Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Saint-Just (Louis Antoine de)

Homme politique et écrivain français (Decize, Nivernais, 1767 – Paris 1794).

Au début de la Révolution, il composa un traité, l'Esprit de la Révolution et de la Constitution de France (1791), et une pièce de théâtre, Arlequin-Diogène. Conventionnel, ami de Robespierre, représentant en mission, membre du Comité de Salut public, il confondit son existence avec la Révolution en marche. Parallèlement à ses rapports politiques, il rédigea une utopie de type spartiate, publiée de façon incomplète par Nodier en 1800, puis en 1831 (Fragments sur les Institutions républicaines). Au même titre que son action politique, l'œuvre littéraire et philosophique de Saint-Just a contribué à la fascination que l'homme, dans sa jeunesse et sa rigueur, a exercée sur la postérité.

Saint-Lambert (Jean-François, marquis de)

Écrivain français (Nancy 1716 – Paris 1803).

Officier, amant de Mme du Châtelet, puis de Mme d'Houdetot, il collabora à l'Encyclopédie en disciple de d'Holbach et d'Helvétius, publia des poésies fugitives (le Triomphe d'Alexandre, 1761), des contes (Abenaki, 1769 ; les Deux Amis, 1770) et un Catéchisme universel (1799), d'inspiration matérialiste. Son poème descriptif les Saisons (1764), inspiré de Thomson, est porté par un enthousiasme physiocratique, le sens de la couleur et du mouvement.

Saint-Martin (Louis Claude de)

Écrivain français (Amboise 1743 – Aunay 1803).

Initié à l'illuminisme, il se présenta comme le « philosophe inconnu » dans Des erreurs et de la vérité (1775). De conception plus spiritualiste est son Tableau naturel des rapports qui unissent Dieu, l'homme et l'Univers (1782). Sous l'influence de Swedenborg et celle de Jakob Böhme, un sentimentalisme religieux imprègne les versets poétiques de l'Homme de désir (1790), Ecce homo (1792) et le Nouvel Homme (1796). Partisan d'une théocratie, il présenta la Révolution comme un châtiment divin, dans la Lettre à un ami ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la Révolution française (1796). Le Crocodile (1799), poème épico-magique en 102 chants, De l'esprit des choses (1800), le Ministère de l'homme inconnu (1802), Œuvres posthumes (1807) et Mon portrait historique et philosophique (1962) complètent l'œuvre, distincte de celle des autres illuministes par son souffle poétique et qui influença la formation de la sensibilité romantique.

Saint-Pierre (Charles Irénée Castel, abbé de)

Écrivain français (Saint-Pierre-Église 1658 – Paris 1743).

Il composa un Projet de paix perpétuelle (1713) où il propose la création d'une confédération des États européens. Il multiplia les idées de réformes (sur l'imposition, l'éducation, le mariage des prêtres, l'orthographe), créant un véritable corpus utopique. Critiquant la politique de Louis XIV dans le Discours sur la polysynodie (1718), il fut exclu de l'Académie française. Il fonda avec l'abbé Alary le club de l'Entresol (1724).

Saint-Pol-Roux (Paul Roux, dit)

Poète français (Saint-Henry, près de Marseille, 1861 – Brest 1940).

La vie et l'œuvre de ce philosophe-poète tiennent entre ces deux professions de foi : « L'homme me paraît n'habiter qu'une féerie d'indices vagues, de légers prétextes, d'énigmes » (les Reposoirs de la procession, 1893) ; « Du jour où le monde entier, sur le conseil d'un humble poète, consentira à voir Dieu et à l'exiger, Dieu se répandra parmi le monde » (Féeries intérieures, 1907). Attiré par le symbolisme (il collabora au premier numéro du Mercure de France), voire par l'ésotérisme (le Sâr Péladan vit en lui un des adeptes de son mysticisme esthétique), il finira par l'écoute des forces élémentaires de la nature et du rythme familier de la vie quotidienne : son « idéoréalisme » ou « magnificisme » (Manifeste du magnificisme, 1895) assimile la parole poétique au Verbe divin et se donne pour tâche de « dématérialiser le sensible pour pénétrer l'intelligible ». Mais, plus que son théâtre (l'Âme noire du prieur blanc, 1893 ; la Dame à la faulx, 1899 ; Fumier, 1914) ou ses vers oraculaires (Golgotha, 1884 ; la Flamme, 1885), c'est le livret de Louise, qu'il écrit (1900) pour Charpentier, qui lui assure une notoriété oblique et lui permet de se retirer en 1905 dans un manoir breton, où il vivra la destinée qu'il s'était prédite dès 1889 dans le Bouc émissaire : lui qui avait dénoncé la violence politique dans la Supplique du Christ (1933) verra sa fille, Divine, violée par les Allemands, sa maison et ses manuscrits brûlés (notamment les textes de deux pièces, le Tragique dans l'homme et Sa Majesté la Vie). Il n'a plus qu'à mourir à l'hôpital de Brest, ayant tout accepté comme l'issue voulue par Dieu, dont il se disait « continuateur ».

   Méconnu, Saint-Pol-Roux a cependant été salué comme un précurseur par les surréalistes (notamment pour sa conception de l'image et de la métaphore) et le banquet qui fut offert au poète en 1925 à la Closerie des lilas, après un hommage qui venait de lui être rendu dans les Nouvelles littéraires, est un épisode significatif des premières manifestations du mouvement animé par André Breton (qui avait dédié Clair de Terre à Saint-Pol-Roux). Cet hommage se transformera en affrontement violent entre surréalistes et écrivains nationalistes et l'épisode marqua « la rupture définitive du surréalisme avec tous les éléments conformistes de l'époque ». Bien malgré lui, Saint-Pol-Roux entrait dans la chronique scandaleuse, mais son œuvre se développera longtemps encore, recevant bien d'autres hommages, et le projet d'écrire pour le futur habitera le poète dans les dix dernières années de sa vie. On commence à peine à découvrir ces écrits visionnaires après un long purgatoire. Les ouvrages sont souvent « en miettes », mais ils ouvrent une réflexion nouvelle sur le rôle du poète, qui vient compléter ce que l'on savait déjà sur le « maître des images ». Au-delà d'une poétique originale, c'est la réflexion sur l'acte poétique et ses conséquences qui aura sans doute retenu les surréalistes, et interroge encore les lecteurs contemporains. L'inachèvement de l'œuvre est à la mesure de son ambition immense, de son caractère de prière impersonnelle destinée à être révélée sans hâte.