roman (suite)
Roman et récit
Le récit, devenu par le roman fin en soi, fait que le genre pose des problèmes spécifiques d'interprétation. La tradition critique contemporaine se partage entre une narratologie (qui tente de dire une poétique du roman à partir de la Poétique d'Aristote et des hypothèses de la linguistique, de la sémantique, de la sémiologie) et l'analyse de cette finalité propre de la narration romanesque, qui conduit à l'examen de la fonction du roman et à son inscription différentielle dans l'ensemble des genres littéraires. Ce partage méthodologique ne se distingue pas de la recherche d'une propriété axiologique du roman, ni de sa pertinence sociale ou sociologique. La narratologie et la rhétorique de la fiction romanesque marquent que le texte romanesque se constitue en ensemble autonome : l'organisation du texte, les rapports entre argument et description, entre personnages, actions et événements contribuent à cette autonomie au moyen de techniques spécifiques (focalisation ; statuts divers du monologue ; hiérarchie et montage des séquences actantielles). Ces recherches ont pour constante de rapporter le roman à une sémantique de l'action (le roman est ainsi passible, comme tout récit, d'une analyse suivant la triade : sujet, verbe, complément), à une typologie des actants et à une distribution sémique, qui permet de donner une classification unitaire des éléments de l'œuvre, souvent transversale à ce que dit la lettre du texte. Cette narratologie s'achève dans les usuelles questions esthétiques : frontières du vraisemblable, composition même du roman où il faut distinguer la suite des événements et des actions dans leur ordre chronologique et leur présentation suivant les parcours latéraux et les effets voulus par le romancier. Il n'y a pas là, de fait, d'approche spécifique du roman : le romanesque se défait dans le narratif. Malgré les propositions unitaires de la narratologie, il faut donc distinguer récit et roman : l'un considère l'événement en tant qu'il a lieu, fût-ce de manière rétrospective ; l'autre rapporte ce qui a eu lieu, hors de l'exposé d'une dynamique interne des événements. Le récit resterait essentiellement conceptuel dans la mesure où, traitant d'un acquis, il serait inévitablement réflexif ; le roman substitue à l'ordre d'exposition ou de motivation conceptuel un ordre de production, qui renverse la hiérarchie de l'agissement et de l'événement et établit le primat de l'agent hors de toute légalité attachée à l'événement même. Dans le partage des pratiques littéraires, le récit introduit historiquement au roman dans la mesure même où l'événement fonde l'épreuve et l'aventure : l'exposé de la production du fait (tel est le cas du roman grec) se confond avec la juxtaposition d'une série d'événements, coordonnés par le narrateur, mais encore unis par la reprise ou la similitude des personnages – début de mise en perspective génétique.