Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
T

Testut (Charles)

Écrivain franco-louisianais (en France v. 1819 – La Nouvelle-Orléans v. 1892).

Arrivé en Louisiane (1843), il collabora à de nombreux journaux, publia des poèmes, des Portraits littéraires de La Nouvelle-Orléans (1850), et des romans feuilletons dans la veine d'Alexandre Dumas ou d'Eugène Sue, dont le meilleur, le Vieux Salomon (1872), est un plaidoyer pour l'égalité des races et la démocratie.

Tevaram
(la Guirlande de la divinité)

Recueil d'hymnes compilé par Nampi Antar Nampi (début du XIe s.) rassemblant des poèmes des trois grands saints du sivaïsme : Appar, Campatar (VIIe s.) et Cuntarar (VIIIe s.). Le Tevaram, formant les sept premiers livres du Tirumurai, est le texte sivaïte le plus chanté du pays tamoul.

Thaalibi (Abu Mansur Abd al-Malik al-)

Écrivain arabe (961 – 1038).

C'est l'un des auteurs les plus prolifiques de son temps. Sa réputation lui vient de ses travaux de grammaire, de rhétorique (comment transformer de la poésie en prose et inversement), des recueils de proverbes, d'anecdotes et des anthologies poétiques, qui, présentés avec le souci d'amuser autant que d'instruire, s'avèrent très utiles par la masse d'informations qu'ils apportent.

Thackeray (William Makepeace)

Écrivain anglais (Calcutta 1811 – Londres 1863).

Anglo-indien d'origine, il gagne l'Angleterre à 16 ans, dissipe sa fortune, devient caricaturiste et journaliste (à Fraser's Magazine, à Punch). À travers le Livre des snobs (1846-47), il fustige les hypocrisies et les ridicules de la société anglaise. Après Barry Lindon (1844, rendu célèbre par l'adaptation cinématographique de S. Kubrick en 1975), qui entreprend de démystifier le criminel-héros, la Foire aux vanités (1847-1848) – « roman sans héros », comme l'indique le sous-titre – célèbre, contre la sentimentalité de Dickens, la lucidité « réaliste ». Sous un titre emprunté au Voyage du pèlerin de John Bunyan, Thackeray retrace le succès vengeur d'une pauvre orpheline, ambitieuse sans scrupules qui découvre et dévoile la fatuité du « beau monde ». Ce tableau au vitriol est inspiré par une réelle haine de toute hypocrisie et de toute superficialité. L'Histoire de Pendennis (1848-1850), roman de formation, a pour héros un adolescent un peu fade, issu de la petite noblesse, dont l'innocence a pour pendant la fausse maturité du major Pendennis, incarnation des défauts stigmatisés dans le Livre des snobs. Thackeray donna une suite à Pendennis : les Newcome, Mémoires d'une famille très respectable (1853-1855). On retrouve dans ce roman Pendennis en tant que narrateur ; le personnage du colonel Newcome fut très admiré en son temps. Grand connaisseur du siècle précédant le sien, où il avait déjà choisi de situer Barry Lindon, Thackeray se fit connaître avec une série de conférences sur « Les humoristes anglais du XVIIIe siècle » (1853) puis sur « Les quatre Georges » (1860), les quatre rois d'Angleterre ayant porté ce nom entre 1714 et 1830. L'Histoire d'Henry Esmond (1852), située au tout début du XVIIIe siècle, évoque le soulèvement jacobite. À la fin du roman, le héros partait pour les Amériques ; Thackeray lui donna une suite, les Virginiens, récit du siècle dernier (1857-1859), situé pendant la guerre d'indépendance. En 1859, Thackeray fut choisi comme rédacteur en chef pour assurer la création du Cornhill Magazine, qui publiera en feuilletons les romans de toute une nouvelle génération d'auteurs (Trollope, Gaskell, etc.).

