Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
W

Wittenweiler (Heinrich) , dit aussi Wittenwiler ou Wittenwil

Poète suisse (2e moitié du XIVe – début XVe s.).

Chevalier de la région de Saint-Gall, d'une grande culture littéraire, il écrivit vers 1410 une des œuvres les plus originales de la fin du Moyen Âge germanique : Der Ring (l'Anneau), épopée satirique de près de 10 000 vers. C'est le récit d'une noce qui se termine en mêlée fantastique où des personnages de la légende viennent prêter main forte aux villageois qui se battent. Aux côtés de longues digressions moralisatrices, des péripéties scabreuses parodient les mœurs de la chevalerie et les conventions de la littérature courtoise.

Wittig (Monique)

Romancière et essayiste française (Dannemarie, Haut-Rhin, 1935-Tucson, Arizona, 2003).

Assimilée au Nouveau Roman par l'Opoponax (prix Médicis, 1964), où le « on » enfantin voit naître la conscience de la mort et de l'amour, elle s'engage par la suite dans l'écriture féministe (les Guérillères, 1969 ; le Corps lesbien, 1973 ; Brouillon pour un dictionnaire des amantes, 1975 ; Virgile, non, 1985). Installée aux États-Unis, où elle enseigne depuis 1976, elle prend ses distances avec le M.L.F. (dont elle fut la cofondatrice en 1968) et le féminisme français (Irigaray, Cixous) pour étudier la différence sexuelle comme matrice des systèmes politiques (Paris-la-politique et autres histoires, 1999 ; The Straight Mind and Other Essays, 1992 ; la Pensée Straight, 2001).

Wodehouse (sir Pelham Grenville)

Humoriste américain d'origine anglaise (Guildford, Surrey, 1881 – Long Island 1975).

Journaliste au Globe et à Vanity Fair (New York), conteur, scénariste à Hollywood, il fait la satire du snobisme anglais à travers des héros au succès constant : Psmith, de Histoire d'école privée (1909) à le Monde de Psmith (1974) ; Jeeves, valet très stylé de Bertie Wooster, de Jeeves, mon valet (1919) à S'il vous plaît, Jeeves (1971) ; lord Emsworth et sa truie, dans Lord Emsworth et les autres(1937). Wodehouse a publié des ouvrages autobiographiques, notamment Puce de cirque (1953).

Wolf (Christa)

Romancière allemande (Landsberg, auj. Gorzow Wielkopolski, 1929).

Elle fuit devant l'Armée Rouge, fait en R.D.A. des études littéraires et adhère au parti unique S.E.D. Le Ciel partagé (1963) relate l'immersion d'une étudiante en usine, mais aussi la séparation d'un couple par le Mur de Berlin. Christa T. (1968), publié en R.D.A. avec difficulté, dépeint le destin tragique d'une romancière morte trop tôt, et critique la société socialiste. L'affirmation du droit de l'individu à l'épanouissement devient alors un thème central chez C. Wolf, comme dans Aucun lieu, nulle part (1979), rencontre fictive entre Kleist et la poétesse Günderode. L'Histoire et ses mythes la passionnent aussi : Trame d'enfance (1976) interroge les traces du nazisme sur sa génération, Cassandre (1983) se penche sur le caractère destructeur des sociétés modernes. Écologiste (Incident nucléaire, 1987), féministe (Médée, 1996), C. Wolf est contre la réunification et pour un socialisme démocratique (1989-1990). Ce qu'il reste (1990), témoignage d'une romancière surveillée par la Sécurité d'État, déclenche une virulente polémique politico-littéraire (1990-1993).

Wolf (Friedrich)

Écrivain allemand (Neuwied 1888 – Berlin 1953).

Rentré de guerre, il participe aux troubles révolutionnaires de 1918 et devient médecin. Ses œuvres des années 1920 sont expressionnistes. Devenu communiste (1928), il voit dans la littérature une arme politique. Mais contrairement à Brecht, il juge le théâtre traditionnel plus efficace. Il fait jouer, avec succès, des pièces politiques proches du réalisme socialiste (Cyanure, 1929 ; les Marins de Cattaro, 1930, le Professeur Mamlock, 1934). Interné dans un camp français, il gagne l'U.R.S.S. Ses dernières œuvres veulent contribuer à « l'édification du socialisme » en R.D.A. (Thomas Münzer, 1953).

Wolfe (Thomas Clayton)

Écrivain américain (Asheville, Caroline du Nord, 1900 – Baltimore, Maryland, 1938).

