Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Cleland (John)

Écrivain anglais (Londres 1709 – id. 1789).

D'abord consul à Smyrne et à Bombay, il est mêlé à un scandale qui le contraint à des années d'errance. Vagabond sans le sou, il connaît plusieurs fois la prison pour dettes ; c'est dans ces circonstances qu'il écrit Fanny Hill, ou les Mémoires d'une femme de plaisir (1748), chef-d'œuvre d'élégance pornographique, qui lui permit de regagner sa classe. Il devient alors journaliste, auteur dramatique (Titus Vespasien, 1755) et poursuit dans la voie du roman (Mémoires d'un petit-maître, 1758 ; les Surprises de l'amour, 1765). À la fin de sa vie, iI se tourne vers l'ésotérisme celte et franc-maçon.

Clément d'Alexandrie

Écrivain grec chrétien (Athènes v. 150 – entre 211 et 216).

D'origine païenne (probablement initié aux mystères d'Éleusis), il parcourut de nombreux pays avant et après sa conversion, parachevée par l'enseignement de Pantène, auquel il succéda à la tête du didaskaleion d'Alexandrie, où se constitua l'exégèse mystique et philosophique de la Bible. Il se réfugia en Cappadoce lors de la persécution ordonnée en 202 par Septime Sévère, et fut sans doute ordonné prêtre. De son œuvre abondante subsistent le Pédagogue, guide pratique du païen converti, une apologie intitulée le Protreptique, et les Stromates, mélanges illustrant la « gnose » chrétienne porteuse de salut. Humaniste chrétien, « Platon éclairé par l'Écriture », il a présenté à un siècle épris de philosophie la vérité chrétienne comme le couronnement de la pensée et de la recherche intellectuelle.

Clément d'Ohrid (saint)

Évangélisateur de la Macédoine occidentale et écrivain du premier royaume bulgare (? – v. 916).

Chassé de Moravie, ainsi que les autres disciples de Cyrille et de Méthode par le clergé franc, il trouva refuge en Bulgarie, où il déploya une intense activité de fondateur de monastères, d'éducateur, de prédicateur et d'écrivain. Continuateur direct de l'œuvre de Cyrille et de Méthode, ce « second saint Paul » a le mérite d'avoir, de façon simple et claire, traduit et adapté pour les Slaves les écrits théologiques des Grecs, permettant ainsi la pénétration du christianisme dans le peuple. On lui a attribué, mais sans fondement sérieux, la paternité des vies de Cyrille et de Méthode, dites Légendes pannoniennes, et même l'invention de l'alphabet cyrillique.

Cluny (Claude Michel)

Écrivain français (Charleville 1930).

S'il est à la fois romancier, critique, essayiste et traducteur, la poésie est pourtant – au sens fort – le centre de gravité d'un propos marqué par un intérêt amoureux pour la peinture, le mythe, le classicisme, le voyage (Odes profanes, 1989), ainsi qu'une attirance prononcée pour le monde méditerranéen (Poèmes d'Italie, 1998) et sa mémoire classique. Aujourd'hui s'écrit par hier : amoureuse de formes fixes parfois très rares, de contraintes fécondes et virtuoses, mais jamais gratuites, placée sous le signe du chiffre, cette tentative de dire a été rassemblée et réécrite, mêlée d'inédits, en une architecture neuve (Œuvre poétique, 1991), qui propose une mise en intrigue du moi et du monde, dans laquelle la contrainte engendre une souplesse. Pessoa, Poe et d'autres voix interrogées situent un projet naturellement au pluriel. À lui seul le titre de Poèmes du fond de l'œil (1989) précise que la poésie demande quelque chose de sérieux. Elle est la première parole. Éditeur, Cluny est à l'origine d'une collection de poche remarquable (Orphée / La Différence), qui rapproche un peu plus de nous la poésie française, étrangère, d'hier, d'aujourd'hui.

Coatmeur (Jean-François)

Écrivain français (Pouldavid-sur-Mer 1925).

Enseignant en Côte d'Ivoire, il écrit Chantage pour une ombre (1963). De retour en France, il poursuit dans le suspense psychologique (Nocturne pour mourir, 1964 ; Aliéna, 1968 ; la Voix dans Rama, 1973). Il montrera ensuite ses préoccupations sociales (les Sirènes de minuit, 1976 ; Morte Fontaine, 1982 ; la Danse des masques, 1989) et étonnera avec Escroquemort (1992) à l'humour noir féroce.

Cocteau (Jean)

Écrivain et cinéaste français (Maisons-Laffitte 1889 – Milly-la-Forêt 1963).

D'abord attiré par la société aristocratique, il publie le Prince frivole (1910). Il se tourne ensuite vers les dadaïstes, avec lesquels il organise des spectacles de choc (Parade, 1917 ; le Bœuf sur le toit, 1920 ; les Mariés de la tour Eiffel, 1924). Mais Cocteau devient suspect pour être de toutes les avant-gardes et de toutes les évasions (« le Paganini du violon d'Ingres »). L'instabilité le brûle. Du feu d'artifice de la prime jeunesse (Plain-Chant, 1923) aux interrogations de la maturité (Allégorie, 1941 ; la Crucifixion, 1946 ; Clair-Obscur, 1955 ; Requiem, 1962), c'est une même « difficulté d'être » (mot de Fontenelle que Cocteau reprend comme titre d'un essai autobiographique en 1947). Comme il le dit, s'il saute sans cesse d'une branche à l'autre, c'est toujours dans le même arbre. Il publie des romans (le Potomak, 1919), dont la poésie n'est jamais exclue. Le Grand Écart (1923), Thomas l'Imposteur (1923) et les Enfants terribles (1929) lui assurent la notoriété. Le théâtre (la Machine infernale, 1932 ; les Parents terribles, 1938 ; la Machine à écrire, 1941 ; l'Aigle à deux têtes, 1946) et le cinéma (le Sang d'un poète, 1930 ; l'Éternel Retour, 1944 ; la Belle et la Bête, 1946 ; Orphée, 1949 ; le Testament d'Orphée, 1959) lui vaudront la gloire. Il fut aussi illustrateur, créateur de costumes de ballet et décora des chapelles à Villefranche-sur-Mer, à Fréjus et à Milly-la-Forêt. Son génie est, somme toute, classique : derrière la mondanité et le jeu des mots se profilent l'inquiétude, la douleur et la fatalité qu'avouent parfois des textes comme le Secret professionnel (1922), le Journal d'un inconnu (1953), le Cordon ombilical (1961) ou son journal le Passé défini, publié entre 1983 et 1989. Cocteau éclaire une époque, en lui donnant, avec le goût de la liberté, l'occasion de regarder sans cesse « ailleurs ». Son élection à l'Académie française en 1955 et la publication de ses œuvres dans « La Pléiade » en 1999 apparaissent comme une réponse à l'injonction de Diaghilev en 1913 : « Étonne-moi ! »