Claudel (Paul) (suite)
Le poète
La poésie claudélienne est un instrument de connaissance et de compréhension des choses, comprise comme la perception de leurs rapports réciproques au sein de l'univers. Le monde lui paraît obéir, comme le poème, aux lois d'un « art poétique » ordonnant le réel en un ensemble unique et cohérent dont le poète a pour mission de déchiffrer la structure et la signification. Ainsi Claudel chantera-t-il dans les Grandes Odes « le grand poème de l'homme soustrait au hasard » et la richesse infinie d'un univers « catholique » – au sens étymologique et premier d'« universel » – où chaque chose a son rôle et son sens au sein du tout. Sur le plan prosodique, Claudel a substitué à la prosodie classique, qu'il jugeait artificielle et monotone, une versification plus variée, plus libre et plus souple, adaptée aux modulations de la phrase et à la mélodie des mots. C'est ce « vers sans rime ni mètre », essentiellement fondé sur le rapport des sonorités, le choix des coupes et la succession des accents, que Claudel a utilisé dans sa poésie comme dans son théâtre et que l'on a nommé, par analogie avec la Bible et la liturgie dont il s'est inspiré, le « verset » claudélien.
Claudel est également un fécond prosateur, adaptant son écriture à l'art de l'essai, du tableau, du dialogue ou de la critique. Après s'être essayé à une prose descriptive et poétique, dans Connaissance de l'Est, il aborde une écriture abstraite, analytique et parfois lyrique avec l'Art poétique. C'est plus tard qu'il découvre dans le dialogue un instrument approprié à l'expression spontanée d'une pensée mouvante et souvent contradictoire (Conversions dans le Loir-et-Cher, Richard Wagner, Aegri Somnia, Conversation sur Jean Racine).