Thaïlande

La langue thaï, isolante, polytonique, monosyllabique de base, a emprunté à l'Inde un abondant vocabulaire tiré du sanskrit et du pali, et par l'intermédiaire du khmer son système d'écriture (devanagari). L'invention des caractères spécifiquement thaï, considérés comme à l'origine de l'écriture actuelle, revient au roi Ramkhamhaeng (1277-1317), ainsi qu'en témoigne la stèle (1292) qui porte son nom, la plus célèbre de toutes les inscriptions lapidaires de l'époque de Sukhothai (XIIIe-XIVe s.). Écrite en prose, souvent rythmée comme un poème, cette inscription magnifie la dynastie naissante, et décrit la vie des Thaï sous ce régime paternaliste, où le bouddhisme joue un rôle primordial. C'est également de la période de Sukhothai que daterait le premier livre écrit en siamois (1345), le Trai Phum (les Trois Mondes), dû au roi Li Thay. Ce traité de cosmologie bouddhique décrit le monde des désirs sensuels, celui des apparences ou de l'absence d'apparences. Si pendant la période d'Ayutthaya (1350-1767) la prose demeure dans les chroniques (Chroniques du Siam ou Phongsawadan, teintées de merveilleux, souvent éloignées de la vérité historique), dans les lois (le Kot Monthianban [Code des lois du Palais] du roi Trailokanat [1448-1488]), et dans certains textes religieux, c'est à la poésie que la littérature, qui s'épanouit au sein de la cour, doit tout son éclat. Le fond généralement moralisateur ou didactique des récits, souvent influencés par le bouddhisme, a moins de valeur que la forme. Sensibles au jeu des rythmes, des rimes, des allitérations, les Thaï considèrent l'euphonie comme l'essence même de leur poésie, destinée à être entendue. On distingue cinq sortes de vers, aux très nombreuses subdivisions, souvent associées dans un même poème : les ray, vers les plus libres utilisés pour les sermons ou les parties narratives d'un poème ; les chand, fréquents dans les écrits religieux, vers très élaborés où les combinaisons de syllabes brèves et longues jouent un rôle dominant et qui se trouvent souvent mêlés à des kap, où seuls comptent le mètre et la rime ; les khlong, caractérisés par la place imposée de deux accents figurant dans l'écriture, vers préférés des poètes pour les récits de voyage, les poèmes d'amour, malgré leur difficulté de composition ; et les klon, vers privilégiés du théâtre et de la littérature populaire, spécialement le klon octosyllabique.

   Parmi les poèmes du XIVe s., l'Ongkarn Chaeng Nam (Imprécations contre l'eau) est un mélange de ray et de khlong, appelé lilit dans la prosodie thaï. Ce texte rituel d'inspiration brahmanique, prononcé lors du serment d'allégeance des fonctionnaires, fut utilisé jusqu'en 1932, date de l'abolition de la monarchie absolue. Du XVe s. datent le Mahachat Khamluang (Version royale de la grande existence), le dernier des dix grands jataka (récits des vies antérieures du Bouddha) et le Lilit Yuan Phay (la Défaite des Yuan), éloge du roi Trailokanat et récits des combats qui mirent fin aux luttes entre Ayutthaya et Chiangmai. Mais d'autres guerres veulent peut-être qu'il ne subsiste aucun texte de la fin du XVe au début du XVIIe s., époque à laquelle auraient été composés le Lilit Phra Lo et le Nirat Hariphunchay, aux auteurs controversés.

   Du règne de Phra Naray (1656-1688) datent des contes tirés des Paññasa jataka (50 jataka n'appartenant pas au Canon bouddhique) et composés en vers chand pour le théâtre d'ombres par le précepteur du roi : le Tigre et le Bœuf et Samutthakhot, qui fut continué par le roi à la mort de l'auteur, mais resta inachevé ; le Thawathotsamat (les Douze Mois), poème en khlong, où à une description des fêtes de l'année s'ajoutent des regrets amoureux ; un traité de composition poétique, le Chindamani, dont l'auteur, astrologue royal, aurait écrit une brève Chronique d'Ayutthaya en prose, dont il ne nous reste que la période allant de 1350 à 1604 ; la première Berceuse pour éléphants, en vers chand, due à un brahmane de la cour ; et le Kamsuan (Lamentations), nirat attribué au poète Sri Prat. Le règne du roi Borommakot (1733-1754) marque une renaissance des lettres avec un théâtre florissant. Les princesses Kunthon et Mongkut écrivent chacune pour le lakhon nai une adaptation de la légende javanaise Inao ; le prince Thammathibet compose des poèmes, où l'amour se mêle à de délicates descriptions de la nature : He Rua (Chants de bateliers), nirat, phleng yao. En dehors de cette littérature qui ne dépassait pratiquement pas les limites de la cour, il devait exister depuis des siècles d'autres textes, religieux ou profanes. Mais en 1767, le royaume est envahi, la capitale Ayutthaya pillée et brûlée. Aussi est-il impossible de dresser un inventaire exhaustif des œuvres antérieures à 1767, et, pour celles qui nous sont parvenues souvent fragmentairement, aléatoire d'établir leur datation et leur attribution à un auteur.

   Ayant chassé les Birmans, le nouveau roi Taksin (1767-1782) installe sa capitale à Thonburi. Roi lettré, comme ses prédécesseurs d'Ayutthaya, il entreprend, avec la réécriture de textes religieux, historiques, législatifs, la reconstitution du patrimoine littéraire détruit. Lui-même compose quatre épisodes du Ramakien, première version écrite qui nous en soit connue. Avec l'Éloge à la gloire du roi de Thonburi de Nay Suan, l'éloge va s'imposer dans les règnes futurs. Le Nirat Kwang Tung, récit par Phraya Mahanuphap d'une ambassade en Chine, est également un important document historique.

