Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Espanca (Florbela de Alma da Conceição, dite Florbela)

Poétesse portugaise (Vila Viçosa 1895 – Matosinhos 1930).

Son œuvre (Livre des peines, 1919 ; Sœur Nostalgie, 1923) exprime, dans la forme rigide du sonnet, les élans d'une âme passionnée qui assume dans le scandale son droit à chanter la volupté. À travers des états successifs d'exaltation et d'anéantissement, elle passe de l'égotisme à la fusion dans la nature, s'identifiant à la plaine de son Alentejo natal.

Espina (Concha)

Romancière espagnole (Santander 1877 – Madrid 1955).

Épigone de la génération de 1898, elle peint la Biscaye et les Cantabres (le Grand Autel, 1926), et crée des figures de femmes passionnées, durement éprouvées par la vie (la Rose des vents, 1915) dans des récits où les notations réalistes (Un roman d'amour, 1953), les angoisses et les souffrances s'inscrivent cependant dans une perspective d'espérance chrétienne.

Espinel (Vicente)

Écrivain espagnol (Ronda 1550 – Madrid 1624).

Musicien, il ajouta une cinquième corde à la guitare. Poète (Poésies, 1591), il écrivit des épîtres, des églogues, popularisa la strophe appelée depuis espinela (le dizain) et traduisit l'Art poétique d'Horace. Son célèbre roman picaresque, Marcos de Obregón (1618), traduit en français dès sa publication, met en scène un écuyer d'âge mûr, plus souvent spectateur qu'acteur. Se situant dans la lignée du Guzman d'Alfarache de Mateo Alemán, l'œuvre se distingue cependant de la littérature picaresque antérieure en ce qu'elle place son intrigue dans des milieux sociaux plus relevés ; elle inspirera Lesage dans l'écriture de son Gil Blas.

Espinosa (Agustín)

Écrivain (Puerto de la Cruz 1897 – La Palma 1939).

Collaborateur à Madrid de La Gaceta literaria, il fit partie du groupe surréaliste de Tenerife, écrivit dans les revues la Rose des vents et la Gazette d'art, et donna, avec Lancelot 28º-7º (1928), Sous le signe de Vieira (1935) et Crime (1935), quelques-uns des meilleurs textes de prose du surréalisme espagnol.

Espinosa Medrano (Juan de)

Écrivain péruvien (Cálcauso 1632 – Cuzco 1688).

Appartenant aux milieux précieux du Pérou, il est le plus éclatant représentant hispano-américain du baroque littéraire. Les sermons du « Démosthène péruvien » ou du « Docteur sublime », comme on le surnomma, ont été réunis après sa mort dans la Neuvaine merveilleuse (1695). Son Apologie de Don Luis de Góngora (1662) révèle ses affinités avec le poète espagnol. Il serait également l'auteur du drame Ollantay, écrit en quechua.

espionnage (roman d')

