Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
O

opéra de Pékin

Genre théâtral récent (1830-1840), synthèse d'opéras traditionnels locaux.

Il associe quatre aspects : chant, dialogues, gestuelle symbolique, acrobaties. Les rôles sont tenus par des hommes, qui ont le choix entre quatre figures : lettré, guerrier, femme, fou. Les costumes restent ceux des Ming et les savants maquillages révèlent l'âme du personnage (le noir exprime la loyauté, le blanc, la traîtrise, le rouge, la bravoure). Un orchestre de cordes et de bois accompagne le spectacle, rythmé par le martèlement des « claquettes ». Le répertoire puise dans le fonds théâtral et romanesque, mais le texte a moins d'importance que les prestations des acteurs et leurs prouesses acrobatiques. Le genre a été marqué par des acteurs de génie (Mei Lanfang) dont la mémoire demeure. « Récupéré » par le pouvoir communiste, qui entendait tirer profit de sa large audience populaire, l'opéra de Pékin fut remplacé, pendant la Révolution culturelle, par les opéras révolutionnaires de Jiang Qing. Depuis 1976, le genre, toujours populaire, se fige dans le statut de patrimoine national.

Opiniao

Spectacle collectif et populaire brésilien, représenté à Rio de Janeiro en décembre 1964 et dont les auteurs étaient issus des mouvements universitaires pour le renouveau de la culture populaire (Oduvaldo Vianna Filho, Ferreira Gullar). Le succès de la pièce permit la constitution d'un groupe d'artistes et d'écrivains qui concevaient l'art comme un instrument d'action politique, mais l'instauration du régime militaire (1964) amena la dissolution du mouvement en 1968.

Opitz (Martin)

Écrivain allemand (Bunzlau 1597 – Dantzig 1639).

Il a écrit des poésies lyriques en latin et en allemand et composé un émouvant poème sur les malheurs de la guerre (Poèmes de consolation en temps de guerre, 1624). Mais il est surtout connu pour son Traité de poésie allemande (1624), ouvrage théorique qui, s'appuyant sur Scaliger, Horace et Ronsard, a donné à la littérature allemande son orientation pour plus d'un siècle. Partisan d'un retour aux modèles classiques, Opitz a fait adopter l'alexandrin rimé. Il propose des modèles d'imitation comme le roman Argenis (1626-1631), la bergerie Pastorale de la nymphe Hercynie (1630), la tragédie les Troyennes (1625).

Oppen (George)

Poète américain (New Rochelle, New York, 1908 – Sunnyvale, Californie, 1984).

Lié au mouvement objectiviste, il collabora à l'Anthologie objectiviste, l'Anthologie active et donna (Séries discrètes, 1934 ; les Matériaux, 1962 ; Ça c'est que, 1965 ; Être nombreux, 1968 ; Marine, 1972 ; Poèmes complets, 1975) une poésie concise où les choses, par leur simple notation, composent un univers opaque et dense, et où la syntaxe souligne l'aspect objectal du poème et du langage.

Oppenheimer (Joel)

Écrivain américain (Yonkers, New York, 1930 – Henniker, New Hampshire, 1988).

Outre des pièces (le Grand Désert américain, 1966 ; les Temps sont durs à Malchanceville, 1968), il publie des recueils poétiques (le Danseur, 1952 ; le Bon Fils, 1956 ; À temps, 1969 ; Juste amis/Amis et amants, 1980 ; l'Écologie de l'âme, 1983) où l'attention au quotidien s'allie à un lyrisme personnel et, parfois, à une critique sociale (Traité, 1966).

Oracles sibyllins

Recueil des oracles attribués, pendant l'Antiquité grecque et romaine, à des prophétesses, les sibylles. Bien que de forme grecque, cette compilation, qui se rapporte pour l'essentiel aux événements de la période qui va du IIe s. av. J.-C. au IIIe s. de notre ère, est d'inspiration judéo-chrétienne.

   Des 12 livres que comprend, dans son état actuel, le recueil des Oracles sibyllins, les livres III, IV et V sont d'origine entièrement juive. Le plus ancien des livres sibyllins est le livre III, composé de 829 hexamètres. Il émane du judaïsme hellénistique d'Alexandrie et a été constitué v. 42-43 avant notre ère. Son auteur était un bon connaisseur de la poésie grecque. L'auteur (auquel certains critiques n'ont pas hésité à donner un nom, Aristobule, le falsificateur d'Orphéeen, tandis que d'autres ont songé aux Thérapeutes décrits par Philon d'Alexandrie dans le De vita contemplativa) place sous l'invocation d'une inspirée païenne particulièrement prestigieuse une prédication apocalyptique appelant le monde païen (et tout particulièrement l'Égypte et l'Hellade) à la pénitence et au repentir à la veille du Déluge de feu.

   Le livre IV, composé à Alexandrie, comprend 192 vers. Sa date peut être approximativement déterminée grâce à plusieurs indications chronologiques présentes dans le texte, comme la destruction de Jérusalem, l'éruption du Vésuve de 79, le retour prédit de Néron, qui pourrait correspondre à l'épisode du second faux Néron qui se manifesta en l'an 80 sous Titus ou à celui du troisième imposteur qui trouva de l'appui chez les Parthes en 88, sous Domitien. Le livre IV a été longtemps considéré comme l'œuvre d'un poète chrétien. Certains critiques ont vu dans le livre l'œuvre d'un essénien en raison de la polémique contre les temples et les sacrifices sanglants.

   Alors que la couleur juive dans le livre III est remarquablement discrète et franchement timide dans le livre IV, dans le livre V, en revanche, elle devient presque agressive : les Juifs, la Judée, le Temple sont plusieurs fois nommés, et la restauration de Jérusalem, du Temple et de son culte est décrite en termes de puissance. Quelques repères chronologiques présents dans le texte – la mention de la destruction du Temple de Jérusalem et peut-être celle du temple d'Onias en Égypte, la célébration en termes emphatiques du règne d'Hadrien – permettent de d'affirmer que le livre V est l'œuvre d'un Juif qui écrivait en Égypte au début du règne d'Hadrien, avant 132 de notre ère.

   Les Pères de l'Église ont attaché une grande importance aux Oracles sibyllins. Leur influence s'exercera au Moyen Âge dans le drame liturgique, la littérature (Dies irae, Thomas d'Aquin, Dante, Calderón) et l'art (portails de Laon et de Notre-Dame de Paris, Giotto, Van Eyck, Raphaël, Michel-Ange) jusqu'au seuil de l'ère moderne (Vintila Horia, Dieu est né en exil).