Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Sturm und Drang

Mouvement littéraire allemand de la fin du XVIIIe s.

Son nom (Sturm : assaut, tempête ; Drang : élan) est emprunté au titre d'une pièce de Klinger de 1772. Mouvement de rupture avec le passé, il ne se place pas moins dans la continuité de la deuxième phase de l'Aufklärung et de l'Empfindsamkeit. Par l'intermédiaire de Hamman, Shaftesbury et Hemsterhuys, on redécouvre le néoplatonisme et Spinoza ; à la suite de Macpherson, Th. Percy et Herder, on se tourne vers les expressions du génie de chaque peuple : la Bible, Homère, Ossian, la poésie populaire, Shakespeare, mais aussi vers certains contemporains (Richardson, S. Mercier, Diderot et Rousseau).

   Les mots clés du mouvement sont la vérité, le sentiment, l'individualité et surtout la nature, référence suprême en matière religieuse, esthétique ou éthique. C'est au nom de la nature que ces auteurs s'élèvent contre la tyrannie de la raison, les contraintes des conventions sociales et des règles artistiques. Ils exaltent les personnages de titans et les « génies ». Un groupe de jeunes écrivains gravitant, à Strasbourg (1770) puis à Francfort (jusqu'en 1776), autour de Herder et Goethe a donné quelques-uns des chefs-d'œuvre de la littérature allemande : les poèmes de jeunesse de Goethe, Götz, Clavigo (1774), des ébauches de Faust et d'un Prométhée, et Werther. On trouve dans ce groupe H. L. Wagner, F. Müller, R. M. Lenz, J. H. Jung-Stilling, F. H. Jacobi et K. Ph. Moritz. Le groupe de Göttingen est proche de ce noyau central, mais également de Klopstock et de l'Empfindsamkeit (H. C. Hölty, G. A. Bürger, M. Claudius et J. M. Miller). On trouve autour de ce mouvement Lavater, Pestalozzi et Bräker, T. G. Hippel, J. J. W. Heinse et C. F. D. Schubart, par l'intermédiaire duquel le jeune Friedrich Schiller découvre le Sturm und Drang (les Brigands, la Conjuration de Fiesque, 1783, Intrigue et Amour, 1784). Malgré sa brièveté (principalement de 1770 à 1775), le Sturm und Drang marque l'avènement d'une nouvelle génération qui donne à la littérature allemande sa place dans la littérature universelle.

Styron (William)

Écrivain américain (Newport News, Virginie, 1925-Oak Bluffs, Martha's Vineyard, Massachusetts, 2006).

Ses romans (Un lit de ténèbres, 1951 ; la Marche de nuit, 1953 ; la Proie des flammes, 1960 ; les Confessions de Nat Turner, 1969 ; le Choix de Sophie, 1979), par l'évocation du Sud des États-Unis, de l'armée, de Nat Turner, esclave rebelle, et du destin d'une jeune femme polonaise rescapée du camp d'Auchswitz, s'attachent à fixer les incertitudes d'une identité individuelle vue à la fois comme un bien personnel et une prison. Cette quête de soi ne se sépare pas d'une conscience de l'Histoire et des épreuves de l'actualité (Face aux ténèbres : chronique d'une folie, 1990 ; Un matin de Virginie, 1994). Styron a rassemblé dans Cette paisible poussière (1982) ses essais historiques et littéraires publiés dans des journaux et des revues depuis 1953.

Su Manshu (Su Jian, dit)

Romancier, poète et traducteur chinois (1884 – 1918).

Fruit des amours ancillaires d'un père chinois et d'une Japonaise, rejeté par les siens, il devient moine bouddhiste. Traducteur de Byron et de Hugo, il est surtout connu pour son roman autobiographique la Solitude de l'oie sauvage (1912), écrit en un wenyan (langue classique) aisément accessible.

Su Tong

Romancier chinois (né en 1963).

Après des études de littérature chinoise à Beida, il apparaît aux premiers rangs de l'avant-garde des années 1980 : ses premiers romans, Épouses et concubines (1987), dont l'action se situe dans les années 1910-1920, ou Visages fardés (1992), qui se déroule dans les années 1950, ont pour personnages centraux des femmes, concubines ou prostituées, dotées d'une libido exacerbée, et vouées à tous les malheurs de la condition féminine. Avec Riz (1991), Su Tong va plus loin dans la cruauté et le nihilisme, en mettant en scène un paysan possédé par le goût du riz, de l'argent, du sexe, et à qui son ascension sociale sera fatale. Même si l'action de ces romans est toujours située dans le passé (comme la Fuite de 1934), certains critiques y voient la représentation symbolique de la décadence, voire de la faillite, de la culture chinoise contemporaine.

Suard (Jean Baptiste Antoine)

Écrivain français (Besançon 1734 – Paris 1817).

Journaliste à la Gazette littéraire de l'Europe, élu à l'Académie française, proscrit en 1797 pour avoir collaboré au journal royaliste les Nouvelles politiques, il rentra à Paris après le 18 Brumaire, collabora aux Archives littéraires de l'Europe, au Journal de Paris et au Publiciste, et fut nommé secrétaire perpétuel à l'Institut (1803). Dans ses Variétés littéraires (1768) et ses Mélanges de littérature (1803-1805), Suard se révèle très dogmatique et conservateur.

Suarès (André)

Écrivain français (Marseille 1868 – Saint-Maur-des-Fossés 1948).

Son œuvre est une suite d'ardentes et de curieuses méditations, volontiers aphoristiques, souvent solennelles ou d'une grandiloquence qui sonne aujourd'hui un peu forcée. À l'adolescence, il traverse une crise mystique, relatée plus tard dans Images de la grandeur (1901), et ressent douloureusement la mort de son frère (Sur la mort de mon frère, 1904). Son inquiétude exaspéra son dédain de la barbarie et son sentiment de solitude malgré l'amitié de Claudel, de Valéry, de Romain Rolland et de Charles Péguy (le Bouclier du zodiaque, 1907 ; Sur la vie, 1912 ; Trois Hommes : Pascal, Ibsen, Dostoïevski, 1913 ; Goethe le grand Européen, 1932 ; Vues sur l'Europe, 1936 ; Voici l'homme, 1948). Membre de la Nouvelle Revue française, fasciné par la Renaissance, il effectue, à partir de 1893, plusieurs séjours en Italie, qui correspond à son amour de la grandeur et de l'énergie, et dont il fait l'objet du Voyage du condottiere (1911-1932). Constitué de trois volumes publiés séparément et consacrés respectivement à une ville, Venise, Florence et Sienne, l'ensemble est réuni après la mort de l'écrivain en 1954. Pour l'auteur, le condottière est à la fois figure du voyageur et l'artiste. On lui doit aussi des recueils de poèmes, depuis Airs (1900) jusqu'à Antiennes du Paraclet (1976), des pièces de théâtre (la Tragédie d'Électre et d'Oreste, 1905) et des réflexions sur l'esthétique (Remarques, 1917-1918). Son élan vers l'Être, sa foi passionnée, aux accents nietzschéens, dans le génie et le salut par l'art, sa mystique de l'intuition et de l'émotion, qui doit beaucoup à Bergson, cachent mal son angoisse permanente du néant.