Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Winterson (Jeanette)

Écrivain anglais (Manchester 1959).

À 15 ans, après une relation lesbienne, elle quitte ses parents adoptifs. Les Oranges ne sont pas les seuls fruits (1985), son premier roman, est largement autobiographique, puisque l'héroïne adolescente s'y libère peu à peu de l'austérité familiale en découvrant son homosexualité. La thématique lesbienne revient dans la plupart des œuvres de Winterson ; au nom de la quête et de l'affirmation de soi, la romancière s'oppose à tous les puritanismes et à toutes les tyrannies. Elle aime faire se rencontrer le passé et le présent : le Canotage pour débutants (1989) réécrit le mythe du Déluge ; la Passion de Napoléon se situe durant les guerres du début du XIXe siècle, tandis que le Sexe des cerises fait dialoguer le XVIIe siècle avec le monde moderne. Art et mensonges : pièce pour trois voix et une ribaude (1994) présente une réflexion sur l'art au féminin. Winterson aime intercaler des textes « parasites », fables ou contes de fées, entre les chapitres de ses romans.

Winther (Christian)

Poète danois (Fensmark 1796 – Paris 1876).

Dans ses Poèmes (1828 et 1832), il crée une place à part pour des « gravures sur bois » ou plus exactement des tableaux de genre ou des idylles de la vie paysanne. Mais c'est en chantre de l'amour que Winther atteint le sommet de son art, d'un chaste sensualisme servi par une versification virtuose. Les 137 poèmes dédiés à « Une » (Til Een) sont réunis dans le tome III de ses Poèmes complets (1860) ; il y chante la beauté et la grâce de sa femme et aussi la vie quotidienne : par elles, il accède au divin. Son grand romancero la Fuite du cerf (1855), composé d'une série de chants, puise son sujet dans un Moyen Âge de légende.

Wirnt von Grafenberg

Poète allemand (début du XIIIe s.).

Prenant modèle sur ses contemporains Hartmann von Aue et Wolfram von Eschenbach, il est l'auteur de Wigalois ou le Chevalier à la roue, épopée en 11 780 vers (entre 1204 et 1209). Inspiré d'un conte chevaleresque celtique, pourvu d'intentions didactiques, Wirnt veut montrer aux chevaliers comment acquérir à la fois la célébrité terrestre et la faveur divine, tout en dénonçant le déclin de la tradition chevaleresque. Wigalois eut une grande influence sur le Moyen Âge tardif.

Wither (George)

Poète anglais (Bentworth, Hampshire, 1588 – Londres 1667).

Il réagit par la satire à l'immoralité de la cour de Jacques Ier (les Abus mis à nu et fustigés, 1611). L'avers de son puritanisme paraît dans ses pastorales (la Chasse du berger, 1615 ; la Belle Vertu, 1622). Rallié à Cromwell, prophète de la Révolution, il publia des « proverbes » religieux et politiques (1621). Ses Hymnes et Chants de l'Église (1622-1623) précèdent la publication de Mémorial de Bretagne (1628), un long poème sur la peste de 1625.

Witkiewicz (Stanisław Ignacy, dit Witkacy)

Peintre, théoricien de l'art et écrivain polonais (Varsovie 1885 – Jeziory, Volhynie, 1939).

Fils d'un peintre et critique d'art célèbre, Stanisław Witkiewicz (1851-1915), il passe son enfance à Zakopane, dans le milieu artistique et littéraire de la Jeune Pologne, étudie à l'Académie des beaux-arts de Cracovie (1904-1905), dans l'atelier de Mehoffer. Il fait de nombreux voyages, part avec Bronisław Malinowski pour la Nouvelle-Guinée (1914), comme photographe de l'expédition. En tant que citoyen russe (la Pologne est toujours occupée), il doit entrer dans une école pour officiers à Saint-Pétersbourg et combat dans un régiment d'élite. Il étudie la philosophie et expérimente les drogues hallucinogènes. La révolution bolchevique (1917) le traumatise, et ce choc détermine ses idées ultérieures. Il rentre en Pologne, collabore avec l'avant-garde de Cracovie, formule son esthétique générale, fondée sur la « forme pure » (les Nouvelles Formes dans la peinture, 1919 ; Écrits esthétiques, 1922 ; Théâtre, 1923), illustrée par une œuvre critique (les Notions impliquées par la notion de l'existence, 1935) qui, méconnue de son vivant, marquera profondément la littérature un quart de siècle plus tard. Analysant la décadence de la culture occidentale, Witkiewicz lie la fin inévitable des élites et de la bourgeoisie à la disparition de la religion, de l'art et du sentiment du mystère de l'existence. Son œuvre dramatique (Eux, 1920 ; la Métaphysique d'un veau à deux têtes, 1921 ; la Poule d'eau, 1921 ; Dans le petit manoir, 1923 ; le Fou et la Nonne, 1923 ; la Mère, 1924 ; Sonate de Belzébuth, 1925 ; les Cordonniers, 1934) fait de lui le principal représentant du « catastrophisme » polonais. Devançant les visions d'Huxley et d'Orwell, il définit la tragédie du monde par l'impossibilité du vrai tragique. Dans le Petit Manoir est sa pièce la plus populaire. Le seul personnage « normal » est la cousine Annette qui rend visite aux habitants du manoir. Sur scène, on voit surtout le spectre de Nibkow, récemment défunte, qui torture son mari en laissant planer le doute quant au nom de son amant. À la fin de la pièce, tout le monde boit du poison avec délice, le mari rejoint l'épouse. Le commentaire d'Annette, loin de rassurer, annonce de nouveaux délires de l'imagination : « Il n'y a plus de spectres parmi nous. Il n'y a que des cadavres et des gens vivants ? Nous commençons une nouvelle vie. » Chez Wyspiański le langage n'est jamais un exercice gratuit lorsqu'il édifie son œuvre sur les ruines des formes usées, par le pastiche, la caricature. Son premier roman date de 1910, les 622 Chutes de Bungo ou la Femme démoniaque. Witkiewicz considère le roman – une forme fourre-tout pour lui – comme un prétexte à soulever des débats intellectuels, des polémiques, des scandales. Dans l'Adieu à l'automne (1927), il inscrit la plupart des thèmes qu'il aime aborder : une ambiance décadente et l'ennui sont le décor où évoluent l'Existence Particulière qui recherche des expériences métaphysiques et la femme démoniaque, dont même le shah de Perse a été amoureux. L'action se situe dans la Pologne du futur et les combattants parlent avec un accent russe. Dans l'Inassouvissement (1930), l'action se déroule à la fin du XXe s., le pays est en pleine décadence, l'érotisme et les narcotiques connaissent une pleine expansion ; l'armée chinoise menace, son arme la plus terrible est une pilule qui rend les gens obéissants. Witkiewicz critique l'ensemble des courants philosophiques européens (Bergson, Freud, le phénoménologie, le néopositivisme...). Il considère l'homme comme un mystère pour lui-même ; l'expérience la plus importante que peut connaître celui-ci est la faim métaphysique – autrefois comblée par la religion, la philosophie et l'art, mais qui tend à disparaître. La civilisation mène à l'éclatement de la personnalité, à l'assujettissement, à un système de répression dont l'objectif est de créer un être « socialement parfait, un homme mécanique ». La catastrophe est inévitable. Witkacy se suicide le 17 septembre 1939, jour où les Soviétiques envahissent la Pologne.