Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Afsos (Mir Chir Ali)
ou Mir Chir Ali Afsus

Écrivain indien de langue urdu (Delhi 1736 – Calcutta 1809).

Descendant du Prophète par l'imam Dja'far al-Sadiq et issu d'une famille originaire de Perse, il fait ses études à Delhi, puis à Patna. Il est l'auteur d'une brève autobiographie (1802) précédant sa traduction du Gulistan de Saadi, d'un essai d'histoire et de sociologie de l'Inde prémusulmane (Décoration de l'Assemblée, 1808).

agitprop

Le théâtre d'agitprop (le terme vient du russe : agitatsiya-propaganda, « agitation et propagande ») est une forme d'animation théâtrale visant à sensibiliser un public à une situation politique ou sociale. Il apparaît après la révolution russe de 1917 et se développe surtout en U.R.S.S. et en Allemagne jusqu'à 1932-1933 (annonce du réalisme socialiste par Jdanov et prise de pouvoir par Hitler). Il n'a eu que peu de succès en France.

   L'agitprop n'est pas sans ancêtres lointains : le théâtre baroque jésuite, l'auto sacramental espagnol contenaient déjà, par exemple, des exhortations à l'action. Pourtant, l'agitprop est beaucoup plus radicale dans sa volonté de servir d'instrument politique pour une idéologie, qu'elle soit dans l'opposition (en Allemagne ou aux États-Unis) ou directement propagée par le pouvoir en place (U.R.S.S. des années 1920). Cette idéologie se situe nettement à gauche : critique de la domination bourgeoise, initiation au marxisme, tentative pour promouvoir une société socialiste ou communiste. Selon son statut politique, l'agitprop est amenée à inventer des formes et des discours ou à appliquer un programme qu'elle n'a pas nécessairement mis elle-même au point, et dont elle peut vouloir se démarquer.

   Liée à l'actualité politique (ainsi en Allemagne, en 1927, elle apparaît comme une conséquence de la révolution manquée), l'agitprop se donne avant tout comme une activité idéologique et non comme une forme artistique nouvelle : elle proclame son désir d'action immédiate. Le texte n'est qu'un moyen pour toucher la conscience politique ; il est relayé par des effets gestuels et scéniques qui se veulent les plus clairs et directs possible : d'où l'attirance de ce spectacle pour le cirque, la pantomime, le batelage ou le cabaret : ainsi les revues satiriques Roter Rummel (1924) et Trotz alledem ! (1925) de Piscator. En privilégiant le message politique facilement compréhensible et visualisé, l'agitprop ne se donne ni le temps ni les moyens de créer un genre nouveau : ses formes et ses emprunts sont aussi mouvants que ses contenus ; ils varient beaucoup d'un pays à l'autre en fonction des traditions culturelles. Le plus souvent, les « agitateurs-propagandistes » s'appuient sur une de ces traditions en la critiquant de l'intérieur : commedia dell'arte, cirque, mélodrame. Même lorsque la pièce est suffisamment élaborée pour raconter une histoire incarnée par des personnages, elle conserve une intrigue directe et simplifiée qui débouche sur des conclusions claires. Le Lehrstück (pièce didactique qui constitue une forme sophistiquée d'agitprop) répond lui aussi à ces critères. Le « journal vivant » présente les nouvelles selon un éclairage critique et en faisant appel aux protagonistes de l'action. Un montage ou une revue politique constitués de numéros et de « flashes d'informations » à peine dramatisés fournissent le plus souvent la trame de la pièce d'agitprop. Un chœur de récitants (C. von Wangenheim, Maxime Vallentin ; textes de Toller, Mühsam, Becker, Kanehl) ou de chanteurs (le Wedding Rouge de Weinert et Eisler) résume et inculque les leçons politiques ou les mots d'ordre. La plupart des troupes ne jouent plus dans des théâtres, mais dans la rue, les usines, les cours d'immeubles, les villages et jusque dans les réunions électorales des partis d'opposition. En 1927, en Allemagne, après la tournée triomphale des Blouses Bleues russes, les troupes d'agitprop se multiplient ; on en compte plus de 500 en 1930 (le Porte-Voix rouge, les Fusées rouges, la Forge rouge, Colonne gauche, etc.). L'art retrouve parfois ses droits, lorsque l'agitprop s'inspire et inspire des mouvements d'avant-garde (futurisme, constructivisme) et mobilise des artistes comme Maïakovski, Meyerhold, Piscator, Wolf ou Brecht.

Agnon (Samuel Joseph) (pseudonyme littéraire devenu le nom légal de Samuel Joseph Czaczkes)

Écrivain israélien (Buczacz, Galicie, 1888 – Rehovoth 1970).

