Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
H

Herculano (Alexandre)

Écrivain portugais (Lisbonne 1810 – Vale de Lobos 1877).

Il apporta à la passion romantique pour la couleur locale et le passé national sa rigueur d'archiviste et sa religiosité austère. Tôt émigré en France (1831), membre de l'armée libérale qui débarqua à Mindelo (1832), il fait des recherches à la Bibliothèque royale d'Ajuda qui l'orientent plus vers l'histoire des traditions populaires et des institutions municipales que vers celle des dynasties conquérantes. Dans ses Légendes et récits (1851), son roman historique le Moine de Cister (1848) et surtout son Histoire du Portugal (1846-1853), il s'écarte de l'histoire officielle pour saisir le passé de l'intérieur, ce qui lui valut les critiques du clergé, auxquelles il répliqua (le Clergé et moi, 1850 ; Histoire de l'origine et de l'établissement de l'Inquisition au Portugal, 1854-1859), avant de se retirer près de Santarém, où il se consacra à ses Portugaliae monumenta historica, 1854-1873.

Herder (Johann Gottfried)

Écrivain allemand (Mohrungen, Prusse-Orientale, 1744 – Weimar 1803).

Critique, pédagogue, philosophe, théologien, prédicateur, auteur de drames et de poèmes, il est le penseur le plus représentatif du Sturm und Drang. Le premier, Herder a vu dans le langage une manifestation spécifique et spontanée de l'âme humaine, qui se confond avec le sentiment religieux et est par essence d'ordre poétique (Essai sur l'origine du langage, 1770). La diversité des langues s'explique par l'influence des circonstances extérieures et toute littérature doit donc être comprise dans son contexte historique (Fragments sur la littérature allemande moderne, 1767 ; Silves critiques, 1769). Herder est ainsi amené à contester la supériorité de l'Antiquité gréco-latine, à saluer en Shakespeare le grand poète « nordique », à voir en la Bible, autant qu'un texte religieux, un monument de poésie « orientale » (Histoire de la poésie des Hébreux, 1782-1783), à recueillir les témoignages des littératures écrites et orales de chaque peuple et à créer la notion de Volkslied, ou « chant populaire ». Il a en particulier tenté de définir un art « germanique » (Du style et de l'art allemands, 1773) et recherché ses sources dans l'époque médiévale qu'il réhabilite aux dépens des temps modernes (Une autre philosophie de l'Histoire, 1774). Ses Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité (1784-1791), que prolongent les Lettres sur le progrès de l'humanité (1793-1797), tentent de donner une synthèse de l'histoire des peuples qui apparaît placée sous le signe de la même harmonie organique que l'ensemble de la Création.

Heredia (José Maria de)

Poète français (La Fortuna, près de Santiago de Cuba, 1842 – château de Bourdonné, près de Houdan, 1905).

Après une enfance insoucieuse dans son île natale, il fait ses études en France. Il fréquente la faculté de droit de Paris et l'École des chartes. Admirateur de Leconte de Lisle, introduit dans les cercles de la nouvelle poésie, il donne des textes aux revues parnassiennes, des traductions de l'espagnol (la Véridique Histoire de la conquête de la Nouvelle-Espagne, 1877-1894 ; la Nonne Alferez, 1894). Son unique recueil (les Trophées, 1893) lui vaut aussitôt d'être élu à l'Académie française tandis que son salon devient le lieu de réunion des jeunes poètes. Composé de 118 sonnets répartis en ensembles (« la Grèce et la Sicile », « Rome et les Barbares », « le Moyen Âge et la Renaissance », « la Nature et le Rêve ») auxquels s'ajoutent les tercets du « Romancero » et les strophes des « Conquérants de l'or », les Trophées témoignent de « l'amour de la poésie pure et du pur langage français ». Tournés vers un passé que le langage ressuscite comme autant d'instants privilégiés, ces poèmes qu'on a souvent comparés à une petite Légende des siècles en sont précisément tout le contraire : formellement, ils opposent la constriction à l'abondance du flot hugolien ; idéologiquement, ils tournent le dos à l'épopée humanitaire. Indifférent au monde extérieur en un siècle pourtant bouillonnant, le poète offre l'image parfaite du créateur parnassien. Érudit et dilettante, il privilégie la forme, choisissant méticuleusement son vocabulaire dans les lexiques les plus techniques, multipliant les effets rythmiques. Même esthétisante, sa poésie n'est pas figée, mais organisée à la manière d'un tableau dans lequel les effets spatiaux – plans, perspectives – permettent d'opposer de façon dynamique les personnages et créent de véritables « scènes » dramatisées malgré une remarquable économie de moyens. Admiré autant que décrié, il marque les limites d'une poésie où le langage n'est qu'un outil au service de la représentation : poétique à l'opposé de la modernité symboliste, mais qui témoigne de la permanence d'une rhétorique soucieuse avant tout de sa technique.

Heredia (José María de)

Poète cubain (Santiago de Cuba 1803 – Toluca, Mexique, 1839).

Cousin du parnassien français du même nom, il a laissé une œuvre littéraire de première importance. Auteur dramatique, il imite Crébillon, Voltaire, Alfieri, et Chénier dans Tibère (1827). Critique, il publie plusieurs essais sur Byron et sur le roman historique. Journaliste, il collabore toute sa vie à de très nombreuses publications, auxquelles il donne des chroniques élégantes. Mais c'est surtout comme poète qu'il mérite sa gloire. La première édition de ses poésies à New York (Poésies, 1825) lui apporte une renommée immédiate en Europe. Elle révèle un tempérament lyrique peu commun et une technique parfaite, surtout les poèmes regroupés sous les titres de Philosophiques et de Divers. La nostalgie qui y domine donne à ses vers de forme classique la couleur du romantisme à venir : son sentiment de la nature, son cosmopolitisme, sa grande familiarité avec les œuvres d'Ossian, de Goethe, de Byron ou de Lamartine, dont il fut le traducteur, tout en effet aurait dû faire de lui la grande figure romantique du continent. Il reste surtout célèbre pour trois odes à la nature : Dans le temple de Cholula (1820), qui rappelle les Méditations de Lamartine et où un coucher de soleil sur le temple antique forme le support d'une réflexion sur l'homme ; Une tempête (1822), évocation d'une tempête tropicale ; El Niagara (1824), où la cataracte nord-américaine nourrit une méditation tourmentée.