Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Chevreau (Urbain)

Écrivain français (Loudun 1613 – id. 1701).

Secrétaire de la reine Christine (1652-1672), puis précepteur du duc du Maine, il est l'auteur de romans (Scanderbeg, 1644 ; Hermiogène, 1648), de Poésie (1656) d'inspiration mariniste, de comédies (l'Avocat dupé, 1637), de tragédies et de tragi-comédies (la Suite et le Mariage du Cid, 1638 ; Hydaspe, 1645). Mais son importance tient à ses Lettres (1642) et à ses Remarques sur les œuvres poétiques de M. de Malherbe (1660), dans lesquelles il se montre un remarquable comparatiste et l'un des premiers théoriciens du classicisme.

Chevtchenko (Tarass)

Poète ukrainien (Moryntsi, auj. Zvenyhorod, 1814 – Saint-Pétersbourg 1861).

Fils de serfs, émancipé (1838) grâce au peintre Brüllov, dont il devient l'élève, il offre dès ses premiers poèmes une vision romantique et populaire, mais déjà porteuse de critique sociale, de l'Ukraine et de son passé (la Folle, Kateryna, 1838 ; les Haïdamaks, 1841). Son premier recueil poétique, le Kobzar (1840) fut salué par la critique russe progressiste (Bielinski), sensible à son inspiration authentiquement populaire et à sa sincérité. Au contact des réalités sociales, sa pensée se radicalise et son œuvre, qui dénonce le servage et l'oppression nationale (le Rêve, Caucase, la Sorcière, 1844-1847) et appelle à la révolte les peuples slaves (l'Hérétique, Testament, 1845), ne circulera plus qu'en copies manuscrites (Trois Ans, 1845). Affilié à la confrérie secrète « Cyrille et Méthode », d'idéologie démocratique et panslaviste, il est arrêté en 1847, déporté à Orsk, puis à Novopetrovsk, privé du droit d'écrire et de peindre : il n'abdique pas, mais exhale sa nostalgie, flétrit l'autocratie (les Rois, 1848) et compose en russe des récits autobiographiques (le Musicien, l'Artiste, 1854-1856). Amnistié (1857), la santé ruinée, il rallie le camp démocrate, exalte ses martyrs (les Néophytes, 1857), prêche l'abolition du servage et prophétise un avenir meilleur (le Songe, 1858). Il compose une édition augmentée du Kobzar, mais celle-ci ne parut intégralement qu'en 1876 à Prague (avec les poèmes interdits par la censure russe). Il est considéré comme le père de la littérature nationale ukrainienne.

Cheyney (Reginald Evelyn Peter Southouse-Cheyney, dit Peter)

Écrivain anglais (Londres 1896 – id. 1951).

Parallèlement à Lemmy Caution, agent du F.B.I. qui inaugura la Série noire et devint un succès au cinéma (Cet homme est dangereux, 1936 ; la Môme Vert-de-Gris, 1937), il créa un privé londonien cynique, Slim Callaghan (Le bourreau est pressé, 1938 ; les Courbes du destin, 1939). Il aborda aussi l'espionnage (Duel dans l'ombre, 1942 ; la Dame en noir, 1948).

Chi Li

Romancière chinoise (née en 1957).

De son expérience de médecin, elle tire une connaissance vraie du vécu des gens simples, qui lui inspirent les personnages de ses courts romans. Depuis qu'elle se consacre exclusivement à la littérature, elle apparaît comme une des représentantes de l'esthétique néoréaliste née à la fin des années 1980 : témoin de l'effondrement de l'humanisme prolétarien et de ses valeurs, Chi Li décrit des citadins écrasés par la nouvelle société, en proie à tous les déchirements d'une vie chaotique (couple miné par la rancœur dans Trouée dans les nuages, 1997 ; petites gens harcelés par les difficultés du quotidien, découvrant avec effroi l'insécurité, la précarité, le chômage dans Triste Vie, 1987 ; Pour qui tu te prends ?, 1995), le tout au moyen d'une écriture minimaliste, avec une lucidité sans bienveillance.

Chiari (Pietro)

Écrivain italien (Brescia 1711 – id. 1785).

La rivalité qui l'opposait à Goldoni passionna le public vénitien. Ses pièces faisaient souvent écho aux comédies de Goldoni (le Philosophe vénitien, 1754). Ses romans licencieux et larmoyants (la Philosophe italienne, 1753 ; la Française en Italie, 1759) eurent autant de succès.

Chibli (Abu Bakr Dulaf b. Djahdar al-)

Mystique arabe (861 – Bagdad 945).

Il fut attiré par le soufisme et se lia avec al-Halladj. Affectant l'excentricité, voire la folie, il se complut à de courts poèmes ou aphorismes, d'accent paradoxal, appelés à un grand avenir dans la littérature soufie.

