Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
J

Jochumsson (Matthias)

Pasteur et poète islandais (Skógar 1835 – Akureyri 1920).

C'est l'écrivain marquant de la fin du XIXe s. Journaliste et grand voyageur (Voyages aux lieux antiques, 1913), il a composé le premier grand drame romantique islandais, les Hors-la-loi (1864), et publié, à partir de 1874, de nombreux recueils de Poèmes. Ses hymnes chantent ses amours essentielles, du prestigieux Moyen Âge, avec ses héros de sagas, à l'époque moderne (la Chanson de Gretti, 1897). Son inspiration repose sur un christianisme militant.

Jodelle (Étienne)

Auteur dramatique et poète français (Paris 1532 – id. 1573).

Il suivit au collège de Boncourt les cours de Buchanan et de Muret, qui l'initièrent à la tragédie antique. Dès 1549, il compose ses premiers vers, mais c'est en 1553 qu'il devient célèbre en faisant représenter devant Henri II l'une des premières tragédies françaises imitées de l'antique, Cléopâtre captive, pièce en 5 actes avec chœurs, écrite en décasyllabes, dont le succès scella l'union des deux groupes scolaires de Coqueret et de Boncourt et valut à son auteur d'être compté par Ronsard au nombre des poètes de la Pléiade. La même année, Jodelle donnait une comédie, Eugène, puis deux ans plus tard, en 1555, une seconde tragédie, Didon se sacrifiant. De 1555 à 1558, il organise à la Cour plusieurs divertissements : la mascarade du 17 février 1558, qui se voulait un « théâtre total » avant la lettre, fut un cuisant échec et entraîna le déclin inexorable de la carrière du poète. Jodelle tenta vainement de regagner la faveur de Charles IX en faisant l'apologie de la Saint-Barthélemy. Hautain et distant, il se tint toute sa vie en marge de la Pléiade, mais il fréquenta assidûment le salon de la maréchale de Retz qui passe pour lui avoir inspiré les sonnets de ses Amours.

   Jodelle fut célèbre en son temps et reste aujourd'hui principalement connu pour avoir l'un des tout premiers renouvelé le théâtre français par l'imitation des Anciens. À ces derniers les tragédies Cléopâtre captive et Didon se sacrifiant empruntent à la fois leurs sujets, leurs règles – celle, notamment, de l'unité de temps et de lieu – et la présence de chœurs. Le lyrisme, la recherche des effets pathétiques, l'enseignement moral y détiennent une place de premier plan ; ces traits se retrouveront dans la plupart des tragédies ultérieures du XVIe siècle (celles de Garnier notamment).

   Composé un an avant Cléopâtre, Eugène (1552) inaugure un renouvellement parallèle dans le domaine de la comédie par l'imitation de l'Antiquité ; ce qui n'empêche point la pièce de conserver bien des aspects du ton et des procédés de la farce médiévale. Sa principale originalité réside dans sa modernité : l'action se situe à Paris et la peinture des mœurs contemporaines y tient une large place.

   Beaucoup moins connue que son œuvre dramatique, l'œuvre poétique de Jodelle comporte deux principaux types de pièces. Des pièces de circonstance tout d'abord : les unes profanes (épithalames, tombeaux, épîtres, odes, sonnets adressés à de hauts personnages de la Cour ou à des amis écrivains), les autres religieuses (notamment une série de sonnets célébrant différentes fêtes chrétiennes, dédiés au roi Charles IX). Toutes pièces dans lesquelles la satire se fait souvent sentir : les pétrarquistes, les courtisans, les financiers en font tour à tour les frais.

   Mais c'est le second type de pièces – les poèmes d'amour, regroupés, dans l'édition de 1574, sous le titre d'Amours d'Estienne Jodelle, parisien – qui constitue incontestablement le chef-d'œuvre poétique de Jodelle. Cet ensemble est composé de chansons, d'une ode, d'une élégie et, surtout, d'une suite de 47 sonnets d'une écriture heurtée, aux dislocations syntaxiques et métriques véhiculant des images violentes. Poète de « l'amour noir » (A. M. Schmidt) qui chante un monde où l'illusion triomphe irrémédiablement, Jodelle apparaît plus proche à bien des égards des poètes baroques de la seconde moitié du siècle (de l'Aubigné du Printemps en particulier) que de la Pléiade.

Joël (livre de)

Il est placé en second parmi les Petits Prophètes. Le nom du prophète signifie Yahvé est Dieu (Yô-'el). Le Livre de Joël comprend deux parties selon le schéma apocalyptique de l'alternance entre le malheur et le bonheur. La première décrit une invasion de sauterelles et une liturgie de pénitence qui amène la cessation du fléau et le retour à l'abondance. La seconde partie, de nature eschatologique, annonce l'effusion de l'esprit, prélude du jour de Yahvé, le jugement des nations dans la vallée de Josaphat qui signifie « Yahvé juge » et le salut de Juda. Le Livre de Joël marque la transition entre la prophétie biblique et l'apocalyptique.

Johnson (Bryan Stanley)

Romancier anglais (Hammersmith, Londres 1933 – Londres 1973).

Rapidement et injustement tombé dans l'oubli après son suicide à 40  ans, B.S. Johnson est l'auteur de sept romans : les Gens qui voyagent (1963), Albert Angelo (1964), Chalut (1966), les Malheureux (1969), Maîtresse normale (1971), Double Entrée de Christie Malry (1973), Voyez la vieille dame décemment (1975). Ses maîtres sont Sterne, Joyce et Beckett ; à ses yeux, le roman doit attirer l'attention du lecteur sur sa propre artificialité. Le caractère expérimental de ces textes passe notamment par une présentation hors du commun : les Malheureux se présentent sous la forme d'une boîte contenant vingt-sept cahiers non numérotés (sauf le premier et le dernier), à lire dans un ordre aléatoire, qui fait écho à la désintégration physique du héros, atteint d'un cancer. Johnson s'est expliqué sur ses conceptions dans un recueil d'essais, N'êtes-vous pas un peu jeune pour écrire vos mémoires (1973) ?

Johnson (Eyvind)

Écrivain suédois (Svartbjörnsbyn 1900 – Stockholm 1976).

Autodidacte, influencé aussi bien par Gide et Hamsun que par Joyce et Freud, c'est le plus intellectuel des représentants du mouvement littéraire dit « prolétaire », qui désigne en fait des écrivains sortis du peuple, restés très proches de ses préoccupations et attachés à dépeindre, dans des ouvrages souvent autobiographiques, des personnages dont les sentiments et les idées coïncident avec les aspirations de la social-démocratie : ainsi du Roman d'Olof (1914-1937) ou de romans à coloration nettement politique comme Commentaire sur la chute d'une étoile (1929), Exercice de nuit (1938) ou le Retour du soldat (1940). Engagé pendant la guerre – dans la trilogie consacrée à Krilon (1941-1943) –, Johnson élargit son inspiration aux dimensions d'une vaste méditation quasi poétique sur la civilisation occidentale (le Clapotis des grèves, 1946 ; Nuages sur Metapontion, 1957 ; Quelques pas vers le silence, 1973). Cette œuvre a valu à son auteur de partager avec H. Martinson le prix Nobel en 1974.