Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Gogol (Nikolaï Vassilievitch) (suite)

Le legs gogolien

Gogol a joué un rôle essentiel dans l'élaboration des grands mythes fondateurs, des courants profonds de la littérature russe : la vision déréalisée de Saint-Pétersbourg, comme le motif des petites gens font partie de l'héritage gogolien. Mais, surtout, la littérature et la pensée russe ne cesseront de traquer ce « démon mesquin » (F. Sologoub) qui règne sur la Russie, d'en décrire les différentes manifestations. S'il a été salué comme fondateur de « l'école naturelle », Gogol a en fait offert ici à la littérature russe un sujet d'inspiration inépuisable.

Gois (Damião de)

Humaniste portugais (Alenquer 1502 – Batalha 1574).

Fils d'un noble de la maison de Viseu, il fut élevé au palais royal et se vit confier très tôt d'importantes missions en Hollande (il fut secrétaire du comptoir portugais à Anvers). Il connut Luther, Dürer (qui fit son portrait) et Érasme, dont il devint l'ami fidèle. De retour au Portugal, il exerça les fonctions de directeur des Archives (1548) et fut chargé par l'infant Henri d'écrire la Chronique du règne de Manuel le Fortuné (1566). Il fit preuve de clairvoyance et de courage politique, évoquant les persécutions des juifs et des nouveaux chrétiens, l'expansion portugaise, et mettant en cause le rôle même du roi, ce qui lui valut un procès intenté par le Saint-Office.

Golberg (Mécislas)

Écrivain français (Plock, Pologne, 1870 – Fontainebleau 1907).

Juif émigré polonais, il débute en collaborant à la Revue internationale de sociologie, fonde Sur le trimard (1895), petite revue libertaire et prend part à la défense de Dreyfus (1898). Emprisonné à Londres pour ses activités anarchistes, il obtient un permis de séjour à Paris, sous réserve de bonne conduite. Il se consacre alors à la littérature. Poète, dramaturge, critique d'art, proche de Moréas et de Régnier, il publie dans la revue la Plume, entre en relations avec Matisse et Bourdelle, qui sculpte son buste. En 1903, il se lie avec les poètes du Festin d'Ésope (Apollinaire, Salmon) qu'il tente de fédérer avec les poètes de l'Abbaye (Arcos, Duhamel, Jules Romains) en les associant à la publication des Cahiers de Mécislas Golberg. Ses Lettres à Alexis (1904) lui valent l'estime de tous. Il meurt de phtisie peu avant la parution de la Morale des lignes (1908), étude consacrée aux dessins d'André Rouveyre, où l'on a pu voir un traité d'esthétique précubiste.

Golchiri (Houchang)

Écrivain iranien (Ispahan, 1940 – Téhéran 2000).

Influencé par le nouveau roman français, il écrivit de nombreuses nouvelles (l'Homme à la cravate rouge ; Ma petite maison de prière, 1975 ; la Brebis égarée du berger, 1980 ; les Miroirs à couvercle, 1992). Son chef-d'œuvre est la cruelle nouvelle psychologique intitulée le Prince Ehtejab (1968), qui décrit la décadence des Qajars à travers le destin d'un de ses derniers princes, l'oppression qu'il fait subir à son entourage, et ses efforts infructueux pour se connaître lui-même. Sa forme tout en flash-back et saut d'une situation ou d'un personnage à un autre est très novatrice.

Goldberg (Lea)

Poétesse israélienne (Königsberg, Prusse-Orientale, 1911 – Jérusalem 1970).

Elle passa son enfance à Kovno. En 1935, elle s'établit en Palestine et publia la même année un premier recueil, Volutes de fumée. Critique littéraire, elle enseigna, à partir de 1952, à l'université hébraïque de Jérusalem, où elle fonda le département de littérature comparée. Dans son œuvre, très personnelle dans ses thèmes, l'influence de Pétrarque voisine avec le romantisme allemand ou l'acméisme russe ; dans ses premiers ouvrages (Un épi vert, 1939 ; De ma vieille demeure, 1944 ; Floraison, 1948 ; Éclair au matin, 1955), elle use d'une versification traditionnelle, tandis que la rime blanche caractérise les derniers (Avec cette nuit, 1964, le Reste de la vie, 1971). On lui doit également des romans (Lettres d'un voyage imaginaire, 1937 ; C'est lui la lumière, 1946), des nouvelles, des pièces de théâtre, des traductions et des livres pour enfants.

Goldene Keyt (Di)
(la Chaîne d'or)

Revue littéraire israélienne de langue yiddish, publiée à Tel-Aviv entre 1949 et 1995 sous la direction de A. Sutzkever, assisté successivement par A. Levinson, E. Pines et A. Spiegelblatt. Ses 141 volumes contiennent l'essentiel de la création yiddish d'après le génocide.

Goldfaden (Abraham)

Poète et auteur dramatique de langue yiddish (Staro Konstantinov, Ukraine, 1840 – New York 1908).

Auteur et compositeur de chansons populaires (Dos yudele, 1866), il créa en 1876 à Jassy (Roumanie) le spectacle considéré comme l'origine du théâtre yiddish. Sa troupe joua en Russie (jusqu'en 1883) puis en Europe. En 1903, il émigra aux États-Unis. On lui doit de nombreuses opérettes, des comédies satiriques et des drames inspirés par l'histoire juive ou l'actualité politique.

Golding (William)

Romancier britannique (Saint Columb Minor, Cornouailles, 1911 – Falmouth, Cornouailles, 1993).

Fils d'un instituteur scientiste et d'une mère suffragette, il est profondément marqué par sa participation au débarquement de Normandie. Ermite ironique, il ressasse une certitude lancinante : le mal est inhérent à l'homme. En 1954, Sa Majesté des Mouches subvertit la robinsonnade en renversant l'Île de corail de R. M. Ballantyne (1825-1894) : des enfants naufragés sur une île déserte redécouvrent la barbarie. Le livre connaît un immense succès, qui occultera souvent la suite de l'œuvre. Les Héritiers (1955) évoquent la lutte vaine d'une tribu néandertalienne contre un clan plus évolué, donc plus cruel, celui de l'Homo sapiens. Golding va désormais creuser toutes les valeurs et toutes les vertus, de l'héroïsme (Chris Martin, 1956) à l'innocence (Chute libre, 1959). Qu'il promène ses regards sur le passé, comme dans le Dieu Scorpion (1971), ou dans la Nef (1964), ou qu'il s'attache à la chronique de la vie rurale anglaise (la Pyramide, 1967), on décèle une même obsession : celle de la souffrance et de la destruction des êtres, ignorants de leur propre nature, livrés à de faux dieux (Marx, Freud ou Darwin) et condamnés comme des insectes à s'entre-dévorer (Parade sauvage, 1979). Humiliés, offensés, frustrés, les hommes se soumettent sans cesse à des Rites de passage (1980), premier volet d'une trilogie maritime (Coup de semonce, 1987 ; la Cuirasse de feu, 1989). La consécration viendra en 1983 avec le prix Nobel de littérature.