Il est né dans un petit village austro-hongrois qui resta, pour lui, le lieu privilégié de sa méditation sur l'opposition entre les valeurs religieuses et l'ouverture au monde moderne. Dès son enfance, il étudia non seulement la Bible et le Talmud, mais aussi la littérature juive traditionnelle et moderne que son père lui fit connaître. Par ailleurs, sa mère l'initia à la littérature allemande. À l'âge de 8 ans, il commença à écrire en hébreu et en yiddish, mais sa première œuvre – un poème en yiddish sur Rabbi Joseph Della Reina – ne parut qu'en 1903. Dès 1905, il écrivit régulièrement à Cracovie, dans diverses revues, et ses premières œuvres dénotent une affinité certaine avec le néoromantisme allemand. Venu s'installer en Palestine en 1908, il vécut à Jaffa. Il abandonna alors les pratiques religieuses auxquelles il était toujours resté fidèle pour s'identifier au modernisme des nouveaux habitants du pays. Sa première nouvelle publiée en Palestine, les Enchaînées (1908), fut signée du pseudonyme d'Agnon qui devint son nom légal en 1924. De nombreuses autres œuvres suivirent, paraissant pour la plupart dans le journal Hapoel hatzaïr, et l'une d'elles, Ce qui était tordu deviendra droit, devint son premier vrai livre en 1912. Attiré par l'Allemagne, il s'y rendit en octobre 1912, et y demeura jusqu'en 1924, gagnant sa vie en enseignant et en collaborant à un journal juif allemand. Dédaigné par le cercle des écrivains juifs reconnus en Allemagne, il fut en revanche adopté par la jeunesse sioniste qui reconnut en lui un novateur. Grâce à l'appui de son mécène, S. Z. Schoken, il put se consacrer à son œuvre et mit à profit ces années pour accroître son savoir en matière de littérature allemande et approfondir sa connaissance du judaïsme. Il entreprit de préparer avec Martin Buber une anthologie de contes et récits hassidiques. Cette heureuse période s'acheva avec l'incendie qui dévasta son appartement, détruisant la plupart de ses livres et manuscrits et une œuvre dont la publication avait déjà été annoncée. En octobre 1924, marié et père de deux enfants, il revint en Palestine et s'installa définitivement à Jérusalem. Au cours des émeutes de 1929, sa maison fut pillée et il perdit une nouvelle fois des livres et des manuscrits rares. Représentative de la littérature hébraïque moderne, l'œuvre d'Agnon rend compte de l'aventure contemporaine du peuple juif, au cœur du mouvement qui le mène de la diaspora à la création de l'État d'Israël. Déroutante par sa complexité, teintée de réalisme et de poésie, de naïveté et d'ironie, elle est écrite dans une langue chargée de réminiscences bibliques, midrashiques et hassidiques, dont on ne peut comprendre les nuances sans une large culture hébraïque. Construites autour de deux pôles, Buczacz pour la diaspora, Jaffa et Jérusalem pour la Palestine, les intrigues des nouvelles et des romans mettent en scène des personnages issus du monde juif, traditionnel et moderne à la fois. Une première édition des œuvres complètes d'Agnon parut en 4 volumes, en 1932 à Berlin : elle comprenait toutes les nouvelles publiées jusqu'au 1921 et le roman la Dot de la fiancée dans une version nouvelle. Comme les sujets de ses récits étaient plus souvent empruntés à la vie des Juifs orthodoxes de Galicie, on tendit à considérer Agnon comme un écrivain religieux. Le conte Au cœur des mers (1930), relatant l'épopée d'un groupe de Juifs pratiquants venus s'installer en Palestine, renforça cette impression, que ne contredit pas une anthologie des traditions des jours de fête (les Jours redoutables, 1938). Cependant, le roman Une histoire simple (1935) laissait entrevoir la crise qui couvait sous une apparente sérénité : l'intrigue située à la fin du siècle dernier évoque le conflit entre le mode de vie des bourgeois traditionnels et l'aspiration à la liberté de la nouvelle génération, et on y découvre une satire acerbe de la communauté juive ainsi qu'un aperçu psychologique rare de l'être humain. Mais c'est la série des nouvelles intitulée le Livre des exploits (1931) et reprise plus tard dans Ceux-ci et Ceux-là (1942), qui fournit une des clefs majeures de l'œuvre. Agnon n'y donne pas une image monolithique du judaïsme traditionnel : malgré la sympathie qu'il manifeste à l'égard de ce monde, il ne laisse pas ignorer l'abîme qui le sépare de ses héros et de la tradition elle-même. L'intérêt porté au judaïsme traditionnel n'est pas synonyme d'un retour aux sources. On ne peut, non plus, y voir le désir de l'auteur de créer l'illusion que le monde actuel puisse ressembler à la réalité juive passée, même si souvent elle est décrite avec nostalgie. Les nombreux contes traitent des problèmes existentiels contemporains : la désintégration des coutumes ancestrales, la perte de la foi et la perte de l'identité qui en découle. L'Hôte de passage (1939) relate ainsi le retour du narrateur dans sa ville natale qu'il a quittée depuis de nombreuses années et en peint la destruction, image de l'agonie du monde traditionnel juif à la fin des années 1930. En 1943, parut un grand roman, Hier et avant hier (traduit en français le Chien Balak), qui se déroule entre Jaffa et Jérusalem au début du XXe s. et met l'accent sur les jeunes sionistes contre la communauté religieuse. On doit encore à Agnon de nombreux récits (Proche et Visible, 1951 ; Jusqu'à nos jours, 1952 ; le Feu et le Bois, 1962), et depuis sa mort ont été publiés plusieurs inédits (Shira, 1971 ; Toute une ville, 1973 ; Au magasin de monsieur Lublin, 1974 ; En deçà de la muraille, 1975 ; Préludes, 1977 ; Ma chère Estherlyne, 1983 ; le Livre des lettres, 1984 ; Liasse de récits, 1985 ; les Contes du Be'esht, 1987). Agnon ne reste jamais prisonnier du microcosme juif qu'il dépeint. À travers les héros, les thèmes et les récits d'un peuple particulier, il poursuit l'homme et ses problèmes éternels, recherche que consacra le prix Nobel en 1966. Son œuvre marque une étape importante dans l'histoire de la littérature hébraïque : ses thèmes comme sa langue continuent à imprimer de leur sceau l'œuvre des générations actuelles.