Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Luther Blissett Project

Pseudonyme de quatre écrivains italiens contemporains.

À l'origine, Luther Blissett s'exprimait sur la Toile et dans la rue. Véritable production collective, en lutte contre le concept de propriété intellectuelle, elle permettait à tous d'utiliser ce pseudonyme pour défendre leurs idées. Quatre écrivains, dont on ne connaît pas l'identité, se sont alors investis dans la littérature avec ce même esprit (l'Œil de Carafa, 1999, étrange récit sur le XVIe s., mi-historique mi-spy-story ; Ennemis de l'État : criminels, « monstres » et lois spéciales dans la société de contrôle, 1999). Totò, Peppino et la guerre psychique, 1996 et 2000, met fin à ce projet pour commencer de nouvelles aventures sous le nom plus collectif de Wu Ming (en chinois « sans nom ») qui a publié 54, en 2002.

Luthuli (Albert John)

Homme politique et écrivain sud-africain d'expression anglaise (Bulawayo, Rhodésie, 1898 – Stanger 1967).

Zoulou, fils d'un missionnaire protestant, il est connu pour le rôle qu'il a joué, entre 1952 et 1962, à la tête de l'African National Congress. Fortement influencé par la pensée indienne, il s'est fait l'apôtre d'une opposition non violente à la politique d'apartheid ce qui lui a valu en 1960 le prix Nobel de la paix. Il est l'auteur d'un ouvrage autobiographique (Liberté pour mon peuple, 1962) dans lequel il évoque son combat contre l'injustice et la discrimination raciale.

Luts (Oskar)

Écrivain estonien (Järvepere 1887 – Tartu 1953).

Il connut une immense popularité grâce à ses récits autobiographiques et pleins d'humour sur l'école rurale (le Printemps, 1912-1913 ; l'Été, 1918-1919 ; les Noces de Toots, 1921). Dans ses romans ultérieurs, dont l'action se déroule en milieu urbain, il cultive un réalisme sentimental et bon enfant (la Vie d'Andrès, 1923 ; l'Élève Valter, 1927 ; Dans l'arrière-cour, 1933). Il a laissé 13 volumes de Mémoires.

Luxembourg

Si le grand-duché de Luxembourg est un pays strictement unilingue du point de vue de la communication orale (entre indigènes on ne parle que le luxembourgeois), il est trilingue quant à l'expression écrite (luxembourgeois, allemand, français). La conséquence de cette situation linguistique inhabituelle est un fait non moins intéressant : l'existence de trois littératures qui toutes les trois peuvent se prévaloir d'une tradition plus que séculaire. En effet, si l'on regarde le grand-duché actuel non comme unité territoriale et politique, mais comme le reste d'un ensemble politique, culturel et ethnique beaucoup plus vaste tel que l'était l'ancien duché de Luxembourg, on peut considérer Hermann von Veldenz – qui a écrit vers 1290 un poème épique de 5 963 vers en moyen haut allemand, retraçant la vie de la princesse Yolande de Vianden – comme le fondateur à la fois de la littérature d'expression allemande et (la langue standardisée étant inexistante) de la littérature dialectale. Pareillement, les virelais, ballades et rondeaux de Wenceslas Ier, duc de Luxembourg et de Brabant, le « gentil duc » (1353-1383), que Jean Froissart a publiés dans son Méliador peuvent être tenus pour les premières traces d'une littérature d'expression française en Luxembourg. Mais ce n'est que tardivement, dans la seconde moitié du XIXe s., que les trois littératures prennent leur véritable essor.

Littérature d'expression française

Tous les historiens de la littérature luxembourgeoise d'expression française sont d'accord pour considérer Félix Thyes (1830-1855) comme le premier véritable auteur luxembourgeois en langue française : il fut l'ami intime de Charles De Coster, qui participa à l'édition posthume de son roman Marc Bruno, profil d'artiste (1855). Félix Thyes est en même temps le premier historien de la littérature dialectale luxembourgeoise par un essai paru en 1854 à Bruxelles dans la Revue trimestrielle. Après lui, J.-E. Buschmann (1814-1853), auteur de ballades, d'odes et de satires, Félix Servais (1872-1916), qui ne pouvait se défaire d'un classicisme épigonal, Étienne Hamelius (1856-1929), auteur des Scènes de la vie des Ardennes, et Charles Kayser (1867-1887) composent le panorama de la littérature luxembourgeoise d'expression française au XIXe s.

