Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Peiresc (Nicolas Claude Fabri de)

Érudit et collectionneur français (Belgentier, Provence, 1580 – Aix-en-Provence 1637).

Ce conseiller au parlement d'Aix voyagea à travers l'Europe et se lia avec les grands collectionneurs et bibliothécaires de son temps. Secrétaire du garde des sceaux Guillaume du Vair en 1616, il devient un membre assidu de l'Académie des frères Dupuy (où il rencontre Gassendi, Guez de Balzac, Ducange). Témoin typique de la curiosité du XVIIe siècle, il réunit et observe les choses et les faits curieux dont on peut mesurer l'ampleur dans la correspondance qu'il a laissée.

Peisson (Édouard)

Écrivain français (Marseille 1896 – Ventabren, Bouches-du-Rhône, 1963).

Navigateur, il écrit des récits d'aventures maritimes (Hans le marin, 1930 ; le Voyage d'Edgar, 1938 ; le Quart de nuit, 1960) tout en s'engageant politiquement en faveur d'une société plus juste (Une femme, 1938 ; l'Homme couvert de dollars, 1945).

Peixoto (Julio Afrânio)

Écrivain brésilien (Lençóis, Bahia, 1876 – Rio de Janeiro 1947).

Médecin, il a écrit des romans qui témoignent de sa curiosité de clinicien et brossent de complexes portraits féminins (le Sphinx, 1911 ; Une femme comme les autres, 1928).

Pekař (Josef)

Historien tchèque (Malíj Rhohozec 1870 – Prague 1937).

Spécialiste du XVIIe siècle (la Montagne Blanche, ses causes et ses conséquences, 1921 ; Žiška et son époque, 1927-1933), ce professeur positiviste, catholique et patriote, rectifia certaines erreurs de Palacký et contesta la conception religieuse  hussite de la philosophie de l'histoire de Masaryk.

Péladan (Joseph, dit Joséphin)

Écrivain français (Lyon 1859 – Neuilly-sur-Seine 1918).

Célèbre dans le Paris fin de siècle pour ses excentricités vestimentaires, et le titre assyro-chaldéen de « sâr » dont il s'était paré, il figure dans de nombreux romans à clés de l'époque (Bloy, la Femme pauvre ; Willy / Jean de Tinan, Maîtresse d'esthète...) où est brocardée son activité esthético-mystique. Passionné d'occultisme, il entre dans l'ordre kabbalistique des Rose-Croix, restauré en 1888 par Stanislas de Guaïta, puis fonde la Rose-Croix catholique : il y organise des « gestes esthétiques », véritables salons où s'expose le meilleur de la peinture symboliste. Idolâtrant Wagner, il y fait donner des concerts, ainsi que des représentations théâtrales de ses propres « wagnéries » : le Fils des étoiles, 1892 ; Babylone, 1893. Écrivain prolixe, il a de hautes ambitions romanesques, traitant, dans les 19 romans de son « éthopée » (la « comédie humaine » idéaliste de ce fervent balzacien) de la chute de l'Idée dans la Matière : la Décadence latine (le Vice suprême, 1884 ; Curieuse, 1885 ; l'Initiation sentimentale, 1887 ; l'Androgyne, 1891, etc.), où l'on trouve un mélange, parfois scabreux, de sensualité érotique et d'idéalisme hérité de Barbey d'Aurevilly, qu'il admirait. Rêvant de synthèse, il a multiplié les essais, parmi lesquels ses réflexions sur l'art figurent en bonne place (la Dernière Leçon de Léonard de Vinci, 1904 ; De Parsifal à Don Quichotte, 1906). En dépit de ses excès, du grotesque où il atteint parfois, et des relents d'extrémisme de sa pensée, son œuvre littéraire constitue une expression originale de l'idéalisme décadent fin de siècle.

Pèlerinage de Charlemagne (le)
ou le Voyage de Charlemagne

Cette chanson de geste de 870 alexandrins assonancés, composée entre le milieu du XIe et le début du XIIe siècle, évoque sur le mode épique un voyage de Charlemagne et de ses pairs à Jérusalem et à Constantinople. L'originalité de cette chanson est dans le mélange de motifs héroïques traditionnels, de motifs héroï-comiques (Charlemagne va vérifier s'il porte mieux la couronne que l'empereur de Constantinople) et d'éléments merveilleux d'inspiration orientale (les étranges mécanismes du palais de l'empereur de Constantinople, Hugon). L'exploitation du motif de la vantardise (les gabs lancés par les pairs) donne une dimension burlesque aux héros. Mais on retrouve sous la fantaisie une répartition des rôles qui évoque la structure ancienne des trois fonctions : Roland et Guillaume d'Orange illustrent la prouesse guerrière ; Olivier assure, en séduisant la fille de l'empereur, la prouesse sexuelle ; chef militaire et religieux incontesté (comme l'a confirmé le passage à Jérusalem), Charlemagne acquiert de surcroît en Orient, par la confrontation avec le « roi laboureur » de Constantinople et grâce à ses pairs, la totalité des pouvoirs humains.

Peletier du Mans (Jacques Peletier, dit)

Humaniste français (Le Mans 1517 – Paris 1582).

Pédagogue ayant occupé le poste de principal dans de nombreux collèges, il fut aussi professeur de mathématiques à l'université de Poitiers. L'œuvre spécifiquement scientifique de Peletier comprend de nombreux traités de mathématiques ainsi que deux ouvrages médicaux. La première de ses œuvres littéraires est une traduction de l'Art poétique d'Horace (1541), dont la Préface expose des principes qui annoncent les thèses de la Défense de Du Bellay. Les Œuvres poétiques de 1547 contiennent, à côté des traductions d'Homère, d'Horace, de Pétrarque et, surtout, de Virgile (il transpose les Géorgiques), des pièces originales dont les plus intéressantes (telles les Chaleurs torrides de 1547 et l'Homme de repos) sont consacrées à la description des spectacles de la Nature ou à des confidences personnelles. Mais c'est l'Amour des Amours (1555) qui constitue, dans le domaine poétique, le maître ouvrage de Peletier. L'ouvrage réunit un canzoniere d'inspiration pétrarquiste comprenant 96 sonnets, suivi, conformément au mouvement d'élévation de l'amour terrestre vers les réalités célestes prôné par la philosophie platonicienne, d'une série d'odes ayant pour objet la description des phénomènes célestes, des planètes et des saisons : c'est la première manifestation d'un genre qui devait se révéler fécond durant tout le XVIe siècle, celui de la poésie scientifique.

   L'Art poétique de Peletier (1555) comme celui de Sebillet (du plan duquel il s'inspire), est divisé en deux livres, le premier contenant des considérations générales sur la poésie et la langue poétique, le second traitant des questions de versification et examinant les différents types de poèmes français. Quoique empruntant une partie de sa doctrine à Horace, à Quintilien et au moderne Vida, il doit l'essentiel de son originalité au fait qu'il constitue une des plus exactes expressions théoriques de la doctrine de la Pléiade (encore que son auteur maintienne, vis-à-vis de celle-ci, une certaine indépendance d'esprit). De la poésie, dont il rappelle l'origine divine, Peletier se fait la plus haute conception ; du poète, il exige à la fois le sens de « l'honneur » et une vaste érudition ; il recommande en outre aux poètes français d'écrire dans leur langue maternelle, et affirme qu'il leur est possible de surpasser les Anciens, à condition de travailler à l'enrichissement de leur langue et de pratiquer une imitation intelligente.