Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
J

Jasmin (Jacques Boé, dit)

Poète français de langue d'oc (Agen 1798 – id. 1864).

Issu d'un milieu modeste, il s'établit coiffeur-perruquier et compose spontanément des poésies qu'il lit à ses clients ou déclame en public et qu'il rassemble sous le titre de Las papillotos (les Papillotes). Nodier le découvrira et présentera ses compositions aux lecteurs du Temps. Mettant sa plume et son talent de diseur au service de multiples bonnes œuvres, Jasmin voyagera dans tout le Midi et sera plusieurs fois reçu dans les milieux littéraires de la capitale et jusqu'aux Tuileries, accumulant les triomphes et glanant une popularité considérable. Sa poésie, à la fois familière, souvent pathétique, voire larmoyante, est imprégnée d'effluves romantiques et renferme des passages qui ne manquent pas de talent, se lisant encore avec intérêt. Les œuvres complètes de ce précurseur du félibrige connurent de nombreuses éditions.

Jassin (Hans Bague)

Écrivain indonésien (Gorontalo, Célèbes, 1917-Jakarta 2000).

Fondateur et collaborateur de plusieurs revues (Zenith, 1951 ; Kisah [Histoire], 1953 ; Seni [Art], 1955 ; Sastra [Littérature], 1961), auteur de nombreux essais critiques (la Littérature indonésienne moderne à travers critiques et essais, 1962-1967), compilateur d'anthologies qui firent date (Échos de la patrie, 1959 ; la Génération de 1966, 1968), il créa à Jakarta une collection de documents, manuscrits, photos, coupures de presse, correspondances et éditions qu'il mit à la disposition du public et qui tient pratiquement lieu de dépôt légal.

jataka

mot pali et sanskrit signifiant « naissance » et désignant les récits des vies antérieures du Bouddha. Les bonzes de l'Asie du Sud-Est récitent à haute voix lors des fêtes et cérémonies un certain nombre de ces textes, qui servent par ailleurs de thèmes à leur enseignement en langues vernaculaires. Il s'agit de contes retraçant les diverses réincarnations du Bouddha, au cours de ses existences successives, soit comme être humain, soit comme génie de la nature, être surnaturel, ou encore comme animal. Théoriquement, le Bouddha est censé avoir vécu 550 existences antérieures. Les jataka mettent en scène une grande diversité de décors et de personnages, de la forêt aux cours princières, du marchand au brahmane. Chaque récit est mis dans la bouche du Bouddha lui-même, instruisant ses disciples et leur donnant à la fin la clé de l'histoire : il identifie les personnages transmigrant du passé au présent selon leurs mérites et leurs démérites. Les plus célèbres récits relatent des aventures plaisantes ayant les animaux pour acteurs : les Singes, qui déterrent les arbres pour les arroser sur toute la longueur de leurs racines ; la Chèvre, qui rit parce qu'elle va être délivrée des renaissances mais qui pleure en même temps sur le sort du brahmane qui va l'immoler. Mais le thème majeur est celui de la charité, du don poussé jusqu'à l'extrême, indispensable perfection pour parvenir à la délivrance des existences, au nirvana.

Jaucourt (Louis, chevalier de)

Écrivain français (Paris 1704 – Compiègne 1780).

Issu d'une famille protestante, il étudia à Genève, Cambridge et Leyde. Il publia en Hollande une Histoire de la vie et des œuvres de Leibniz (1734). Il est surtout connu pour sa collaboration à l'Encyclopédie de Diderot, à laquelle il fournit un nombre impressionnant d'articles sur les sujets les plus divers.

Java

Avec le malais, le javanais est la principale langue du groupe austronésien, tant par la richesse de son passé littéraire que par le nombre actuel de ses locuteurs : environ 70 millions, concentrés dans le centre et l'est de l'île de Java. Il apparaît au début du IXe s., dans des inscriptions (surtout des chartes de donation) sur pierre ou sur métal, rédigées dans un modèle d'écriture d'origine indienne. Les plus anciens textes littéraires peuvent être datés du Xe s., époque où les premiers royaumes du centre de Java (région de l'actuelle Jogjakarta) sont supplantés par de nouveaux foyers politiques, situés plus à l'est dans le bassin du fleuve Brantas (notamment Kediri au XIIe s., Singasari au XIIIe s. et Majapahit aux XIVe-XVe s.). L'influence de la littérature indienne est d'emblée prédominante, et la langue est marquée par de très nombreux emprunts au sanskrit, particulièrement dans les œuvres poétiques. Peu à peu, on constate que cette influence décroît mais qu'elle survit cependant à l'islamisation de Java (XVe-XVIe s.), avec d'ailleurs une renaissance notable dans les principautés du centre au XIXe s., tandis que l'île voisine de Bali, qui n'a pas été islamisée, demeure jusqu'à nos jours un véritable « conservatoire » pour la littérature indo-javanaise.