   C'est une deuxième génération qui produira ce véritable « connétable des lettres » françaises à Luxembourg que fut Marcel Noppeney (1877-1966) : il domina pendant un demi-siècle la littérature luxembourgeoise de langue française, moins par son lyrisme qui joue tout à la fois du néoromantisme, du symbolisme et du réalisme parnassien (le Prince d'avril, 1907) que par la précision et la verve voltairienne de sa prose. Paul Palgen (1883-1966), en revanche, est un grand poète qui, de la Route royale (1917) à Guanabara (1933), s'inscrit dans la double lignée des Rimbaud et des Verhaeren. À leurs côtés, Nicolas Ries (1876-1941), fondateur de la revue bilingue les Cahiers luxembourgeois, est le romancier du Diable aux champs (1937) et de Sens unique (1940) : peintre de la vie quotidienne paysanne et citadine, il fait contraste avec l'idéalisme de Willy Gilson (1891-1974), porté à la méditation philosophique (À la recherche de l'amour perdu, 1940 ; Je maintiendrai, 1947 ; Cora ou les Brigands livresques, 1952) et avec Nicolas Konert (1891-1977), conteur savoureux et sans détours. Dans le domaine de la critique avec Joseph Hansen (1874-1952), grand animateur de l'« Alliance française », qui popularisa l'œuvre des grands auteurs romantiques à Luxembourg, se distinguent Matthias Esch (1882-1928), Matthias Tresch (1876-1942) et Charles Becker (1881-1952), auteur d'essais sur Maupassant.

   Une « nouvelle vague », dont la doyenne, Ry Boissaux (née en 1900), s'est consacrée à la littérature enfantine, apparaît avec un poète comme Edmond Dune (né en 1914) et les romanciers Joseph Leydenbach (né en 1903), conteur qui sait camper des personnages, et Albert Borschette (1920-1976), qui dresse le bilan des aventures, des rêves et des déceptions de la « génération sacrifiée » (Continuez à mourir, 1959). Cette génération, d'autre part, produit deux remarquables essayistes : Léon Thyes (1899-1979), qui, sous le pseudonyme de Jean-Marie Durand, tint une rubrique écoutée dans le quotidien Luxemburger Zeitung, et Alphonse Arend (né en 1907), qui fit connaître ses « Perspectives » dans le supplément culturel du Luxemburger Wort. Tony Bourg (né en 1912) s'est fait une réputation comme historien de la littérature française par ses études sur le cercle littéraire des Mayrisch à Colpach et le séjour de Victor Hugo à Luxembourg. Parmi les talents plus récents, on retiendra Marc Elter (né en 1935) pour son théâtre, Rosemarie Kieffer (née en 1932) pour ses nouvelles, les poètes Marcel Gérard (né en 1915) et Anise Koltz (née en 1928), Anne Berger, Pierre Roller, René Welter, Marion Blaise. Claude Conter (né en 1929) est le maître de l'aphorisme et du genre épistolaire, tandis que l'historien Joseph Goedert et le critique d'art Joseph-Émile Müller méritent une place dans toute histoire de la littérature luxembourgeoise d'expression française.

Littérature d'expression allemande

La littérature luxembourgeoise d'expression allemande débute véritablement avec Nicolas Welter (1871-1951), qui fut pour la littérature d'expression allemande ce que Marcel Noppeney fut pour la littérature française en Luxembourg : auteur de la première histoire de la littérature luxembourgeoise en haut allemand et en luxembourgeois (Littérature allemande et dialiectale au Luxembourg, 1929), il a touché tous les genres littéraires et écrit en allemand une histoire de la littérature française (Histoire de la littérature française, 1909-1928).

   Le premier romancier de la littérature d'expression allemande est Jean-Pierre Erpelding (1884-1977). Son œuvre, influencée par le naturalisme, tourne autour de deux pôles : la peinture de l'âme paysanne, matérialiste et mystique à la fois, et la recherche de l'identité nationale luxembourgeoise. Dans ses nouvelles, Nicolas Hein (1889-1969) se révèle, tout comme Erpelding, tiraillé entre deux cultures (En chemin, 1939 ; le Traître, 1948). La poésie moderne fait son entrée dans la littérature de langue allemande avec Paul Henkes (né en 1898) : l'Olivier et le Prunellier (1968), Grille et Harpe (1977), Albert Hoefler (1899-1950) et Jean-Pierre Decker (1901-1972). Pol Michels (1897-1956) s'inscrit dans la lignée de Heine et de la « Neue Sachlichkeit » (ou « Nouvelle objectivité ») : Panorama (1933). Parmi les auteurs qui ont commencé à écrire immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, Anise Koltz se place dans la lignée d'Ingeborg Bachmann, de Günter Eich, de Paul Celan et de Karl Krolow. Le roman est représenté par Fernand Hoffmann (né en 1929), qui retrace dans la Frontière (1972) le calvaire des Luxembourgeois pendant les années de guerre et qui, dans Enquêtes après-coup (1981), montre les multiples faces de la trahison et de la collaboration, du courage et de la lâcheté. Parmi les auteurs plus jeunes, Cornel Meder (né en 1938) s'est fait connaître comme poète, prosateur et éditeur. Michel Raus (né en 1939) et Georges Hausemer (né en 1957) sont avant tout des poètes, comme Josy Braun (né en 1938), plus engagé.