Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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populaire (littérature) (suite)

Les différents genres

Rejetées du domaine de la littérature reconnue, ces œuvres ne constituent pas un ensemble uniforme. Plusieurs genres connurent des fortunes diverses selon les époques. Les débuts de cette littérature populaire sont marqués par des romans de terreur, héritiers des romans noirs anglais, et les récits fantastiques vont se développer tout au long du XIXe siècle (des contes d'Edgar Allan Poe au Dracula de Bram Stoker) et prospérer au XXe (Jean Ray, Howard P. Lovecraft, Richard Matheson, Stephen King, Anne Rice). À côté de cette permanence, un autre genre comme le roman historique connaît des périodes d'éclipses. Il apparaît avec Walter Scott, et, en France, Alexandre Dumas lui donne toute son ampleur, suivi de nombreux auteurs aujourd'hui oubliés (comme Edmond Ladoucette ou Paul Mahalin). Au début du XXe s., Michel Zevaco relance le genre, en particulier avec la série des « Pardaillan » (1902). Puis, après une nouvelle éclipse, les années 1950 verront un retour du roman historique avec des séries comme « Marie des Isles » (Robert Gaillard) ou « Angélique » (Anne et Serge Golon).

   Le roman d'aventures, où l'exotisme sert de cadre à des événements divers, s'est longtemps appuyé sur les explorations et découvertes, proposant tout au long du XIXe s. des voyages dans le cœur de l'Afrique (H. Rider Haggard, Edgar Rice Burroughs) ou de l'Amérique (Fenimore Cooper, Gustave Aimard, James O. Curwood, T. Mayne Reid), à la recherche d'îles mystérieuses (Jules Verne, Robert Stevenson) ou dans les contrées polaires (Louis Boussenard, Emilio Salgari, Jean Kéry). Ce roman d'aventures a donné naissance à des surgeons tels que le western (Georges Fronval, Albert Bonneau et ses « Catamount ») ou le roman d'espionnage (John Buchan, Pierre Nord, Eric Ambler, Ian Fleming et ses « James Bond », Jean Bruce et la série des « OSS 117 », Gérard de Villiers et son « SAS »).

   Tout en se maintenant, certains genres ont évolué d'un siècle à l'autre. Il en est ainsi de la science-fiction, qui naît parallèlement en France et en Angleterre avec J.-H. Rosny (les Xipéhuz, 1887), Georges Le Faure (Aventures extraordinaires d'un savant russe, 1888), Danrit (la Guerre de demain, 1889-1896) et H. G. Wells (la Guerre des mondes, 1898). Les récits de science-fiction rationalisent les thèmes des contes merveilleux : déplacement dans le temps ou dans l'espace, rencontre avec des êtres monstrueux, métamorphoses. Si les premières œuvres ont projeté dans l'espace les ingrédients du roman d'aventures (E. R. Burroughs, Jack Williamson, Gustave Le Rouge, Clifford Simak, Alfred E. Van Vogt) ou les ont associés aux procédés de l'anticipation (Robert Heinlein, Arthur C. Clarke, Isaac Asimov, Ray Bradbury, René Barjavel), le genre a évolué dans de nombreuses directions au cours du XXe s. Un courant de science-fiction populaire s'est maintenu : ainsi, en France, la collection « Anticipation » (Fleuve noir), créée en 1951 et qui a atteint son 2001e volume en 1997, est particulièrement représentative.

   De même, le roman social (F. Soulié, E. Sue) devient peu à peu roman criminel (Ponson du Terrail, Féval), s'inspirant de faits-divers, de chroniques des tribunaux ou de Mémoires comme ceux de Vidocq, ancien forçat devenu authentique chef de la police. Le roman judiciaire apparaît en France, par touches susccessives, au début du XIXe s., et deviendra roman policier (Gaboriau avec l'Affaire Lerouge en 1865 ; Fortuné du Boisgobey, le Crime de l'omnibus, 1882 ; Élie Berthet, l'Assassin du percepteur, 1877 ; Pierre Sales). Dans ces romans, la poursuite et l'enquête vont prendre une importance extrême. Au XXe siècle, plusieurs courants se développent. L'un d'eux repose sur une énigme résolue par la déduction d'un détective ou d'un policier comme chez Arthur Conan Doyle (Sherlock Holmes), Leroux (Rouletabille), Agatha Christie (Hercule Poirot), Georges Simenon (Maigret), John D. Carr, Ellery Queen. L'autre, le roman policier noir, met l'accent sur l'action et l'atmosphère : Dashiell Hammett, Raymond Chandler, John Goodis, James H. Chase. En France, ces romans traduits dans la « Série noire » à partir de 1945 créent un style d'écriture que reprennent Léo Malet, Albert Simonin ou encore Frédéric Dard. Il existe un roman policier dont l'intrigue joue sur le suspense et qui peut parfois être centré sur la victime plutôt que sur l'enquêteur : Boileau-Narcejac, Patricia Highsmith, P. D. James s'inscrivent dans cette ligne.

   Le roman sentimental présente également une certaine continuité dans le temps. Il naît lui aussi du roman social, s'orientant parfois sur les malheurs de femmes victimes de la société (J. Mary, É. Richebourg), et paraît surtout dans la presse catholique. L'Ouvrier et la Veillée des chaumières voient apparaître les noms de Zénaïde Fleuriot, de Marie Maréchal, de Mathilde Bourdon, de Maryan. Puis des collections spécialisées prennent le relais, publiant de nombreux petits récits d'auteurs aujourd'hui oubliés, à l'exception de Delly, de Max du Veuzit et de Magali, qui seront détrônés dans les années 1980 avec l'arrivée des productions en série des éditions Harlequin.

Une paria-littérature ?

Derrière la pluralité des littératures dites « populaires », il serait possible de trouver certaines constantes, telles que la série comme mode de production et l'inscription du texte dans un genre comme principe d'organisation. À ces deux aspects s'ajoutent parfois des traits d'écriture liés à la contrainte de la commande : les exigences de volume et l'urgence de la remise expliquent le recours aux dialogues (on tire à la ligne) et l'expansion du récit en épisodes et en sous-récits enchâssés.

   La littérature populaire se donne avant tout pour but de distraire le lecteur, de lui proposer une lecture facile, rapide et à usage unique. En cela, elle s'opposerait bien à une littérature élitiste de lecture lente, âpre et pouvant être renouvelée. Toutefois, la fin du XXe s. a été marquée par un début de légitimation de cette littérature populaire, dont certains textes sont réédités dans des collections prestigieuses. Des essais, des revues spécialisées, des colloques universitaires témoignent d'un renouveau d'intérêt à son égard.