   Avec l'islam apparaissent de nouvelles sources d'inspiration : des œuvres arabo-persanes ou leurs traductions malaises sont adaptées avec de nombreux emprunts à ces langues. Quant à la présence coloniale hollandaise, surtout affirmée à la fin du XVIIIe et au XIXe s., elle incite les Javanais à la fois à se retourner vers leur passé indianisé et, avec la diffusion du livre, à rechercher de nouvelles formes d'expression destinées au grand public – voire, à partir du début du XXe s., à adopter des procédés narratifs (roman, nouvelle) inspirés de l'Occident.

   Dans l'évolution du « javanais ancien » au « javanais moderne », en passant par un « moyen javanais » (surtout attesté dans la littérature javano-balinaise), il est difficile de distinguer avec précision les états de langue successifs, tant l'idiome est tributaire des influences et des genres tour à tour en vogue : entre la poésie épique d'origine indienne et les chants mystiques islamiques, entre les chroniques rédigées selon les règles de la prosodie autochtone et le récit de type moderne, il y a beaucoup plus qu'un décalage d'époques. On a d'autant plus de mal à établir la chronologie des œuvres que peu d'entre elles sont datées ; d'ailleurs, à l'exception des rares textes rapportés par les premiers voyageurs européens (fin XVIe s.), elles nous sont parvenues à travers des copies relativement récentes (pour beaucoup originaires de Bali). Le découpage « classique » (proposé par Th. Pigeaud) tient donc à la fois de la périodisation et du classement par grandes « influences ».

L'influence indienne (Xe-XVe s.)

À côté de quelques textes en prose, adaptations libres d'épisodes des deux grandes épopées indiennes, les œuvres majeures sont du genre kakawin, longs poèmes dont les règles métriques sont empruntées à l'Inde. Le plus ancien kakawin connu est une adaptation du Ramayana (Xe s. environ) ; la bataille finale de l'autre grande épopée indienne, le Mahabharata, a directement inspiré le Bharata Yuddha javanais (XIIe s.), et, ainsi, la plupart des grands kakawin (Arjunawiwaha, Bhoma Kawya, Gathotkacasraya, Suta Soma) ont-ils pour modèles des œuvres plus ou moins bien identifiées de la littérature sanskrite.

   L'intention d'édification morale ou religieuse est une constante (nombreux sont aussi les traités sivaïtes ou bouddhiques n'appartenant pas aux « belles-lettres » proprement dites). Toutefois, dans plusieurs cas, on peut supposer que l'évocation des exploits de héros du type Arjuna ou Rama servait à la glorification des souverains qui commanditaient les poètes.

   On a d'ailleurs le cas du célèbre Nagarakertagama (1365), un long panégyrique en vers du roi Hayam Wuruk de Majapahit, qui est une source de premier ordre pour l'histoire de Java. Deux autres textes pseudo-historiques, en prose et un peu plus tardifs, le Pararaton et le Tantu Panggelaran, outre leur qualité littéraire, sont également importants pour comprendre l'arrière-plan cosmologique et la tradition mythique de la royauté indianisée de Java.

La littérature javano-balinaise (XVe-XXe s.)

Ses débuts sont contemporains des textes encore fortement influencés par l'Inde. Mais elle s'en distingue précisément dans son inspiration, par le recours à la mythologie locale, ainsi que dans sa forme, par l'utilisation de règles poétiques proprement javanaises. De longs poèmes (les kidung) content notamment les diverses aventures du héros Panji, un prince de Java-Est à la recherche de sa bien-aimée, ou encore celles de Damar Wulan ou de Rangga Lawé, rattachées à l'histoire de Majapahit. On retient également plusieurs contes associés à des rituels d'exorcisation (Calon Arang, Sri Tanjung) ou à l'enseignement de la mystique (Dewa Ruci). À Bali sont rédigées de nombreuses chroniques (babad) qui renvoient à la tradition indo-javanaise, et la littérature religieuse proprement dite n'a pas cessé d'être enrichie par des traités de spéculations (tutur), des hymnes (stawa ou stuti), des recueils de mantra.