Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
U

urdu (littérature)

L'urdu fut d'abord utilisé par les mystiques, dans un premier ouvrage en prose, l'Ascension des amants de Gesudaraz (1421), puis dans la poésie à Bijapur et à Golconde, dans le Deccan ; à la fin du XVIIe s., Aurangabad est le principal centre littéraire avec Wali (1668-1744), maître du rhazal, qui établit une tradition fortement inspirée, tant au niveau de la versification qu'à celui des thèmes, par l'arabe et le persan. La poésie connaît ensuite son apogée à Delhi, puis à Lucknow, où l'urdu a supplanté le persan vers le milieu du XVIIIe s. Les principaux poètes de l'école de Delhi forment les « quatre piliers de l'urdu » : Mazhar, Sauda, Mir et Dard. L'école de Delhi connaît son apogée au XIXe s. avec Zauq (1759-1854), Zafar (1775-1862) et le célèbre Ghalib (1797-1869). La mutinerie de 1857 marque un tournant dans la littérature de l'Inde musulmane. Les principaux poètes sont Azad (1834-1910) et Hali (1837-1914). La prose se développe au XIXe s. à partir de Fort William College à Calcutta, d'inspiration religieuse malgré le mouvement réformiste de sir Sayyid Ahmad Khan orienté vers l'histoire et la critique littéraire avec Shibli (1857-1914). Le XXe s. est dominé par Iqbal (vers 1873-1938), poète et philosophe. Parmi les romanciers les plus connus, citons Prem Cand et Aziz Ahmad. Depuis la partition, l'urdu est resté la langue des musulmans de l'Inde et s'est particulièrement développé autour de l'université Osmania et de l'association pour le développement de l'urdu de Maulvi Abdul Haq à Hyderabad.

Urfé (Honoré d')

Écrivain français (Marseille 1567 – Villefranche-sur-Mer 1625).

Son père, Jacques, fils d'un ambassadeur en Italie et gouverneur des enfants d'Henri II, avait épousé Renée de Savoie-Tende. Le jeune Honoré passa donc son enfance, avec ses frères, dans une atmosphère tout imprégnée de la culture italienne. H. d'Urfé rima dès le collège de Tournon, où il fit ses études, et entama, à 16 ans, un poème pastoral, Sireine, qu'il ne publia qu'en 1604. Chevalier de Malte, il se battit pendant les guerres de Religion du côté de la Ligue catholique et dut s'exiler un moment au service de la maison de Savoie. En 1600, il épousa sa belle-sœur, Diane de Chateaumorand, dont le mariage avait été annulé (on voit aujourd'hui dans cette union moins le triomphe d'une passion contenue pendant dix-huit ans qu'un froid calcul économique), et rentra peu à peu en grâce auprès de la cour de France : en 1603, il devint gentilhomme ordinaire d'Henri IV, en même temps qu'il publiait le second volume de ses Épîtres morales (le premier avait paru en 1595), qu'il augmenta en 1608 et 1619.

   En 1607 paraît la première partie de l'Astrée ; deux autres sont publiées en 1610 et en 1619 ; la quatrième, complétée par son secrétaire, Baro, en 1627-1628 ; la cinquième, du seul Baro, en 1628. Ce roman pastoral retrace les amours contrariées puis triomphantes du berger Céladon et de la bergère Astrée. La finesse des analyses psychologiques, la pureté et l'élégance de la prose (avec de nombreux poèmes insérés), le refus du réel « grossier » au profit d'un rêve arcadien font de ce livre une des œuvres les plus significatives du genre. Dans une démarche à la fois lyrique et pédagogique, d'Urfé montre, à l'aide de nombreuses histoires insérées, selon quelles formes diverses se manifeste l'émotion amoureuse, et à quelles formes idéales elle doit tendre : l'amour n'échappe ni à la fatalité, ni à l'héroïsme, ni aux intermittences du cœur, mais, dans sa pleine expression, il est soumission absolue et rêve de fusion totale. Exploration du sentiment dans ses labyrinthes et dans ses confusions, l'Astrée fut lu et goûté durant tout le XVIIe s. (La Fontaine proclame pour lui son admiration) comme un bréviaire de l'amour précieux ; mais, au-delà, le lettré érudit qu'était d'Urfé y développait une véritable métaphysique, et des thèses empruntées au néoplatonisme (il cite Plotin, Léon l'Hébreu, Marsile Ficin), tout en témoignant pour la nature apaisée du Forez ou les paysages grandioses de la Savoie une sensibilité rare à son époque. On doit aussi à Honoré d'Urfé un recueil poétique (la Savoysiade, 1609) et une « fable bocagère » (la Sylvanire ou la Morte vive, 1625).

Uris (Léon)

Écrivain américain (Baltimore 1924-New York 2003).

