Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

Dancourt (Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit)

Acteur et auteur dramatique français (Fontainebleau 1661 – Courcelles-le-Roi, Gâtinais, 1725).

Les nombreuses petites pièces en un acte qu'il écrivit (les dancourades) et joua pour la Comédie-Française annoncent le théâtre de boulevard. S'intéressant particulièrement au phénomène de la mode, Dancourt témoigne d'un sens aigu de la peinture des milieux, de la satire des mœurs et de l'actualité, soulignant la recherche cynique du plaisir et de l'argent (la Désolation des joueuses, 1687 ; les Agioteurs, 1710). Il était bon dialoguiste, mais peu habile à la composition, et seules les deux pièces en cinq actes qu'il écrivit en collaboration avec Sainctyon, à qui l'on attribue leur construction plus complexe et plus ferme, eurent du succès (le Chevalier à la mode, 1787 ; et les Bourgeoises à la mode, 1692). Il plut aussi par sa peinture conventionnelle, mais pleine d'humour, de scènes villageoises (l'Opéra de village, 1692 ; les Vendanges de Suresnes, 1694).

Dancourt (L.-H.)
ou L.-R. Dancourt

Acteur et auteur dramatique français (Paris 1725 – id. 1801).

On lui doit (en réponse à la Lettre à d'Alembert sur les spectacles) une apologie de la comédie et des comédiens (L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à J.-J. Rousseau, citoyen de Genève, 1759), des comédies en un acte (Ésope à Cythère, 1772) et des livrets d'opéras-comiques (Atine et Zamorin, 1787).

Dandin

Écrivain sanskrit (VIIe s.).

Ce brahmane de l'Inde méridionale est l'auteur d'un roman d'aventures en prose de style kavya, le Das'akumaracarita (Histoire des dix princes), et d'un traité de poétique en vers, le Kavyadars'a (Miroir de la poésie).

dandysme

Le dandysme est né dans la haute société anglaise un peu avant 1815 ; c'est d'abord une mode vestimentaire et esthétique associée à une attitude faite d'esprit et d'impertinence. Se recommandant de Brummel et de Byron, le dandysme gagna la France, où il s'incarna dans l'élégance du comte d'Orsay. Il deviendra plus agressif avec Musset et plus esthétique avec Baudelaire, qui y rattache l'éveil de sa sensibilité et sa conception de la poésie, avant que Barbey d'Aurevilly donne l'histoire et la physiologie du phénomène (Du dandysme et de George Brummel, 1845). Le dandy est un être paradoxal : suffisamment lucide pour deviner la vanité du monde et celle de son attitude, suffisamment assuré de lui-même pour jouer de l'opposition entre une revendication esthétique, qu'il place sous le signe de l'affectation, et une société qui refuse toute valeur à la beauté. Le dandysme perdure dans l'immoralisme et l'affectation des décadents, dans l'individualisme et le détachement du créateur contemporain (Wilde, Nimier).

Danechvar (Simin)

Romancière et nouvelliste iranienne (Chiraz 1921).

Docteur en littérature persane, elle enseigna à l'Université de Téhéran et épousa l'écrivain Djalal Al-é Ahmad. On lui doit deux recueils de nouvelles reflétant l'univers féminin en Iran, Une ville comme le paradis (1961) et Qui saluerai-je ? (1980), ainsi qu'un roman paru en 1997, l'Ile de l'égarement, mais son chef-d'œuvre reste incontestablement le roman Savoshoun (1969), qui dépeint les inquiétudes et les aspirations d'une femme face à l'activité politique de son mari, avec pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale et l'occupation britannique du sud de l'Iran.

Danemark

Si de l'âge du paganisme ne subsistent que quelques runes, l'époque a laissé à la culture scandinave la matière de poèmes héroïques organisés en trois cycles principaux : celui du légendaire roi Sigar, celui du roi Skjold et celui des Skjoldunger, « les porteurs de boucliers », qui contient l'histoire d'Amled dont Shakespeare fera son Hamlet. Ces récits ont été partiellement recueillis et transcrits en latin, à la fin du XIIe s. et au début du XIIIe s. par Saxo Grammaticus (Gesta Danorum). La Chronique de Roskilde (vers 1140) constitue le premier monument de l'historiographie danoise. La langue danoise s'imposera peu à peu face au latin, dans les Annales de Ryd (XIIIe s.) et dans la Chronique rimée du Danemark (vers 1350).

