallèlement, Samuel Feijoo retrouve des accents romantiques mais, après l'insurrection de 1959, de nouvelles voix vont se faire entendre pour célébrer le succès de la révolution castriste (Roberto Fernández Retamar, Fayad Jamis).

   Depuis 1959, la littérature cubaine est partagée entre deux courants : la littérature de la révolution, officiellement reconnue, et celle de l'exil, dont le plus célèbre représentant est Guillermo Cabrera Infante, devenu citoyen anglais : tout en poursuivant ses évocations de La Havane d'avant Castro, comme José Soler Puig et Lisandro Otero, Cabrera Infante demeure un dynamiteur du langage, à l'instar de Severo Sarduy. Parmi les narrateurs actuels, il faut également mentionner Gustavo Eguren, César Leante, Eduardo Desnoes, Antonio Benítez, Noel Navarro, Reinaldo Arenas et surtout Zoé Valdes, dont l'œuvre se fonde sur la douleur de l'exil. En poésie, se signalent Roberto Friol, José Martínez Matos, Miguel Barnet et Nancy Morejón. Le théâtre est principalement représenté par Raul Gonzáles de Cascorro, Eduardo Manet, José Triana, Antón Arrufat et Miguel Collazo.