Chidyaq (Ahmad Faris al-)

Écrivain libanais (Achqût 1804 – Istanbul 1887).

Humaniste, maronite converti au protestantisme puis à l'islam, il séjourna en Égypte (1825-1834), où il fut rédacteur au Journal officiel al-Waqâ'i' al-misriyya, à Malte, à Londres, où il participa à la traduction de la Bible en arabe (1848), à Paris et à Tunis, puis il s'installa à Istanbul, où il fonda (1860) le journal al-Jawâ'ib. Son célèbre Une jambe sur l'autre, (1855), inclassable, autobiographique, parodique et facétieux, est salué par beaucoup comme le premier roman arabe moderne. Il a laissé aussi des travaux lexicographiques, des études critiques, un Dîwân de facture classique et des récits de voyages.

Chiesa (Francesco)

Écrivain suisse de langue italienne (Sagno 1871 – Lugano 1973).

Au cours d'une vie de poète (Prélude, 1897 ; Calliope, 1903-1907 ; les Feux du printemps, 1919), de romancier, de publiciste, d'historien d'art, d'enseignant, il a plus que tout autre marqué de son empreinte le climat intellectuel de la Suisse italienne. L'originalité et le succès de son roman de jeunesse Giboulées de mars (1925) tiennent surtout au fait que le Tessin y prend la dimension littéraire du paysage italien, et que l'auteur se tourne vers son propre passé. Chiesa est toujours demeuré fidèle à la peinture de son champ d'expérience personnel, aux paysages de sa région et à leurs habitants, comme en témoignent ses nouvelles (Contes de mon jardin, 1929 ; Récits d'un passé proche, 1941-1943).

Chikamatsu Monzaemon (Sugimori Nobumori, dit)

Auteur dramatique japonais (Fukui 1653 – Osaka 1724).

Né à Fukui en Echizen, dans une famille de guerrier, Chikamatsu monte, quand son père perd son poste, à Kyoto et entre au service de maisons de l'aristocratie, ce qui le met au contact avec la culture de cour, ainsi qu'avec le joruri, qui y est en faveur. Il publie de premiers haikai dès 1671 au sein d'un recueil collectif. En 1683, il compose pour le récitant de ningyo-joruri, Uji Kaga no jo, la première pièce qui lui soit attribuée de façon indiscutable, l'Héritier des Soga. Elle sera reprise l'année suivante par le récitant Takemoto Gidayu pour l'inauguration de son théâtre d'Osaka. La même année 1684, Chikamatsu écrit pour le grand acteur Sakata Tojûro le Septième Anniversaire de la mort de Yugiri. Pendant une vingtaine d'années, il se consacrera en priorité au kabuki, devenant en 1695 l'auteur attitré de la salle que Tojuro dirigeait à Kyoto. Au contact du grand acteur, il approfondit sa réflexion sur l'art théâtral et fait preuve d'un réalisme jusqu'alors inconnu du kabuki.

   L'énorme succès de Double Suicide à Sonezaki, en 1703, détermine la suite de sa carrière. La pièce, premier drame de marionnettes à traiter d'un sujet contemporain et bourgeois (sewa-mono), met en scène un fait divers récent : Tokube refuse d'épouser la nièce de son patron par fidélité pour la courtisane O-Hatsu, mais doit renoncer à racheter celle-ci, victime qu'il est d'une escroquerie de la part de Kyuhe, son ami. Les deux amants n'ont d'autre issue que la mort. La fatalité qui broie les personnages réside dans la conjonction des forces économiques et sociales qui écartèlent les amants entre l'amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre et les obligations dont ils sont redevables à leurs proches. Ce conflit est exprimé de façon particulièrement saisissante dans la relation triangulaire de Double Suicide à Amijima (1721), où le mari, la maîtresse et l'épouse se trouvent unis par un réseau complexe d'obligations mutuelles.

   Devenu en 1706 auteur attitré du Takemoto-za d'Osaka, Chikamatsu est le second personnage de la troupe et bénéficie d'un traitement confortable. Malgré la mort de l'illustre récitant (1714), Chikamatsu connaîtra en 1715 le plus grand succès de sa carrière avec les Batailles de Coxinga, drame historique à la mise en scène spectaculaire, qui sera suivi de nombreux autres chefs-d'œuvre, tant dans le drame historique (Shunkan, 1719) que dans le drame bourgeois (Meurtre d'une femme, un enfer d'huile, 1721).

   Utilisant toutes les ressources sonores et rythmiques de la prose poétique du joruri enrichie de nombreuses réminiscences classiques, mais aussi toute la vivacité et la variété de la langue de son temps, Chikamatsu crée un univers poétique et théâtral nouveau, sans cesser d'être un auteur populaire. S'il continue à illustrer le genre historique, c'est par le drame bourgeois, haussé au rang d'un véritable théâtre tragique, qu'il marque avant tout sa place dans l'histoire de la littérature.