   Le lyrisme prend forme à travers une poésie mystique consacrée à la Vierge : Peder Raev Lille, Michael Nicolai mêlent, dans une tonalité bourgeoise, la revendication sociale à une piété méticuleuse. Tandis que le moine Olaus Jacobi transcrit, sur le mode satirique, le Bestiaire rimé danois (1460), apparaissent les premières compilations de chansons populaires (chansons historiques, chansons de chevaliers, chansons de sorcellerie) qui aboutiront aux recueils d'Anders Sørensen Vedel (1591), d'Hans Mikkelsen Ravn (1646) et de Peder Syv (1695).

   Le développement de l'imprimerie et l'expansion de la Réforme, qui a pour première conséquence la traduction de la Bible en langue vulgaire (Bible de Christian III, 1550), ont sur l'évolution de la langue danoise une influence décisive. Si les querelles religieuses nourrissent nombre de chansons satiriques (Chanson du mensonge et de la vérité, attribuée à Hans Tausen) et de dialogues burlesques (Peder le Forgeron et Adser le Paysan, 1533), la foi anime la constitution du psautier luthérien, du recueil de Claus Mortensen Tøndebinder (1528), le Livre de psaumes danois (1569) de Hans Thomissøn. C'est un pasteur, Hieronymus Justesen Ranch, qui s'impose comme le premier auteur dramatique avec ses pièces bibliques (le Sacre du roi Salomon, 1585) et sa comédie Niding le grigou.

   La poésie religieuse culmine au XVIIe s. dans Chorals spirituels de Thomas Kingo, et dans l'œuvre baroque d'Anders Christensen Arrebo. Le lyrisme profane n'est guère représenté que par les vers de circonstance d'Anders Bording et de Søren Terkelsen.

   Le XVIIIe siècle est dominé par la personnalité de Ludvig Holberg, que ses comédies (Jeppe de la montagne, 1722) consacreront comme le « Molière du Nord », alors qu'une sensibilité préromantique anime, dans des registres opposés, les psaumes de Hans Adolf Brorson (le Rare Trésor de la foi, 1739) et les épigrammes d'Ambrosius Stub. Johannes Ewald cherche les sujets de ses tragédies dans la mythologie nordique (la Mort de Balder, 1773), et ouvre ainsi le chemin à la « Renaissance germanique » et au « style runique » de Christen Pram (Lagertha, 1789). Les adversaires du classicisme d'inspiration française se rassemblent dans le « Cercle norvégien » animé par Johan Herman Wessel. Le théâtre vire à la satire avec Enevold de Falsen (la Mandragore, 1797) et Christian Olufsen (la Cassette d'or, 1793). Le roman acquiert une valeur moralisatrice (Histoires morales, 1781-1782, de Charlotte Dorothea Biehl) ou érudite (Peter Frederik Suhm, Signe et Harbor, 1777).

   Le romantisme s'impose avec Adam Oehlenschläger, sous l'influence de la pensée allemande et des conférences données en 1802 par Henrik Steffens (Initiation à la philosophie, 1806). Le lyrisme romantique voit la fusion des traditions nationales et de la piété évangélique dans le prophétisme de Nikolai Grundtvig (Livre de chants pour l'Église danoise, 1837-1869) ; il imprègne les cantiques populaires et les romans historiques de Bernhard Severin Ingemann. Poul Martin Møller se signale par son humour (les Tribulations d'un étudiant danois, 1843), et Steen Steensen Blicher, par sa nostalgie, son goût du folklore.

   La seconde génération romantique s'installe dans un confort intellectuel et bourgeois dont témoignent les vaudevilles de Johan Ludvig Heiberg et les comédies de Henrik Hertz. La dimension tragique de la vie constitue à l'inverse la matière même de l'œuvre de Hans Christian Andersen (Contes, 1835-1872) et de Søren Kierkegaard (le Concept de l'angoisse, 1844).

