Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Cayrol (Jean)

Écrivain et cinéaste français (Bordeaux 1911-id. 2005).

La voix grave de ses premiers textes (le Hollandais volant, 1936 ; le Dernier Homme, 1940) s'est encore approfondie avec l'expérience de la déportation (Poèmes de la nuit et du brouillard, 1945), l'horreur physique ayant accentué l'inquiétude métaphysique, tandis que le poète se faisait aussi romancier (Je vivrai l'amour des autres, 1947). Dans cette littérature du « réalisme concentrationnaire », l'intrigue importe moins que la révélation de l'abîme (la Noire, 1949 ; les Corps étrangers, 1959 ; Midi-Minuit, 1966), dont témoigne également le film Nuit et brouillard (1956), co-écrit avec Alain Resnais. Pourtant la foi en l'humanité demeure et fonde une œuvre de résurrection (Lazare parmi nous, 1950), notamment par un inventaire onirique des éléments naturels (Histoire d'une prairie, 1970 ; ... d'un désert, 1972 ; ... de la mer, 1973 ; ... de la forêt, 1975 ; ... du ciel, 1979 ; Exposés au soleil, 1980). La mythologie de la matière et des objets sous-tend le double mouvement de recomposition de l'enfance (les Enfants pillards, 1978 ; Il était une fois Jean Cayrol, 1982 ; Qui suis-je ?, 1984) et de déconstruction du personnage romanesque (l'Homme dans le rétroviseur, 1981), dont la chronique apparaît dans les esquisses de Poésie-Journal (1969-1980) ou dans les aphorismes des Poèmes clefs (1985).

Cazalis (Henri)

Poète français (Cormeilles-en-Parisis 1840 – Florissant, Suisse, 1909).

Poète parnassien, il mena de front une carrière littéraire et celle de médecin hygiéniste. Il participa au Parnasse contemporain, et publia ensuite sous son nom, sous celui de Jean Caselli, et surtout sous le nom de Jean Lahor, plusieurs recueils d'une poésie précieuse et désenchantée, marquée par ses lectures de Schopenhauer, sa découverte du bouddhisme (en 1888, il consacra un ouvrage de vulgarisation à l'Histoire de la pensée hindoue) et sa passion pour l'Orient : Vita tristis, 1865 ; Melancholia, 1868 ; le Livre du néant, 1872 ; l'Illusion, 1875 ; les Quatrains d'Al Ghazali, 1896. Très tôt, grâce à Emmanuel des Essarts, il se lia à Mallarmé, dont il fut un ami fidèle et le correspondant privilégié de 1862 à 1871. Cet amoureux des arts fréquenta aussi Leconte de Lisle, Ruskin, Saint-Saëns, William Morris. Il termina sa carrière comme inspecteur des eaux à Challes, puis à Aix-les-Bains, se préoccupant de problèmes sociaux (Habitations à bon marché et un art nouveau pour le peuple, 1903).

Cazotte (Jacques)

Écrivain français (Dijon 1719 – Paris 1792).

Fils de la bourgeoisie bourguignonne, il fit ses études chez les jésuites, apprit plusieurs langues étrangères, fut reçu avocat et engagé par le ministère de la Marine : il fut ainsi envoyé dans diverses places maritimes puis à la Martinique, avant de s'installer dans un domaine dont il avait hérité près d'Épernay. Il publia d'abord des contes de fées, parodiques et ironiques, la Patte de chat (1741), les Mille et Une Fadaises (1742). Il intervint dans la Querelle des bouffons en faveur de la musique française. Il s'inspira du Roland furieux de l'Arioste pour composer Olivier, poème épique en 12 chants (1763), puis organisa avec Jean-François Rameau la supercherie de la Nouvelle Raméide (1772) avant de revenir au conte avec le Lord impromptu (1767) et le Diable amoureux (1772). Il s'agit du récit à la première personne les aventures d'un jeune officier, Alvare, poursuivi par les instances d'un démon, Biondetto ou Biondetta, qui sous les traits d'une charmante jeune femme le séduit progressivement. Le dénouement laisse ouvert le sens de l'œuvre. L'allégorie morale qui montre l'être humain aux prises avec la tentation recouvre plusieurs niveaux de signification, de la démonologie usuelle (à travers le pacte diabolique caractéristique de la théologie médiévale) à l'ésotérisme illuministe en passant par la simple fantaisie propre au conte du XVIIIe siècle. Il a été considéré comme un des premiers textes fantastiques.

   Cazotte fut attiré par l'illuminisme et se fit initier. Ses dernières œuvres, Continuation des Mille et Une Nuits, sont marquées par ces tendances mystiques. On lui prêta par la suite des prédictions de 1789. Il se rangea du côté de la contre-révolution et fut exécuté en septembre 1792. Ses œuvres rassemblées de son vivant puis après sa mort sous le titre d'Œuvres badines et morales (1776, 1788, 1817) trouvèrent un lecteur de choix avec Gérard de Nerval.

Céard (Henry)

Romancier français (Bercy 1851 – Paris 1924).

Ses débuts littéraires se font sous le signe du naturalisme. Disciple et ami de Zola, il est l'un des six contributeurs, en 1880, du volume militant des Soirées de Médan (il en aurait soufflé le titre), où il publie une longue nouvelle satirique, « la Saignée », inspirée de l'époque où, enrôlé dans la garde nationale, il assistait au siège de Paris par les Prussiens. Son roman, Une belle journée (1881), dans lequel une femme vieillie ressasse le souvenir dérisoire d'un adultère manqué, est un modèle du roman naturaliste. Céard s'oriente ensuite vers la critique littéraire et vers le théâtre, adaptant avec un succès médiocre la Renée Mauperin des Goncourt (Odéon, 1886) et, sous le titre de Tout pour l'honneur (1887), le Capitaine Burle de Zola. En 1898, il s'éloigne définitivement du maître en adoptant des positions antidreyfusardes, et, en 1906, il publie un étonnant roman d'inspiration wagnérienne, Terrains à vendre au bord de la mer. En 1918, il est élu à l'Académie Goncourt.

Cecchi (Emilio)

Écrivain italien (Florence 1884 – Rome 1966).

Il fut l'un des fondateurs de La Ronda. Dans son œuvre d'essayiste et de critique d'art, il impose un modèle de maîtrise et d'élégance stylistique. Grâce à lui, la prose d'art a conquis ses lettres de noblesse (Poissons rouges, 1920 ; l'Auberge du mauvais temps, 1927 ; Courses au trot, 1936). On lui doit également des récits de voyages (Mexique, 1932 ; Amérique amère, 1940).

Cech (Svatopluk)

Écrivain et journaliste tchèque (Ostředek 1846 – Prague 1908).

Il composa des poèmes épiques (les Adamites, 1874 ; Europe, 1878 ; À l'ombre du tilleul, 1879 ; Slavie, 1882 ; les Chants d'un esclave, 1895 ; le Forgeron de Lesetín, 1899) et écrivit des nouvelles fantastiques (l'Excursion de Monsieur Brouček dans la Lune, 1886) qui font la satire des petits-bourgeois de Prague.