Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
F

Frashëri (Sami)

Écrivain albanais (Frashër 1850 – Istanbul 1904).

Journaliste à Istanbul, il fonda en 1879 la « Ligue de Prizren », avec l'orthodoxe Jani Vreto et le catholique Pashko Vasa. Il élabora un alphabet, dit « de Stambol », dans lequel il publia des ouvrages scolaires. Rédacteur du journal Drita (la Lumière), remplacé plus tard par Dituria, il lança avec l'Albanie, ce qu'elle est, ce qu'elle a été, ce qu'elle sera (1899) le manifeste de la « Renaissance » albanaise.

Frayn (Michael)

Écrivain anglais (Londres 1933).

Auteur de comédies et de pièces pour la télévision, il cherche à montrer l'envers de la société en situant ses intrigues dans des décors inhabituels (une bibliothèque pour Ordre alphabétique, 1975 ; un stand d'exposition pour Faire et détruire, 1980 ; un théâtre durant une répétition pour Bruits en coulisses, 1982). On lui doit aussi des romans pleins de verve sur des sujets moroses (drogue, féminisme, médias) ou sur les fantasmes contemporains (Vers la fin de la matinée, 1967 ; Une vie très privée, 1968 ; Doux Rêves, 1973 ; Tête baissée, 1999).

Frédéric II

Roi de Prusse et écrivain d'expression française (Berlin 1712 – Potsdam 1786).

Élevé par un précepteur et une gouvernante descendant de Français émigrés après la révocation de l'édit de Nantes, il fut, malgré son père, un grand lecteur de romans ; il découvrit le monde dans le Télémaque de Fénélon et la morale dans Racine. En rapport épistolaire avec Voltaire dès 1736, il le fit venir à sa cour (1750-1753). Il restaura l'Académie de Berlin, devant laquelle il présenta plusieurs mémoires et dissertations, dont De la littérature allemande (1780), critique féroce d'une langue « à demi barbare » et d'écrivains sans consistance qui se passionnent pour les pièces de Shakespeare, « ces farces ridicules dignes des sauvages du Canada » : il ne comprit rien à Goethe et condamna Götz von Berlichingen. Auteur d'Odes exécrables, d'une épopée burlesque (le Palladion), d'un poème didactique laborieux (l'Art de la guerre), Frédéric vaut moins par ses traités historiques (Anti-Machiavel, 1740) que par ses Mémoires (Histoire de mon temps, publiée en 1788), ses petits essais (Examen critique du système de la nature, 1770) ou pamphlets politiques, et sa volumineuse Correspondance. Ce souverain, plus réaliste que philosophe, ne se laissa jamais influencer par ses conseillers littéraires dans les affaires intéressant l'expansion de son royaume.

Freeman (Richard Austin)

Écrivain anglais (Londres 1862 – Gravesend, Kent, 1943).

Médecin, comme Conan Doyle, il créa le personnage du détective John Thorndyke et orienta le roman policier vers le  roman-problème, qui privilégie la  construction logique  et la résolution de l'énigme au détriment du récit (l'Empreinte sanglante, 1907 ; l'Affaire d'Arblay, 1926). Il utilisa également le pseudonyme de Clifford Ashdown, en collaborant avec James Pitcairn. Son Art du roman policier (1924) expose avec clarté la théorie du roman-problème.

Freidank

Poète allemand (première moitié du XIIIe s.).

Il composa v. 1215-1230 un recueil de sentences, Discernement, dont les sources sont variées (la Bible, auteurs classiques ou contemporains, proverbes populaires), et qui aborde tous les problèmes, religieux, moraux, pratiques et même politiques, donnant ainsi un tableau très complet de la société de son temps. Sans récuser explicitement l'idéal courtois, Freidank marque l'avènement d'une littérature bourgeoise en Allemagne. Son ouvrage eut un succès durable, comme l'atteste le nombre des manuscrits et des rééditions après que Sebastian Brant l'eut adapté et imprimé en 1508.

Freiligrath (Ferdinand)

Poète allemand (Detmold 1810 – Cannstatt, Stuttgart, 1876).

D'abord hostile aux poètes engagés de l'opposition démocrate, il finit par rallier leur cause (Une profession de foi, 1844), renonce à la pension que lui versait le roi de Prusse et choisit l'exil. Ses poèmes du Ça ira (1846), puis les Morts aux vivants (1848) ont fait de lui le « clairon de la révolution ». Il collabore jusqu'en 1849 à la Neue Rheinische Zeitung de Karl Marx. Les victoires de 1870 réveillent son lyrisme (Nouveaux Poèmes, 1876) sans entraîner son adhésion au Reich de Bismarck. Il incarne pour la postérité l'esprit de rébellion du Vormärz.

Frénaud (André)

Poète français (Montceau-les-Mines 1907 – Paris 1993).

« Le sable coule de mon visage » : ce vers du premier recueil de Frénaud, les Rois mages (1943), peint l'homme prisonnier en Allemagne, mais il définit aussi le poète, jamais libéré, et qui ne peut que dire : « Quand je remettrai mon ardoise au Néant. » Après l'Énorme Figure de la déesse Raison (1943-1944), Poèmes de dessous le plancher (1949) et les Paysans (1951), Il n'y a pas de paradis (1962) scande le refus, le silence, le « rien », qui sont eux-mêmes un « échange infini » avec le refus et le silence de l'être. Le poète vaincu, face à la vie, aux « choses simples », n'abandonne pas : sans but, il crie sa fierté désespérée et la dérision du monde. Le poème est sarcasme et tendresse : « machine inutile », il est inacceptable et inaccepté (la Sainte Face, 1968 ; Depuis toujours déjà, 1970 ; la Sorcière de Rome, 1973 ; Haeres, 1982 ; Nul ne s'égare, 1986).

frénétique

Le courant « frénétique » en littérature correspond à l'exaltation de toutes les puissances de l'homme, hors du contrôle de la raison et des lois morales ou sociales. Il se caractérise par l'exaspération de la sensibilité ou de la sensualité, le refus des conventions qui pourraient entraver le libre jeu de l'imagination, la recherche d'une expression renouvelée apte à rendre compte des expériences extrêmes, au risque parfois d'être grand-guignolesque. Analysée avec curiosité par les philosophes des Lumières, la « frénésie » traverse la littérature « sensible » du XVIIIe siècle pour trouver son expression la plus aboutie chez Sade. Mais il revient à l'époque romantique, avec l'apport fantastique du « roman noir » anglais, d'en avoir fait un principe esthétique qui trouve ses expressions les plus intéressantes chez Nodier (Jean Sbogar, 1818 ; Smarra, 1821), les jeunes Balzac (le Centenaire, 1822) et Hugo (Han d'Islande, 1825), mais aussi dans l'école que constituent Petrus Borel, O'Neddy, Philarète Chasles, voire Xavier Forneret. Alors que, chez Baudelaire, l'inspiration frénétique est en tension avec la quête d'un beau idéal, elle atteindra un crudité renouvelée avec Lautréamont et trouvera de nombreux héritiers chez les écrivains fin-de-siècle puis les surréalistes. Hanté par la figure de Satan, travaillé par l'idée d'ambiguïté, le frénétique use de références conventionnelles pour les inscrire dans des situations paradoxales ou extrêmes qui permettent d'en révéler les potentialités esthétiques nouvelles. On trouve, dans cette démarche, l'évidence d'une interrogation souvent désespérée des contradictions qui torturent un moi tenté par toutes les perversions mais aussi et surtout d'un langage confronté à ses incapacités expressives.