Lyrisme, idéalisme, quête du réel et sentiment de l'exil caractérisent ses quatre romans d'inspiration autobiographique : Ange, regarde de ce côté (1929), le Temps et le fleuve (1935), la Toile d'araignée et la pierre (1939), l'Ange banni (1940). L'argument constant est celui du départ du milieu natal – la Caroline du Nord et la ville fictive d'Altamont – et d'un retour, qui marque, dans sa circularité, la recherche d'une Amérique enfin totalisable et l'affirmation d'une personnalité apte à rendre compte de cette totalité. La thématique familiale définit le héros comme un enfant perdu, auquel il est tout à la fois symboliquement interdit de grandir et commandé de connaître librement le monde. Le monologisme romanesque traduit ultimement un pouvoir de synthèse et l'inefficacité du rappel des racines premières comme de l'évocation d'un avenir américain. La seule notation positive est celle de la nostalgie qui rend le personnage propriétaire de son propre passé et de son présent. Le récit de l'exil, le Temps et le fleuve, confirme l'ambiguïté de ce jeu de la sécession et de l'intégration, qui explique l'abondance verbale des romans de Wolfe, inséparable d'une vision épique caractéristique des écrivains du Sud.

Wolfe (Tom)

Écrivain américain (Richmond, Virginie, 1931).

Journaliste, collaborateur du New York Herald Tribune et de Harper's Magazine, il s'attache à un style nouveau de reportage, où la saisie du fait n'exclut pas l'amplification verbale. Le reportage est alors proche de la fiction, comme le montrent ses divers récits (notamment Acid Test, 1968 ; le Gauchisme de Park Avenue, 1970 ; l'Étoffe des héros, 1979; le Bûcher des vanités, 1987 ; Un homme, un vrai, 1999) et ses essais (le Nouveau Journalisme, 1973 ; le Mot peint, 1975 ; From Bauhaus to Our House, 1981). C'est de fait toute l'imposture du monde contemporain qui est dénoncée à travers l'excès aliénant de ses événements dont T. Wolfe donne une peinture acerbe, placée sous le signe de la dérision et de la contradiction.

Wolfram von Eschenbach

Poète allemand (vers 1170 – v. 1220).

Noble mais pauvre, il dépend des seigneurs plus riches. À la cour du landgrave Hermann de Thuringe, haut lieu de la poésie médiévale, il sut acquérir, en autodidacte, des connaissances en astrologie, en médecine, en théologie et en littérature. Son œuvre comporte des poèmes lyriques (Minnelieder) et, surtout, trois épopées dont Parzival (1200-1210), une des œuvres les plus lues de tout le Moyen Âge. Les deux dernières épopées sont restées inachevées. Willehalm (vers 1215) est une adaptation de la chanson de geste française des Aliscans et conte les amours de Guillaume d'Orange et ses combats contre les Sarrasins : Wolfram en tire une leçon de tolérance et de vertus conjugales. De Titurel nous ne possédons que deux fragments : le poème ne reprend aucun modèle connu, mais le thème central (les amours tragiques de Sigune et de Schionatulander) apparaît déjà dans Parzival. Par son imagination fertile, son humour, la richesse et la virtuosité de sa langue (qui lui fut reprochée par Gottfried au nom de la « mesure »), Wolfram s'affirme comme un poète original, nullement prisonnier des conventions courtoises dont il acceptait pourtant les valeurs essentielles.

Parzival, poème épique en moyen haut allemand. S'il est aisé de découvrir les emprunts faits au Perceval de Chrétien de Troyes, les origines d'autres personnages et motifs sont plus incertaines : le « poète provençal Kyot » (Guiot ?) auquel Wolfram renvoie a-t-il seulement existé ? Le poème tourne autour de la légende du Graal et de Parzival, même si certains livres sont consacrés aux aventures de Gahmuret, son père, et à ceux des chevaliers de la Table ronde. La quête de Parzival occupe les livres III à VI, puis XIV à XVI. Le livre IX constitue le point culminant. Jusque-là Parzival, par ignorance, par aveuglement ou par orgueil, a laissé échapper les bonheurs auxquels il aspirait et qui semblaient à sa portée : sa place parmi la fleur de la chevalerie, l'amour de la reine Condwiramus et la royauté du Graal. En révolte contre Dieu et contre lui-même, il repart sur les routes. Grâce à l'ermite Trevrizent (livre IX), il apprend à voir ses fautes et à s'en remettre à la grâce divine : il retrouve alors l'estime des chevaliers, l'amour de sa femme, et succède à Gurnemanz à la tête du royaume du Graal. Ce roman de chevalerie est aussi un roman de formation, mais il montre que l'éducation morale (la chevalerie) et l'éducation sentimentale (le mariage) doivent être complétées par une éducation qui apprend à se soumettre à la volonté divine. Cette religiosité intériorisée n'empêche pas Wolfram de s'attarder sur les aventures, les joutes, les fêtes brillantes. Cette synthèse réussie entre le roman de chevalerie et le message religieux qui a fait le succès durable de Parzival n'a été égalée par aucun de ses successeurs, à l'exception toutefois de Richard Wagner (Parsifal, 1882).