Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Genèse (livre de la)

Le premier des cinq livres de la Torah ou Pentateuque.  Dans la Bible hébraïque, le livre de la Genèse a pour titre son premier mot : Bereshît,  «  Au commencement ». Son nom français trouve son origine dans la traduction grecque (Septante) de Gn II, 4 : « Ceci est le livre de l'origine (genesis) du ciel et de la terre . » L'ouvrage s'ouvre, en effet, avec la création du monde et rapporte l'histoire primitive du peuple d'Israël situé dans la perspective de l'histoire universelle. La Genèse se compose de trois ensembles : 1. Gn I-XI, qui traite des origines de l'univers et des débuts de l'humanité ; 2. Gn XII-L, le récit sur les patriarches Abraham (XII-XXV), Isaac et Jacob (XXVI-XXXVI) et sur Joseph (XXXVII-L). Les récits sur les patriarches sont une réflexion de sagesse sur la Providence divine : celle-ci, qui a sauvé le juste Joseph et l'a fait prospérer en Égypte contre toute attente, sait tirer le bien même des péchés des hommes. La théorie des sources de la Genèse J, E, P (Yahviste, Elohiste et Sacerdotale) ne fait plus l'unanimité parmi les critiques.

Genet (Jean)

Écrivain français (Paris 1910 – id. 1986).

Né de père inconnu, Genet est abandonné par sa mère, confié à l'Assistance publique, puis placé chez des paysans du Morvan (1918). En 1920, accusé de vol, il est envoyé à la maison de redressement de Mettray, s'en évade dix ans plus tard et s'engage pour cinq ans dans la Légion étrangère, ne tardant pas à déserter pour mener une vie errante (de 1930 à 1940) à travers l'Europe des ports et des bas-fonds (Barcelone, Tanger, Rome, Naples, Anvers). Emprisonné à Fresnes, il se met à écrire, poèmes et romans, à partir de ses expériences et de ses amours homosexuelles, la fonction de la poésie ayant été longtemps pour lui la transformation, par le truchement du langage, d'une matière réputée vile en un matériau considéré comme noble. C'est en 1942 que paraît son premier texte, le Condamné à mort, et, en 1944, sa première pièce, Haute Surveillance, écrite à la prison de la Santé. Suivront Notre-Dame des Fleurs (1944), Miracle de la rose (1946), Pompes funèbres, Querelle de Brest (1947), le Journal du voleur (1949). Entre roman, journal, poème et autobiographie, ces livres rédigés dans l'urgence de l'expression imposent l'image d'un écrivain qui revendique sa marginalité sociale et sexuelle. Le style, d'une somptuosité baroque qui frôle parfois la préciosité maniériste, transfigure toutes les formes de la transgression que chante l'auteur. Le mauvais garçon devient personnage à la mode, soutenu par Cocteau aussi bien que par Sartre : argument de ballet ('Adame miroir, 1948), essai (Lettre à Leonor Fini, 1950), film (Un chant d'amour, 1950, dont la diffusion demeure clandestine), articles (le premier étant consacré à Jean Cocteau). Mais une fissure apparaît, et une « détérioration psychologique », à partir de la publication de l'essai que Sartre lui consacre en 1952, démontant, dans sa psychanalyse existentielle, les mécanismes de sa personnalité et de sa création : Saint Genet, comédien et martyr (premier volume des Œuvres complètes chez Gallimard) devient pour Genet un trop fidèle miroir dans lequel il se trouve piégé. En même temps que son œuvre est publiée « officiellement », et qu'il est, de ce fait, condamné à diverses reprises pour « attentat aux mœurs et pornographie », il délaisse alors la prose pour le théâtre. Il est joué par quelques-uns des plus grands metteurs en scène de l'époque. Ainsi, le Balcon, dont la première version date de 1956, est créé en anglais par Peter Zadek en 1957 ; Peter Brook crée la première version en français au théâtre du Gymnase, en 1960. Genet y donne, dans le lieu clos qu'est le bordel, une image sans fard de la société : l'évêque, le juge, le général, face à la révolution, se montrent tels qu'ils sont, des pantins, des rôles. Les Bonnes, inspirées très librement du fameux crime des sœurs Papin dans les années 1930, comportent aussi deux versions (1947, 1958), mises en scène par Louis Jouvet à l'Athénée en 1947, par Tania Balachova à la Huchette (1954), par le Living Theatre à Berlin (1965). Les Nègres (1958) sont créés par Roger Blin, en 1959, au Théâtre de Lutèce. Les Paravents (publiés en 1961) sont créés en allemand par Hans Lietzau à Berlin, puis mis en scène par Roger Blin au Théâtre de France en 1966, provoquant un énorme scandale dans une France encore traumatisée par la guerre d'Algérie. Trois « textes balises » – Comment jouer le Balcon (1962), Comment jouer les Bonnes (1963), Lettres à Roger Blin en marge des Paravents (1966) – apparaissent comme les textes théoriques majeurs du théâtre contemporain. Genet y analyse sa conception du théâtre comme métaphore vertigineuse de la vie et de la société : entre l'acteur, le comédien, le rôle qu'il joue et le spectateur, y a-t-il une autre vérité que celle du créateur ? Pour les Nègres, il recommande aux acteurs noirs de jouer des Blancs jouant à représenter des Noirs... seule façon de dénoncer la terrifiante comédie du colonialisme et du discours bien-pensant chargé de le légitimer. Les bonnes jouent à être Madame terrorisant les bonnes... jusqu'à la révolte de celles-ci et au crime. Genet évolue ensuite vers une écriture encore plus directement engagée, intervenant par des articles de presse (sur le Viêt Nam en 1968, sur les Black Panthers américains, sur les immigrés en 1974, sur les massacres de Sabra et Chatila en 1982, qui déclenchèrent la rédaction de son dernier livre Un captif amoureux [posth. 1986]) et des conférences, prenant position en faveur des marginaux, des bannis, des opprimés. Solitaire et disponible, il se voulait sans autre adresse fixe que celle de l'éditeur de ses Œuvres complètes, malgré le Grand Prix national des Lettres qui le couronna en 1983.

Genevoix (Maurice)

Écrivain français (Decize 1890 – Alicante, Espagne 1980).

Enfant heureux des bords de Loire, élève brillant (il entra premier à l'École normale supérieure en 1911), il fut grièvement blessé lors de la Grande Guerre et dut renoncer à la carrière universitaire qui s'ouvrait à lui. Le sentiment de la survivance et la conscience de la dérision des ambitions humaines le firent regagner sa région natale, où il écrivit les cinq volumes de Ceux de 14 (1916-1923), témoignage de première main, sobre et intransigeant (à rapprocher de Barbusse) sur l'abomination vécue au front. La consécration littéraire lui vient avec Raboliot (1925, prix Goncourt), histoire d'un braconnier de Sologne en butte aux hypocrisies de la loi, dans une nature investie par des forces aux allures volontiers fantastiques. Suivront, entre autres, la Boîte à pêche (1926), le Jardin dans l'île (1936), toujours situés dans le val de Loire. Avec Rroû (1931) et la série des Bestiaires (1969-1971), s'affirme une veine de libre rêverie sur la vie de la forêt dans une exaltation des instincts animaux. Les étiquettes d'écrivain régionaliste et animalier souvent utilisées à propos de Genevoix sont réductrices : l'amoureux de la nature et des gens du terroir est d'abord un profond humaniste. Secrétaire perpétuel de l'Académie française de 1958 à 1973, il fut aussi un grand voyageur (Canada, 1945 ; Afrique noire, Afrique blanche, 1949).