Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Chénier (Marie-Joseph)

Écrivain français (Istanbul 1764 – Paris 1811).

Frère puîné d'André, il fit avec lui ses études au collège de Navarre. Il composa très jeune des comédies et des tragédies (Azémire, 1787) mais n'obtint le succès qu'avec la Révolution. La tragédie Charles IX ou l'école des rois, d'abord interdite par la censure en 1788 et régulièrement jouée après novembre 1789, dénonce l'alliance de l'Église et de la Royauté, responsables du massacre de la Saint-Barthélemy. Jean Calas (1793) exploita cette veine voltairienne, tandis que Caius Gracchus développait la référence romaine. Devenu poète quasi officiel de la Révolution, il participa avec David et Méhul à l'organisation des grandes fêtes républicaines et composa des hymnes pour les principaux événements. Sa tragédie Fénelon (1793) exalte un prélat philosophe et appelle à la tolérance, mais Timoléon, critique du despotisme, ne put être représentée sous la Terreur. Après le coup d'État de Brumaire, il resta républicain et se retira dans une retraite critique, rendit hommage à son maître dans l'Épître à Voltaire (1806), attaqua les auteurs spiritualistes, et répondit à ses ennemis qui le rendaient responsable de la mort de son frère dans le discours en vers Sur la calomnie. Il composa encore plusieurs pièces qui ne furent pas jouées, dont Tibère, attaque acerbe du pouvoir arbitraire. Devant l'Académie, il dressa un Tableau de la littérature française depuis 1789 (1808).

che'r-e now (Poésie nouvelle)

Courant poétique iranien né au début du XXe s. et se caractérisant par un renouvellement de la forme (abandon du rythme, des rimes, vers libre ou vers blanc) et de la thématique (poésie engagée décrivant la vie quotidienne, symbolisme et surréalisme, écriture automatique). Nima Youchidj (1895-1959) est le fondateur de cette poésie nouvelle (Conte, 1921 ; la Famille du soldat, 1926 ; le Phénix, 1937). La poésie engagée d'Ahmad Shamlou (né en 1925) s'exprime à travers le vers libre et d'étranges images (Mélodies oubliées, 1947 ; Aïda dans le miroir, 1964 ; Éclore dans le brouillard, 1970 ; la Dague dans l'assiette, 1977). Mehdi Akhavan Salès (1928-1990) se situe au carrefour de l'ancienne et de la nouvelle poésie et affectionne les thèmes inspirés du passé antique de l'Iran (l'Hiver, 1956 ; la Fin du Shahnameh, 1959 ; De cet Avesta, 1963). Pensée néosoufie et amour de la nature imprègnent les poèmes de Sohrab Sepehri (1928-1980), riches en images abstraites (les Huit Livres, 1977). Une voix féminine s'élève avec Forough Farrokhzad (1934-1966, la Prisonnière, 1953 ; le Mur, 1957 ; la Révolte, 1959 ; Une autre naissance, 1963). On peut encore citer la poésie symbolique de Yadollah Roya'i, les délicats poèmes de Saye et de Naderpour, la poésie philosophique d'Esma'il Kho'i, l'œuvre de Siyavosh Kasra'i et Manutchehr Sheybani, ou les écrivains contemporains Mohammad 'Ali Sepanlou, Manutchehr Atachi et Granaz Moussavi.

Chessex (Jacques)

Écrivain suisse de langue française (Payerne 1934).

Il est le premier Suisse à avoir obtenu, en 1973, le prix Goncourt pour l'Ogre, roman qui met à nu l'ambiance puritaine et autoritaire de certains milieux vaudois. Les tentatives de révolte du héros, Jean Calmet, avortent, mais la sensualité prendra sa revanche dans d'autres livres, même si les héros de Chessex restent écartelés entre le remords et la volupté (Jonas, 1987 ; Morgane Madrigal, 1990). Il est également l'auteur de Portraits des Vaudois (1969), livre haut en couleur, et d'un bel hommage aux lettres romandes : les Saintes Écritures (1972). Fondateur, avec B. Galland, de la revue Écriture (1964), il a rédigé de nombreux essais (sur Cingria, Maupassant, Flaubert, Benjamin Constant) et publié plusieurs recueils de poésie (le Calviniste, 1983 ; Comme l'os, 1988 ; Poésie, 3 vol., 1997) évoquant, avec une intensité poignante, les problèmes qui depuis toujours ont hanté les hommes : l'amour et la mort, la fuite irréparable du temps.

Chesterton (Gilbert Keith)

Écrivain anglais (Londres 1874 – Beaconsfield 1936).

Il se fit d'abord connaître comme critique d'art, critique littéraire et polémiste. Partisan des Boers, libéral, puis radical, il invente le « distributisme », alternative à la fois au capitalisme et à l'étatisme socialiste. En 1922, il devient catholique (Hérétiques, 1905 ; Orthodoxie, 1908 ; Ce qui cloche dans le monde, 1910 ; les Crimes de l'Angleterre, 1914 ; Saint François d'Assise, 1923 ; l'Homme appelé Christ, 1933). Antifasciste convaincu, il plaide la nature humaine en attente de la grâce et garde cette inspiration jusque dans le genre policier, inventant avec le Père Brown (les Histoires du Père Brown, 1911 ; le Secret du Père Brown, 1927) le Sherlock Holmes de la foi.

Chevalier (Henri-Émile)

Journaliste et écrivain français (Châtillon-sur-Seine 1828 – Paris 1879).

Émigré à New York après le coup d'État du 2 décembre, il collabora au Courrier des États-Unis, puis se rendit à Montréal, où il fonda en 1854 la Ruche littéraire et politique, qui regroupait une équipe de libéraux anticléricaux sur le modèle des journaux louisianais. Il y écrivit de nombreux romans-feuilletons à prétentions historiques (l'Île de Sable, 1854 ; l'Héroïne de Châteauguay, 1858), qu'il poursuivit après son retour à Paris en 1860 sous le titre général de Drames de l'Amérique du Nord (la Huronne, 1862 ; les Derniers Iroquois, 1863 ; la Fille des Indiens rouges, 1866).

Chevalier au Cygne (le)

Chanson de geste française (fin XIIe-début XIIIe s.)

Elle donne une origine fabuleuse au lignage de Godefroi de Bouillon, l'un des chefs de la première croisade, et qui appartient, avec Elioxe et Beatrix, au premier cycle de la Croisade. Le thème de l'enfant transformé en cygne (que l'on retrouve en Allemagne, notamment dans le Parzival de Wolfram von Eschenbach) est peut-être à rapprocher de celui des fées qui se transforment en cygne. En tout cas, il souligne les relations d'un lignage avec le monde magique. Un remaniement du poème, en 35 000 vers, a été fait en 1356.

Chevillard (Éric)

Romancier français (La Roche-sur-Yon 1964).

Ses romans s'ouvrent par une agonie (Mourir m'enrhume, 1987) et demeurent aussi indéfinissables que son protéiforme Palafox (1990). Ce sont des fictions de fictions, des récits proprement virtuels, où l'humour et l'incongru dominent, mais où il s'agit aussi de résister, de se situer ailleurs (enfance, animalité, folie). Dans le Caoutchouc décidément (1992), Furne, du fond d'un asile, réforme les lois de l'univers. À la fois nostalgique et persifleur de la littérature conçue comme un absolu, Chevillard fait naître la poésie de la dérision. L'œuvre posthume de Thomas Pilaster (1999), savoureux exercice d'autodérision, dramatise ce combat intérieur en deux portraits d'écrivains. Il publie en 2002, Du hérisson.