   L'attaque décisive contre le romantisme embourgeoisé viendra du critique Georg Brandes, qui inaugure la « percée moderne ». Les écrivains se définiront désormais par rapport à sa doctrine : poètes comme Holger Drachmann, romanciers comme Jens Peter Jacobsen, Karl Gjellerup, Herman Bang, Henrik Pontoppidan. La réaction ne se fera cependant guère attendre, à travers le théâtre pessimiste de Gustav Wied et l'antinaturalisme déclaré du romancier Harald Kidde, des poètes symbolistes groupés autour de la revue la Tour. Johannes V. Jensen, influencé par le darwinisme, crée  la littérature du terroir (Histoires du Himmerland, 1898-1910), qu'illustreront, dans une tonalité sociale, Jeppe Aakjaer et Martin Andersen Nexø. Les expressionnistes (Emil Bønnelycke, Otto Gelsted, Tom Kristensen) vont célébrer les grands thèmes des temps modernes (la mécanique, la vitesse, la ville) avant que le chaos de la guerre s'installe au cœur des romans de Jacob Paludan et des pièces de Sven Clausen et que la nouvelle génération de poètes (Per Lange, Jens August Schade, Nils Petersen, William Heinesen) proclame son besoin d'universalité et d'ouverture au monde. C'est par la revue Linien (1934) que le surréalisme atteint le Danemark, mais c'est Vilhelm Bjerke-Petersen, avec une autre revue, Konkretion (1935-1938), qui sera le promoteur du mouvement en Scandinavie.

   Les années 1930 voient le roman s'orienter vers une critique acerbe de la société avec Hans Kirk, Hans Scherfig, Leck Fischer. Le théâtre s'empare de questions morales avec Kaj Munk, Carl Erik Soya, ou politiques avec Kjeld Abell. La tradition du récit psychologique se maintient avec Jørgen Nielsen, Mogens Klitgaard, Karen Blixen. L'analyse introspective va prédominer pendant et après la Seconde Guerre mondiale avec Martin A. Hansen et Hans Christian Branner. Responsabilité et culpabilité forment les motifs lancinants de cette génération, tandis que l'isolement de l'individu devient le thème principal des poètes rassemblés autour de la revue Heretica. Le roman et la nouvelle deviennent les modes d'expression majeurs des années 1950, seules les orientations diffèrent : psychologie et réalisme chez E. Aalbæk Jensen, W. A. Linnemann et T. Skou-Hansen ; philosophie, sur des thèmes inspirés de l'existentialisme et de l'absurde, chez Peter Seeberg et Villy Sørensen ; critique radicale de la société chez Elsa Gress.

   Vers les années 1960, la poésie, animée par toute une problématique de l'identité, connaît un nouvel essor ; son chef de file, Klaus Rifbjerg, attire dans son sillage une bonne partie de la jeunesse créatrice. Des préoccupations analogues se retrouvent chez Sven Holm, Thorkild Hansen, qui réfléchissent à la question de l'artiste ou du héros. Henrik Stangerup érige l'actualité en thème majeur. Les auteurs dramatiques, Leif Petersen notamment, témoignent des influences multiples de Brecht, de Ionesco et de Pinter.

   La révolte de la jeunesse en 1968 va donner naissance à une recherche littéraire fortement orientée vers la sociologie et la politique. Des genres nouveaux apparaissent (débats, rapports, romans-reportages), dont la majeure partie concerne l'émancipation féminine avec Dea Trier Mørch et Suzanne Brøgger. Dans le genre poétique, une orientation sociologique se fait également jour chez Kristen Bjørnkjær, Peter Poulsen, Sten Kaalø, qui s'expriment tous dans une langue quotidienne. Contrastant radicalement avec cette tendance, un autre courant poétique s'attache à l'aspect linguistique et structural de la poésie. Les années 1980-2000 inaugurent un nouveau courant marqué par la révolte contre la société. Kirsten Thorup décrit l'expérience féminine, Dorrit Willumsen montre les pantins qu'un ordre social disloqué a fait de nous. Avec Ib Michael et Peter Høeg sont entrecroisées des modalités réalistes et fantastiques qui touchent un public international. La littérature danoise est aujourd'hui marquée par la diversité, poésie lyrique et récit puisant dans une longue tradition et la contestant à la fois.