Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Billardon de Sauvigny (Edme Louis)

Écrivain français (Auxerre 1730 – Paris 1812).

Censeur des livres (1776-1788), auteur prolifique, il connut quelque succès avec sa tragédie la Mort de Socrate (1763) et son roman l'Innocence du premier âge en France (1770). Il participa aux débats sur le livre de l'abbé Coyer sur la noblesse commerçante (l'Une et l'Autre, ou la Noblesse commerçante et militaire, 1756) puis évolua de l'inspiration anacréontique au genre moyenâgeux (Histoire amoureuse de Pierre le Long et de sa très honorée dame Blanche Bazu, 1765).

Bille (Corinna S.)

Femme de lettres suisse de langue française (Veyras 1912 – Lausanne 1979).

Fille du peintre Edmond Bille (1878-1959), mariée à M. Chappaz, elle s'illustrera dans la poésie (Printemps, 1939), le roman (Théoda, 1944) et, au-delà des frontières, comme nouvelliste (la Fraise noire, 1968 ; Douleurs paysannes, 1975), saisissant avec finesse ce qui sépare et rapproche les êtres, qu'elle confronte moins à la réalité qu'au désir, à une pulsion ingénue, souvent amorale, rendue à travers une atmosphère mystérieuse, ineffable.

Billetdoux (François)

Auteur dramatique français (Paris 1927 – id. 1991).

Élève de l'I.D.H.E.C., producteur de radio, comédien, romancier (Brouillon d'un bourgeois, 1961), il élabore un théâtre de l'insolite, de l'ironie et de l'incommunicabilité (Tchin-Tchin, 1959 ; Va donc chez Törpe, 1961 ; Comment va le monde, Môssieu ? Il tourne, Môssieu !, « western métaphysique », 1964). Il faut passer par les nuages (1964), satire de la bourgeoisie, évoque la recherche d'une chaleur intime, absente du monde, de même que ses tentatives audiovisuelles (Pitchi Poi, 1967 ; Radio-Solitude en Cévennes, 1976) ou dramatiques (la Nostalgie, camarade, 1974 ; Réveille-toi Philadelphie, 1988), sorte d'autobiographie spirituelle à « l'humour métaphysique ».

Binebine (Mahi)

Peintre et écrivain marocain (Marrakech 1959).

Installé à New York, puis à Paris, où il a aussi enseigné les mathématiques, internationalement connu comme peintre, Mahi Binebine s'est imposé d'emblée par la puissance et la poésie avec lesquelles ses romans (le Sommeil de l'esclave, 1992 ; les Funérailles du lait, 1994 ; l'Ombre du poète, 1997 ; Cannibales, 1999 ; Pollens, 2001) pénètrent les univers intimes les plus inavouables.

Bing Xin (Xie Wanying, dite)

Poétesse chinoise (1900 – 1999).

Appréciée surtout comme auteur de littérature enfantine, elle créa un style de textes pour la jeunesse avec À de jeunes lecteurs (1923-1926), Glané (1960), Beau Temps tardif (1979).

biographie

Le récit d'une vie, genre particulièrement florissant dans la littérature contemporaine, a des antécédents qui remontent à la plus haute antiquité. La biographie est, en effet, particulièrement bien représentée dans la littérature de l'Égypte pharaonique, où elle joue un rôle idéologique capital. Pour survivre dans l'au-delà, l'individu a besoin d'offrandes qui peuvent lui être assurées par la récitation de formules appropriées : mais de qui obtenir cette récitation, sinon des passants qui porteront les yeux sur les monuments funéraires ? Afin de les inciter à lire ces formules, il faut donner de leur bénéficiaire éventuel une image flatteuse, gage de son crédit auprès des dieux et, en conséquence, d'une juste rétribution du service rendu : d'où la biographie qui figure dans la partie de la tombe ouverte au public, sur les stèles ou les statues dressées dans les lieux saints.

   Formellement, la biographie s'ouvre, après l'énoncé des titres et du nom de l'individu, par la formule « il dit ». Dès lors, celui-ci prend la parole à la première personne. Les assertions l'identifiant à un type donné (« Je suis un dignitaire qui mérite qu'on l'écoute ») ou l'énumération de ses actions (« J'ai fait consacrer cinq bœufs à Horus ») constituent le style de base du genre, avec l'interpellation des lecteurs (« Tenez compte de ce que je vous dis, vous en constaterez l'utilité »). Toutefois la biographie admet souvent des tons et des styles plus variés : décrets royaux ou actes juridiques « rapportés », dialogues, séquences narratives, hymnes au pharaon ou aux dieux, récurrence calculée de formules rythmées, succession d'aphorismes à la manière des « Sagesses ». L'idée fondamentale de toute biographie est d'ailleurs de montrer que celui qui en est à la fois le sujet et l'objet correspond aux normes de l'éthique et que son existence a été réglée sur le canon de l'ordre universel établi par les dieux.

   C'est à travers des anecdotes conçues comme exemples de morale universelle que le genre se perpétue dans les Vies de Plutarque, chez les historiens latins (Vie des douze Césars de Suétone, Agricola de Tacite) et, plus tard, dans les vies des saints (la Légende dorée). Mais, si la leçon morale prend plus de poids en s'appliquant à un personnage illustre, l'individualité n'est jamais donnée pour elle-même : sa fonction est illustrative et emblématique. À l'inverse, la biographie moderne, dont la Vie de Samuel Johnson par Boswell (1791) marque l'émergence comme genre littéraire, entend rendre compte d'une vie dans sa singularité et dans sa nécessité. Inséparable de l'apparition du sentiment d'égalité, elle est homologue à l'univers de l'individu problématique. Elle traduit le constat que tout individu peut parler pour lui-même et pour la communauté. Voltaire, Chateaubriand, Victor Cousin, Romain Rolland furent des biographes. L'ethnologie et la sociologie contemporaines imposent la biographie de l'anonyme, exemplaire par cet anonymat. Le genre, aujourd'hui, est à la fois conventionnel (ainsi des ouvrages d'André Maurois) et scientifique. La reformulation du problème du sujet, sous les influences concordantes de la psychanalyse, de l'existentialisme et de la linguistique, a placé la biographie du côté de la psychocritique et de la sociocritique. Sartre s'est ainsi essayé, avec l'Idiot de la famille, à une psychanalyse existentielle de Flaubert. La psychanalyse même donne au genre un aspect particulier : études de cas pathologiques qui contraignent à la reconstitution de la vie pour retrouver, sous le jeu de l'enquête et de l'interprétation, la loi de l'exemplum. Aussi la biographie reste-t-elle prise dans une contradiction insurmontable : elle est d'une part analogique (fidélité aux événements d'une vie) et, d'autre part, déductive, et en un double sens – elle veut déduire les événements les uns des autres et placer dans ces événements le modèle déductif. Elle devient ainsi le lieu de rencontre de toutes les tentations méthodologiques et idéologiques et la caution de toutes les systématiques. L'apparentement de la biographie et du roman (Boulgakov, le Roman de Monsieur de Molière ; Alejo Carpentier, la Harpe et l'Ombre, à propos de Christophe Colomb), le traitement strictement littéraire et, en conséquence, parodique de la biographie (Alberto Savinio, Grands Hommes, racontez-vous) montrent que la représentation de la vie est en elle-même paradoxale : toute existence achevée est une totalité fermée qui, par cette clôture, fait de l'existence une manière de seuil et de chaque moment l'antécédent de la clôture ; mais toute existence achevée est aussi, par l'autonomie que porte l'achèvement, contemporaine de toute histoire et, en conséquence, mémoire, mémorable, à dire et à interpréter.