Auteur de romans à succès (le Cri de la victoire, 1953 ; les Collines de la colère, 1955 ; Trinité, 1976 ; le Hadj, 1984), il a acquis une large renommée grâce à Exodus (1957) et Armageddon (1964).

Ursan (Ali Uqla)

Écrivain syrien (Sayda, dans le Hauran, 1940).

Journaliste, scénariste et haut fonctionnaire, secrétaire général de l'Union des écrivains syriens (1980) et vice-président de l'Union des écrivains arabes, il est l'auteur d'une œuvre dramatique essentiellement réaliste (les Visiteurs de la nuit, 1971 ; le Vieux et le Chemin, 1971 ; les Palestiniennes, 1971 ; les Étrangers, 1974 ; le Prisonnier numéro 95, 1974 ; les Masques, 1979). On lui doit également des essais (le Théâtre politique, 1978 ; le Phénomène théâtral chez les Arabes, 1981).

Uruguay

L'ancienne « Banda oriental », partie du vice-royaume de La Plata, ne devient République de l'Uruguay qu'en 1830. Les premiers grands noms de ses lettres sont ceux du poète néoclassique F. Acuña de Figueroa (1790-1862) et de Bartolomé Hidalgo (1788-1822). C'est avec les proscrits rebelles au dictateur Rosas qu'arrive le romantisme, qui trouve son organe principal dans El Iniciador, revue fondée par A. Lamas, et qui s'impose face au néoclassicisme alors régnant lors d'un fameux « concours poétique » disputé le 25 mai 1841, avec, jusqu'en 1880, une première période dont les principales figures sont les poètes Adolfo Berro, J. C. Gómez et A. Magariños Cervantes. Après 1880 apparaissent les poètes de la Generación del Ateneo, qui s'opposent au naturalisme triomphant, et dont le principal représentant est J. Zorrilla de San Martín célèbre pour son long poème épique, Tabaré (1888).

   C'est également au premier plan que se situe le dramaturge Florencio Sánchez. Son théâtre s'inscrit dans la veine naturaliste ; V. Martínez Cuitiño (1887-1964) explore, quant à lui, tous les genres et tous les courants du théâtre, dans une œuvre abondante et variée.

   Le grand poète du modernisme est Julio Herrera y Reissig, suivi par A. Armando Vasseur et de nombreux autres, réunis dans le cénacle d'Herrera y Reissig ou dans celui du conteur Horacio Quiroga. Plus tard, la poésie s'ouvre aux tendances nouvelles avec Emilio Oribe, qui évolue du Parnasse aux différentes avant-gardes, C. Sabat Ercasty, José Alonso y Trelles, qui cultive à son tour la poésie gauchesque, et les poétesses Delmira Agustini, María Eugenia Vaz Ferreira et, surtout, Juana de Ibarbourou ; parmi les plus jeunes, il faut citer Idea Vilariño, Amanda Berenguer et Ida Vitale.

   Le roman apparaît avec E. Acevedo Díaz (1851-1921), dont l'œuvre constitue l'épopée en prose d'un peuple en lutte pour son indépendance. Ses successeurs exploitent volontiers le thème de la vie rurale, selon les techniques du naturalisme : Carloy Reyles (la Race de Cain) et deux maîtres de la nouvelle : Javier de Viana et Horacio Quiroga. Leur contemporain, J. E. Rodó, l'un des penseurs les plus importants du continent, donne à l'essai ses lettres de noblesse et son influence est encore sensible de nos jours.

   La prose contemporaine reste placée sous le signe du réalisme avec Justino Zavala Muniz, Juan José Morosoli, Francisco Espinola, Julio C. Da Rosa et, surtout, Enrique Amorim, peintre vigoureux des réalités sociales de son pays. La plupart des narrateurs uruguayens cultivent la nouvelle avec un rare bonheur : ainsi Felisberto Hernandez et Juan Carlos Onetti. Comme la plupart des intellectuels de son pays, Onetti a dû s'expatrier après la prise du pouvoir par les militaires en 1973. Depuis, la vie littéraire connaît un nouvel essor grâce au talent d'écrivains exilés comme Mario Benedetti, romancier, conteur, essayiste fécond, et Eduardo Galeano (les Veines ouvertes de l'Amérique latine, 1971). Parmi les poètes contemporains qui se montrent soucieux d'inventions verbales, se détachent Ricardo Paseyro, Washington Benavides, Alejandro Paternain et Enrique Estrázulas, l'un des rares écrivains non exilés. En prose, après Carlos Real de Azua, José Pedro Díaz, Ángel Rama, Silvia Lago, la nouvelle génération a pour principaux représentants Cristina Peri Rossi et Teresa Porzecanski. Le critique Alberto Zum Felde donne des essais et demeure une des figures majeures du genre.