Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Cardoso (Antônio)

Écrivain angolais (Luanda 1933 – Lisbonne 2006).

Ses poèmes (Poèmes de circonstanca, 1961) et ses essais reflètent à la fois son engagement et son désir d'aboutir à une synthèse des influences africaines et occidentales.

Cardoso (Joaquim Lucio Cardoso Filho, dit Lucio)

Écrivain brésilien (Curvelo, Minas Gerais, 1913 – Rio de Janeiro 1968).

Succédant à des récits réalistes (Salgueiro, 1935), ses romans d'introspection tournent autour du problème du mal (Chronique de la maison assassinée, 1959).

Cardoza y Aragon (Luis)

Écrivain guatémaltèque (Antigua 1901 – 1992).

Ses poèmes, de veine surréaliste, le montrent préoccupé du destin de l'homme moderne (Luna Park, 1923 ; le Somnambule, 1937 ; Cinquième Station, 1972). Mais son nom reste attaché à un essai, Guatemala, les lignes de sa main (1955), dans lequel il analyse les problèmes de son pays et propose des solutions révolutionnaires : ce livre a profondément marqué les intellectuels de l'Amérique latine, faisant de son auteur un des maîtres à penser du continent.

Carducci (Giosuè)

Écrivain italien (Val di Castello, près de Lucques, 1835 – Bologne 1907).

Professeur et humaniste classique, il participa activement à la vie politique de son temps. Élevé dans le culte des luttes héroïques du Risorgimento, puis adversaire acharné du gouvernement qui avait réalisé l'unité italienne, au nom d'un jacobinisme teinté d'anarchisme libertaire, il finit par se rallier à la monarchie libérale. Il fut le premier écrivain italien à obtenir le prix Nobel (1906). Chantre officiel de la nouvelle Italie, il est aussi l'auteur d'écrits intimes d'une grande sensibilité (Confessions et batailles, 1882-1884). Son œuvre, modèle de classicisme formel et de noblesse morale, traditionnellement opposée à celle des « décadents » D'Annunzio et Pascoli, présente de nombreuses traces d'une inquiétude psychologique typiquement moderne. Dans l'édition définitive de son œuvre poétique (1901), Carducci a suivi des critères thématiques et formels, en rassemblant dans l'ordre : Poèmes de jeunesse (1850-1860), Poèmes légers et graves (1861-1871), Rimes nouvelles (1861-1887), À Satan (1863), Iambe et Épode (1867-1879), Intermède (1874-1878), Poésies et rythmes (1899), Chanson de Legnano (inachevée), le Parlement (1879). La grande saison poétique de Carducci (1867-1886) évolue idéalement d'une satire politique à une célébration épique des grandes figures et des grands faits de l'histoire italienne, pour atteindre dans les Odes barbares (1877), augmentées en 1882 et 1889 de Nouvelles Odes barbares et de Troisièmes Odes barbares, une vision héroïque du monde qui, libérée de tout contenu historico-politique, devient une pure catégorie de l'âme humaine et de la nature. L'expression de cet idéal s'affranchit de la rime et crée une forme poétique nouvelle sur le modèle de la prosodie gréco-latine.

Carême (Maurice)

Écrivain belge de langue française (Wavre 1899 – Anderlecht 1978).

Cet instituteur poète s'adressait volontiers aux enfants (parmi lesquels il a d'ailleurs recueilli d'étonnants échantillons de « poésie brute », réunis dans Poèmes de gosses, 1933) en un langage d'une grande simplicité (la Lanterne magique, 1947 ; Semeur de rêves, 1953 ; le Voleur d'étincelles, 1956 ; la Grange bleue, 1961). Plus émouvants encore sont les recueils où il évoque les étapes parfois douloureuses d'une vie d'homme : Mère (1935), qui inspira une partition à Darius Milhaud. Le succès du poète a éclipsé les mérites du romancier (Martyre d'un supporter, 1928 ; Un trou dans la tête, 1964 ; Medua, 1976).

Carew (Thomas)

Poète anglais (West Wickham, Kent, v. 1595 – Londres v. 1639).

Poète « cavalier », au service de Charles Ier, c'est un amoriste libertin (Un ravissement, 1640) qui s'inspire à la fois de G. Bruno et de Donne. Coelum Britannicum (1633) perpétue l'esprit des « masques » de Ben Jonson.

Carey (Peter)

Écrivain australien (Melbourne 1943).

Influencé par Faulkner, il a publié des nouvelles, où une observation minutieuse des comportements, des espoirs et des illusions de la société moderne se teinte volontiers d'onirisme (l'Obèse, étude historique, 1974 ; War Crimes, 1979 ; Bliss, 1981 ; Oscar et Lucinda, 1988 ; l'Inspectrice, 1991). Dans ses derniers romans, il se joue beaucoup des grandes références littéraires (la Vie extraordinaire de Tristan Smith, 1995) et reprend, dans Jack Maggs (1997) par exemple, un personnage du classique de Charles Dickens, les Grandes Espérances.

Carlyle (Thomas)

Écrivain écossais (Ecclefechan 1795 – Londres 1881).

Fils de maçon, il enseigne les mathématiques (1814), reprend ses études (1819) et, après trois ans de misère désespérée, subit l'illumination « par haine du Diable, non par amour de Dieu ». Fervent de Goethe et de Byron, il traduit Wilhelm Meister (1824). Il tente une apologie grotesque de sa conversion dans Sartor resartus (le Tailleur retaillé, 1833), philosophie des vêtements où le mysticisme autoritaire se pare de bouffonnerie : c'est la dénonciation la plus violente et la plus drôle de la « civilisation » au nom des valeurs calvinistes. Il attaque sa grande œuvre, l'Histoire de la Révolution française (1837). La particularité de cette œuvre, ses outrances, en font l'un des monuments les plus remarquables de l'historiographie romantique. L'élément radical de sa dénonciation anticapitaliste (le lien monétaire substitué à toutes les relations humaines) lui vaut la sympathie de Marx. Le Chartisme (1839) s'intéresse au mouvement ouvrier anglais, dont la lutte pour le suffrage universel masculin devait s'avérer vaine. Dans les Héros et le culte des héros (1841), à travers l'évocation de Mahomet, Cromwell, Napoléon, Dante ou Shakespeare, Carlyle fait de la foi le moteur de l'histoire et du destin de l'humanité – ce dont quelques esprits marqués par la grâce divine font parfois prendre conscience aux foules passives ou avilies. Devant le double développement de la puissance industrielle de l'Angleterre et de la misère populaire, Passé et Présent (1843) réclame un changement radical de conception de vie, un système fondé sur une révolution intérieure, une ascèse spirituelle (il ne faut plus être esclave de soi-même pour espérer libérer les autres) dont le modèle est dans le passé, tout particulièrement dans un Moyen Âge qui prend des allures mythiques. Contre l'oligarchie de l'argent et la démocratie irresponsable, Carlyle prône une aristocratie de l'esprit et du cœur. Ces œuvres vitupèrent le « laisser-faire » et pleurent la grandeur passée, ils annoncent l'homme fort et la caste supérieure qui viendront rétablir l'ordre médiéval contre le chaos bourgeois et l'anarchie démocratique. Prophète courroucé d'un ordre nouveau fondé sur les valeurs anciennes, dont il prédit l'avènement en Allemagne et dans l'Islam, apôtre d'une histoire spiritualisée en termes lyrico-apocalyptiques, Carlyle est le Michelet de l'ordre.