   Fondateur à Bangkok de la dynastie actuelle des Chakkri, Rama Ier (1782-1809) écrit la version la plus complète du Ramakien, fait réviser (1788) le Canon bouddhique Traipidok (les Trois Corbeilles), établir (1805) un nouveau recueil de lois dit Loi des Trois Sceaux. De son règne datent le Ratchathirat, adaptation d'une chronique de Pegu, et le Samkok, traduction du roman historique chinois les Trois Royaumes, dues au Chao Phraya Phra Khlang. Rama II (1809-1824) compose pour le lakhon nai une version partielle d'Inao, des épisodes du Ramakien et adapte pour le lakhon nok des jataka et des contes populaires issus de la tradition orale. Son comité de poètes, dont le célèbre Sunthon Phu, rédige le premier sepha écrit Khun Chang Khun Phaen. Rama III (1824-1851) fait graver sur des tablettes scellées aux murs du Wat Pho les principales œuvres de la littérature, hormis les grands classiques. Le prince-bonze Paramanuchit termine le Samutthakhot du roi Naray, tire une importante œuvre poétique de légendes bouddhiques et historiques. Il écrit en prose une Chronique brève d'Ayutthaya. Sous Rama IV (1851-1868), le théâtre populaire s'enrichit d'un nouveau genre, le liké, d'origine malaise, encore très prisé aujourd'hui. Au contact de l'Occident, les sujets littéraires s'ouvrent à de nouveaux horizons ; poème sur l'Europe, le Nirat London de Mom Rachothay est la première œuvre à rapporter des droits à un auteur. L'imprimerie étant introduite au Siam, des périodiques apparaissent ; la prose se répand. Pendant le règne de Rama V (1868-1910), des Thaï ayant fait leurs études en Occident en ramènent des idées nouvelles qu'ils expriment dans une presse sans censure de plus de 50 journaux et revues où paraissent les premières nouvelles, les premiers romans. Ouvert à ces idées, le roi tient cependant à maintenir la tradition. Il fonde la bibliothèque Wachirayan, écrit un ouvrage sur les Cérémonies des douze mois. Ce souci de préserver l'héritage du passé est manifeste dans l'œuvre du prince Damrong, qui instaure la coutume de faire imprimer des manuscrits à l'occasion des crémations, et se retrouve dans les articles du Journal of the Siam Society. Le roi Rama VI (1910-1925) écrit de nombreux livres exaltant la nation thaï, adapte Shakespeare, Molière, Labiche, favorise les genres importés d'Occident. Avec le développement de l'éducation, le cercle des auteurs s'agrandit. Sortant du monde de la cour, la littérature va devenir le bien de tous.

   Le roman de type occidental s'impose : en 1929, le Prince Akat Damkoeng dans le Cirque de la vie raconte un impossible amour entre l'Orient et l'Occident ; en 1930, Dokmaisot, première romancière moderne thaïlandaise, s'impose avec Quelqu'un de bien. Avec l'instauration d'une monarchie constitutionnelle en 1932 s'accentue l'introduction de thèmes sociopolitiques développés par Sri Burapha, Malay Chuphinit et plus tard Kukrit Pramoj. Alors que Phya Anuman s'attache à sauvegarder la culture thaï, des romancières touchent un grand nombre de lecteurs en dépeignant la société en évolution : Kritsana Asoksin, Botan, Suwanni Sukhontha qui exprime un pessimisme forcené dans Il s'appelait Kant, au réalisme pesant. La poésie, où le message social remplace parfois le merveilleux, n'est pas délaissée : Angkarn Kalyanapong, Naowarat Pongpaibun s'y distinguent. Si, avec des alternances de libre expression et de censure, la littérature engagée, où s'illustre Chit Phumisak, se propage surtout dans les milieux intellectuels, les ouvrages ayant pour cadre la société nouvelle, les rapports nouveaux entre hommes et femmes, pauvres et nantis, citadins et paysans, encore unis ou liés par la notion bouddhique du karma, attirent une majorité de lecteurs. Les écrivains contemporains s'expriment dans un style de plus en plus personnel en intégrant la langue parlée dans la langue écrite, et, à la recherche de trames originales, présentent les problèmes d'une époque où les valeurs anciennes sont encore sous-jacentes mais ont perdu de leur impact. La création de prix littéraires, l'importance récente des tirages et des rééditions, la présence de critiques littéraires comme Suchat Sawatsri dans Lok Nangsu, le nombre sans cesse croissant d'auteurs issus de couches sociales de plus en plus diverses attestent la vitalité de cette littérature.