Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Empédocle

Philosophe grec (Agrigente v. 490 – v. 435).

Fils du chef du parti démocratique de sa cité, il joua un rôle de législateur, de médecin et de prophète. Combinant les thèses d'Héraclite, de Parménide et de Pythagore, il évoque, dans son œuvre philosophique et poétique – dont un papyrus récemment découvert à Strasbourg permet de mieux comprendre l'unité (De la nature, les Purifications) –, l'univers composé de quatre éléments (l'eau, l'air, le feu, la terre) mais déchiré entre deux forces antagonistes dont l'action s'exerce à la fois dans le monde physique et dans le domaine spirituel : Amour et Haine. L'apparition de l'homme et la naissance de l'histoire coïncident, pour Empédocle, avec la prédominance de la Haine. Sa personnalité exceptionnelle et déconcertante (la tradition voulait qu'il se fût jeté dans l'Etna) et sa pensée originale influencèrent la philosophie antique (Lucrèce), et il est resté une figure emblématique pour l'esthétique moderne (Hölderlin, Nietzsche, Heidegger, René Char).

Empfindsamkeit

Courant littéraire apparu dans les années 1740 à 1780 en Allemagne, né de l'opposition au rationalisme de l'Aufklärung. L'influence de la culture française recule devant celle des romans anglais de Richardson et de Goldsmith dans une bourgeoisie qui compense son impuissance politique par le culte du sentiment et de la famille. Cette sensibilité nouvelle s'exprime dans la Comtesse suédoise (1746) de Gellert, mais aussi, teintée d'une religiosité héritée du piétisme, dans la Messiade (1773) de Klopstock. L'Empfindsamkeit a inspiré les Souffrances du jeune Werther (1774) et contribué à l'avènement du Sturm und Drang, avant de dégénérer en sensiblerie.

Empson (William)

Poète et critique anglais (Yokefleet, Yorkshire, 1906 – Londres 1984).

Se sentant proche de Donne et des « métaphysiques », il met fin à sa carrière poétique en 1948 avec ses Poèmes complets, après deux recueils (Poèmes 1935 ; L'orage se prépare, 1940). Critique, il analyse la « plurisignification » littéraire : l'ambiguïté n'est pas en elle-même symptôme d'une défaillance du créateur, mais enrichit le sens de l'œuvre. Elle assure une lecture à la fois cognitive et émotive, qui engage la croyance du lecteur, sans que l'auteur impose un choix. Elle n'exclut pas l'examen historique et philologique du texte, qui, loin de suggérer une interprétation univoque, confirme que tout discours est tressé d'autres discours et qu'il est ainsi apte à susciter des lectures opposées. Inspirée de la « critique pratique » de I. A. Richards, cette démarche fonde une sociologie de la littérature. Dans son examen de la pastorale (1935), Empson montre comment un genre, celui de la simplicité artificielle, est en lui-même double et ainsi capable de dire à la fois le riche et le pauvre, le puissant et le faible, en une dualité qui commande l'unité de l'expression.

Enchi Fumiko

Écrivain japonaise (Tokyo 1905 – id. 1986).

Fille d'un grand linguiste japonais, elle s'imprégna, dès son enfance, de littérature classique japonaise, et s'initia aux théâtres traditionnels, le Kabuki et le Joruri. Elle écrivit une première pièce de théâtre en 1928, publia en 1935 un recueil de drames : le Regret du printemps, puis entra dans une longue période de souffrances physiques et morales pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale. C'est avec son roman Jours de fringale (1953), qui décrit l'endurance d'une femme malheureuse, qu'elle marqua un nouveau départ ; et elle cristallisa cette longue maturation dans son chef-d'œuvre la Pente des femmes (1957). Suivent Masque de femme (1958), Chroniques glorieuses (1959-1960). Sa trilogie autobiographique : l'Incarnat dérobé (1955), les Ailes blessées (1960), l'Arc-en-ciel et l'Enfer (1968) lui valut le prix Tanizaki. Elle s'appliqua plus tard à la traduction en langue moderne du Dit du Genji.

Encina (Juan del)

Musicien et écrivain espagnol (La Encina, près de Salamanque, 1469 – León 1529).

Il incarne par sa production dramatique le passage de la dramaturgie médiévale à celle de la Renaissance. Ses Églogues ou Représentations, construites comme des dialogues pastoraux, sont considérées comme les œuvres les plus anciennes du théâtre profane espagnol : l'action, rudimentaire, tend parfois vers la farce (Églogue de Antruejo, Auto du tire-tignasse), parfois vers le drame (Zambardo et Cardonio).

encyclopédie

L'encyclopédie, conçue selon un plan méthodique ou selon l'ordre alphabétique, diffère du dictionnaire par l'explication des choses en plus des mots et par un souci de présenter le « cercle du savoir », conformément à l'étymologie du terme enkuklios paideia. L'Antiquité a proposé cet idéal culturel (Aristote, Pline l'Ancien). La maîtrise de toutes les disciplines formait le parfait philosophe grec ou le parfait orateur romain. Le Moyen Âge reprendra le projet adapté à la culture chrétienne, des Étymologies d'Isidore de Séville au De Universo de Raban Maur et au Speculum de Vincent de Beauvais. Le Florentin Brunetto Latini innove (le Livre du Trésor) en écrivant en français et en traitant plus de science politique que de théologie. La Renaissance voit dans l'encyclopédie le viatique du bon critique (Politien, Érasme), du savant chrétien (Budé) ou du prince éclairé (Rabelais, dans la lettre de Gargantua à son fils, Pantagruel, VIII), avant que Pierre La Ramée en fasse un programme pour l'université de Paris (1550). Le projet encyclopédique est renouvelé par Francis Bacon (Great Instauration, 1620), qui articule les diverses branches du savoir. Diderot et d'Alembert s'en souviendront. Au XVIIe s., J. J. Hoffmann et Marco Vicenzo Coronelli imposent l'ordre alphabétique, tandis que les dictionnaires spécialisés de Moreri (Grand Dictionnaire historique, ou le Mélange curieux de l'histoire sacrée et de l'histoire profane, 1674) et de Bayle (Dictionnaire historique et critique, 1697) annoncent l'Encyclopédie de Diderot, conçue d'abord comme une adaptation de la Cyclopaedia de l'Anglais Chambers, mais qui devient vite un ouvrage original et ambitieux sous le titre de Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Avec l'Encyclopédie méthodique de la Librairie Panckoucke (1781) débute l'aventure éditoriale de l'encyclopédie moderne. L'encyclopédie renvoie aussi la notion de l'imaginaire du cercle, du livre total, qui hante la littérature de Dante à Mallarmé et à Joyce.