Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Charteris (Leslie)

Écrivain américain (Singapour 1907 – Windsor, Grande-Bretagne, 1993).

Après un premier roman policier, Monsieur X, publié à Londres en 1927, il crée Simon Templar, alias le Saint, héros mythique d'une longue série de romans et de nouvelles, qui connaîtra neuf interprètes au cinéma et à la télévision. Dans l'Héroïque Aventure, il présente celui-ci comme un « Don Quichotte égaré dans le temps ». Naturalisé américain en 1946, il produira ensuite des livres de moindre qualité.

Chartier (Alain)

Poète français et orateur en langue latine (Bayeux v. 1385 – v. 1430).

Il fut secrétaire et notaire du dauphin, le futur Charles VII, exerça des missions diplomatiques et fut chanoine de Paris et de Tours. Ses œuvres poétiques reflètent les problèmes politiques de son époque troublée. Après la défaite d'Azincourt (1415), il fait dialoguer Quatre Dames (1416), pour confronter diverses expériences du malheur, le drame de l'actualité donnant un sens historique au jeu traditionnel de la casuistique amoureuse. Le Bréviaire des nobles énumère les vertus idéales de la noblesse. D'autres œuvres appartiennent davantage au registre courtois et amoureux, tel le débat des Deux Fortunes d'amour (1425) et, surtout, la Belle Dame sans merci (1424), dialogue en vers entre un amoureux passionné et une dame sceptique qui retourne contre la prière de l'amant-martyr les critiques dont les femmes ont fait l'objet. Ses rondeaux et ses ballades se caractérisent par leur dimension allégorique. L'auteur est aussi un grand prosateur. Dans son traité de morale, le Quadrilogue invectif (1422), les personnifications Peuple, Chevalerie et Clergé plaident, avec une éloquence nourrie des modèles latins, devant France, qui lance un appel préparant le grand mouvement patriotique bientôt illustré par Jeanne d'Arc. Chartier a aussi composé un traité de morale inachevé, le Livre de l'Espérance (1428), qui témoigne de son dégoût de la cour et retrace le cheminement qui le ramène vers Dieu. Ses œuvres latines rassemblent, outre des discours officiels, des traités contre la guerre civile (Dialogus familiaris amici et sodalis, 1426-1427) et le De vita curiali (vers 1427), tableau des servitudes du courtisan. Humanisme, courtoisie, théologie s'unissent dans l'œuvre de Chartier pour donner une image de l'homme qui cherche, au-delà du désordre des temps, l'accord avec l'ordre naturel voulu par Dieu, malgré la difficulté d'échapper à la mélancolie et au désespoir.

Charuni (Yusuf al-)

Écrivain égyptien (Le Caire 1924).

Philosophe féru de psychanalyse, il compose des recueils de nouvelles ([les Cinq Amants], 1954) peu nombreux mais finement travaillés.

Charyn (Jerome)

Écrivain américain (New York 1937).

Après des études à New York et à Paris, il devient professeur de creative writing à Princeton University en 1980. À partir de 1973, il écrit une série de romans policiers qui se déroulent dans les milieux juifs immigrés du Bronx : Manfred Coen mène l'enquête dans les Yeux bleus. Ses œuvres incluent des références autobiographiques. Il a aussi écrit des scénarios de bandes dessinées pour Jacques de Loustal et François Boucq. Il est actuellement professeur de filmographie à l'American University de Paris.

Chase (René Brabazon Raymond, dit James Hadley)

Écrivain anglais (Londres 1906 – Corseaux-sur-Vevey, Suisse, 1985).

Avec Pas d'orchidées pour Miss Blandish (1939), il inaugure une série de quatre-vingt-neuf romans noirs, souvent misogynes, dont plus d'un quart deviendront des classiques (Éva, Méfiez-vous fillettes, Miss Shumway jette un sort). L'espionnage lui réussit pour quelques titres (Traquenards, 1948 ; Lâchez les chiens !, 1950).

Chassaignon (Jean-Marie)

Écrivain français (Lyon 1735 – Thoissey, Ain, 1795).

Mystique et instable, il fut en contact avec le mouvement illuministe lyonnais et publia une œuvre inclassable qui fascine par son étrangeté : Cataractes de l'imagination, déluge de la scribomanie, vomissement littéraire, hémorragie encyclopédique, monstre des monstres par Épiménide l'Inspiré (1779). La Révolution lui inspira une violente dénonciation du gouvernement jacobin (les Nudités ou les Crimes du peuple, 1792).

Chassignet (Jean-Baptiste)

Poète français (1571 – 1635).

Il est célèbre pour avoir composé vers 23 ans le Mépris de la vie et Consolation contre la mort (1594), qui reprend le thème du memento mori en l'associant à une leçon inspirée du néo-stoïcisme. Sa valeur poétique procède surtout d' une contradiction permanente entre la volonté de mépriser le monde et la séduction que la vie exerce sur le poète, contradiction génératrice d'images intenses et d'un style pleinement baroque.