Des éléments d'espionnage apparaissent dans les premiers romans policiers avec la Lettre volée (1845) d'Edgar Poe, les exploits du Sherlock Holmes de Conan Doyle dans le Traité naval (1893) et Son dernier coup d'archet (1917), ou ceux de l'Arsène Lupin de Maurice Leblanc dans l'Éclat d'obus (1915) et le Triangle d'or (1921), ou encore dans Rouletabille chez Krupp de Gaston Leroux (1918). Mais le genre va devenir rapidement autonome en Grande-Bretagne. William Le Queux met son pays en garde contre l'étranger (England's Perils, 1899) ; Sax Rohmer traque le fourbe Fu Manchu (1916), et Valentine Williams, le dangereux Pied Bot (1918). Comme le relèvent Boileau-Narcejac (le Roman policier, 1964), l'espion est au début un personnage abject cantonné aux plus mauvais feuilletons de la littérature populaire. À l'instar de Sapper (Cyril McNeile) et son Bulldog Drummond (1918), dernier rempart de l'Angleterre contre l'étranger, les héros positifs vont prendre le devant de la scène. Si, en France, le capitaine Danrit (Émile Cyprien Driant) s'était lancé dans le même style patriotard (la Guerre de demain, 1889-1991 ; l'Invasion jaune, 1906), c'est la Grande Guerre qui provoqua un engouement profond et durable pour les exploits des combattants de l'ombre. Les années 1920 virent naître la collection « La guerre des cerveaux » de Charles Lucieto, avec son agent James Nobody. Le succès se poursuivit dans les années 1930 avec les séries « Les dessous de l'espionnage » de Robert Boucard, « La bataille dans l'ombre » et « Guerre secrète » de Jean Bardanne, « Ceux du S.R. » de Ch. Robert-Dumas, « Mémoires de guerre » du commandant Ladoux. Le public se lassait de récits trop documentaires : Jean Bommart avec le Poisson chinois (1934) et Pierre Nord avec Double Crime sur la ligne Maginot (1936) tentèrent un nouvel amalgame entre roman d'espionnage et roman policier. Bien plus tard, Antoine Dominique et le colonel Rémy, après avoir publié des souvenirs sur la Résistance, leur emboîtèrent le pas ; le premier avec son Gorille (1953), le second avec son Monocle (1960). Eric Ambler (Frontières des ténèbres, 1936) et Graham Greene (l'Agent secret, 1939), eux aussi, avaient préféré éviter la propagande grossière en montrant des êtres désabusés ne croyant plus aux valeurs proposées par l'Angleterre et le monde occidental. Peter Cheyney, au contraire, mettant à l'écart ses héros Lemmy Caution et Slim Callaghan, revient à l'espionnage pour soutenir l'effort de guerre avec sa série « Dark » (Duel dans l'ombre, 1942). La guerre froide va favoriser des récits manichéens où l'Occident représente le Bien opposé au Mal, incarné par la Russie et un tiers-monde tenté par le communisme. D'interminables séries populaires à la gloire des services secrets occidentaux vont paraître : Coplan FX 18, TTX 75, Suzuki, Le Général, James Bond, Matt Helm. On y exploite les stéréotypes et fantasmes collectifs en insistant sur un sadisme et un érotisme complaisants, en particulier avec Jean Bruce (OSS 117) et Gérard de Villiers (SAS). Mais, dans le monde des séries, Maxime Delamare, avec ses agents du S.D.E.C.E, Jean Mazarin, avec son Julien Jendrejeski, et Georges J. Arnaud, avec le Commander et la Mamma, préféreront s'en prendre au rôle néfaste de la C.I.A. D'autres aussi refuseront de magnifier les prouesses des services secrets : John Le Carré (l'Espion qui venait du froid, 1963), Brian Freemantle (Vieil ami, adieu !, 1973), K. R. Dwyer (l'Opération Libellule, 1975), George Markstein (Espion, lève-toi !, 1977), Peter Schmidt (On travaille dans le génie, 1985). Len Deighton (Ipcress, danger immédiat, 1965) avait suivi la même voie pour dévier vers l'uchronie avec SS-GB (1969), où il imagine les conséquences de l'invasion de l'Angleterre par les Allemands en 1941. D'autres opteront pour la politique-fiction : Frederick Forsyth (Chacal, 1971 ; Icône, 1996), Robert Ludlum (le Week-end Osterman, 1972), Walter Wager (le Code, 1975), Ken Follett (l'Arme à l'œil, 1979). Francis Ryck (Opération Millibar, 1966 ; Paris va mourir, 1969) ou Vladimir Volkoff (le Retournement, 1979 ; le Montage, 1982) voulurent changer de voie et exploreront, entre autres, le vaste domaine de la manipulation. L'humour, voire la parodie, existait aussi grâce à Charles Exbrayat (Joyeux Noël, Tony, 1964), à Lawrence Block avec Tanner, son espion insomniaque, ou à Peter O'Donnell avec Modesty Blaise, une James Bond au féminin. La guerre froide terminée, un tournant s'amorça dans le genre. S'imposèrent alors les gros pavés où l'action est freinée par des exposés sur la géopolitique, les nouvelles technologies militaires, le clonage, les O.G.M., sans oublier le terrorisme ou l'islamisme. Tom Clancy (Octobre rouge, 1984), Eric Lustbader (White Ninja, 1990), Michael DiMercurio (Opération Seawolf, 1993), Stephen Coonts (le Cavalier rouge, 1994) prétendent ainsi tout révéler sur un futur proche. Une nouvelle mutation est à espérer.