Chastellain (Georges)

Chroniqueur bourguignon (Flandre 1415 – 1475).

Il est l'auteur d'une Chronique officielle (1420 – 1474), qui relate notamment ses dix ans en France, et d'œuvres poétiques (ballades, complaintes, épitaphes) qui le distinguent des autres rhétoriqueurs par un style plus réservé.

Chastellux (François-Jean, marquis de)

Écrivain français (Paris 1734 – id. 1788).

Ce grand seigneur éclairé intervient dans les débats du temps, sur l'inoculation de la petite vérole ou le magnétisme animal, et écrit sur l'opéra. De la félicité publique ou Considérations sur le sort des hommes dans les différentes époques de l'histoire (1772), large synthèse typique de l'époque, lui ouvre l'Académie (1775). Il suit Rochambeau dans l'expédition d'aide aux insurgents américains et publie en 1786 les Voyages dans l'Amérique septentrionale dans les années 1780, 1781, 1782.

Chateaubriand (François René, vicomte de)

Écrivain et homme politique français (Saint-Malo 1768 – Paris 1848).

Pour comprendre pleinement l'originalité de Chateaubriand, il faut éviter l'erreur qui a longtemps été commise : trier les « chefs-d'œuvre » dans l'ensemble d'une écriture-aventure. Le texte de Chateaubriand est un texte continu qui établit un passage du style Louis XVI aux temps du chemin de fer et du roman-feuilleton. Chateaubriand, de tous les grands hommes du XIXe siècle, est sans doute l'un de ceux qui eurent le plus profondément conscience de l'Histoire et de l'historicité.

L'origine

Chateaubriand a passé sa vie à se réclamer de deux légitimités : la légitimité aristocratique, la légitimité intellectuelle. Combourg avait été acheté par celui qui devait en devenir le comte avec l'argent gagné dans le commerce maritime pendant des années de besogneuse et efficace roture. Le texte littéraire, la fabrication de ce haut lieu d'une naissance culturelle, sera la grande opération purificatrice des Mémoires : Chateaubriand ne sera réellement aristocrate et chevalier, fils du comte de Combourg, que parce qu'il aura voulu l'écrire, et ce afin que son père soit blanchi d'une opération parfaitement moderne, mais par là parfaitement douteuse. En effet, le père de François René, ruiné, avait décidé de s'embarquer comme mousse ; il passa ses grades, devint officier, patron, se vit confier des cargaisons et des navires par des armateurs, s'établit à son compte, et finalement ouvrit à terre des bureaux. Il lui avait fallu renoncer à sa noblesse, à son droit de siéger aux états de Bretagne. Ce fut donc une réussite amère et de mauvaise conscience : Combourg acheté à un prix exorbitant pour y vivre enfin noblement, mais avec le sentiment peut-être d'une trahison, d'une bâtardise ; pour le fils, l'image d'un père qui avait voulu jouer les descendants des croisés et qui n'avait été qu'un marchand. Circonstance aggravante : Chateaubriand est un cadet, et, à ce titre, il se trouve déjà exclu, marginalisé dans l'ancienne société. Ni terre ni argent. Le frère aîné, lui, épousera une Malesherbes et voguera vers les splendeurs de la magistrature, du Parlement, bref, vers une carrière politique dont nul ne se doute, vers 1788, que la guillotine puisse venir l'interrompre. Un beau jour, le jeune cadet obtient une sous-lieutenance au régiment de Navarre. Départ pour Paris. Rencontre (passionnée) avec la société philosophique. Premières publications de vers dans le goût d'alors.

   Pourquoi écrire ? Pourquoi avoir écrit ? René (le texte) racontera : dans les solitudes de Combourg, chaque été, on retrouvait la jeune sœur, Lucile, elle aussi un peu exclue, et qui devenait femme ; on s'exaltait ensemble, on se disait des vers. René ne montrera jamais le jeune homme et sa sœur à l'intérieur du château, mais toujours à l'extérieur, et ils n'y entreront, fugitivement, qu'après la mort du père et alors que le château est déjà vendu. La vocation littéraire, l'idée d'écrire sont liées ici non à une socialité magnifiante ou magnifiée, comme dans le cas des littéraires « classiques », mais bien à une exclusion, à un porte-à-faux, à un manque à être. La littérature-contrebande est en train de naître, qui doit évidemment se trouver ses lecteurs. Le romantisme est en train de se former, bien loin encore des théories, mais dans ces marges du réel dominant qui, soit à la fin de l'Ancien Régime, soit au début du nouveau, sont le refuge et le destin de toute une humanité « non bénéficiaire ».