Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Boccage (Marie-Anne Le Page, dame Fiquet du)

Poétesse française (Rouen 1710 – Paris 1802).

Révélée par un prix de l'académie de Rouen en 1736, elle se lança dans d'ambitieuses compositions épiques, le Paradis terrestre (1748), sur le modèle de Milton, et la Mort d'Abel (1749), sur celui de Gessner, ou encore la Colombiade ou la Foi portée au Nouveau Monde (1756). Elle s'essaya au théâtre avec les Amazones (1749) et tira de ses voyages une correspondance.

Bodin (Jean)

Philosophe et écrivain français (Angers 1530 – Laon 1596).

C'est le plus grand penseur politique français de la Renaissance, avec sa Méthode de l'histoire (Methodus ad facilem historiarum cognitionem, 1566) et surtout les Six Livres de la République (1576), écrits en français : dans cet ouvrage dirigé à la fois contre Machiavel, à qui Bodin reproche d'avoir « mis pour fondement des républiques l'impiété et l'injustice », et contre les monarchomaques – pamphlétaires protestants qui prêchaient le droit à l'insurrection contre le roi –, il entreprend de fonder le principe de la souveraineté politique en l'étayant sur une délégation de pouvoir donnée une fois pour toutes par le peuple. Théoricien du pouvoir royal absolu (auquel il assigne cependant pour limites la justice divine et la justice naturelle), Bodin annonce le règne de Louis XIV ; théoricien de la souveraineté des États, il marque la fin de l'Europe chrétienne médiévale et l'apparition d'un ordre international nouveau, dégagé de l'autorité pontificale et impériale, fondé sur des relations entre États indépendants. Bodin est également l'auteur d'un livre sur la magie condamnant les sorcières comme le ferment d'un dangereux désordre social (De la démonomanie des sorciers, 1580), et de l'Heptaplomeres (1581), dialogue philosophique dans lequel s'opposent les sectateurs de plusieurs religions et qui reflète une attitude critique et rationaliste préfigurant les religions naturelles de l'âge classique.

Bodmer (Johann Jakob)

Écrivain suisse de langue allemande (Greifensee 1698 – Schönenfeld, près de Zurich, 1783).

Par ses travaux de critique et d'esthétique littéraire, ses traductions (Milton), son action pour faire découvrir la littérature anglaise et redécouvrir la littérature allemande du Moyen Âge, ses contacts avec Klopstock, Wieland, Goethe, et surtout par sa longue querelle littéraire avec Gottsched (Traité critique du merveilleux en poésie, 1740), il a joué un rôle de tout premier plan dans l'histoire de la littérature allemande à l'époque de l'Aufklärung. Éditeur de la revue Discourse der Mahlern (1721-1723), il travailla en collaboration avec son compatriote et ami J. J. Breitinger.

Boèce, en latin Anicius Manlius Torquatus Severinus Boetius

Philosophe et poète latin (Rome v. 480 – Pavie 524).

Ministre de Théodoric, il tomba en disgrâce, fut emprisonné et mourut dans les supplices. Philosophe et théologien, il fut aussi traducteur de Platon et d'Aristote. Durant sa captivité, il composa un ouvrage en 5 livres alternant prose et poésie lyrique, De consolatione philosophae, dialogue entre la philosophie personnifiée et le prisonnier qui attend la mort. Puisant dans le platonisme et le stoïcisme, mais dépourvue de références explicites au christianisme, cette œuvre puissamment originale, dernier grand chef-d'œuvre des lettres latines, eut une influence immense sur la pensée médiévale.

Bogdanovitch (Maksim Adamovitch)

Poète biélorusse (Minsk 1891 – Yalta 1917).

Lié à Gorki et à I. Koupala, il mène une vie besogneuse, publie un unique recueil (Couronne, 1913) et meurt phtisique. Musicale et proche des sources populaires, son œuvre allie à des vers angoissés, marqués au coin du symbolisme, des poèmes où il célèbre la nature natale, évoque avec sympathie le sort du paysan pauvre (Chants du moujik biélorusse, 1909 ; Bornes, 1914) et appelle à lutter contre l'injustice et l'exploitation (Frères, en avant !, 1910 ; le Pan et le Moujik, 1912).

Boiardo (Matteo Maria)

Écrivain italien (Scandiano v. 1441 – Reggio nell'Emilia 1494).

Il fut gouverneur de Modène de 1480 à 1483, puis de Reggio à partir de 1487, au service d'Hercule Ier d'Este. On lui doit des églogues (Pastorale, 1464) et un recueil de poèmes, inspirés par son amour pour Antonia Caprara (le Chansonnier ou les trois livres de l'amour, 1469-1476), dont le décor annonce l'atmosphère onirique des paysages du Roland amoureux (1495), son chef-d'œuvre. Ce poème épique, commencé en 1476 et interrompu au chant IX du IIIe livre par la mort de son auteur (1494), qui coïncide avec la descente de Charles VIII en Italie, sera poursuivi par l'Arioste dans le Roland furieux. Ses deux premiers livres comptent respectivement 29 et 31 chants. Thématiquement, la principale originalité de Boiardo réside dans l'introduction de la passion amoureuse comme ressort central de l'action au cœur du monde chevaleresque des cycles mérovingiens et bretons. Le sort des combats, que se livrent sur le sol de France les armées païennes d'Agramant et les preux de Charlemagne, est ainsi suspendu au hasard qui régit, autour de la belle Angélique, le ballet des désirs. Hasard proprement magique, mais non dépourvu de logique puisqu'il exclut toute réciprocité et structure symétriquement l'action par l'artifice des fontaines de l'Amour et de la Haine, où, par deux fois, s'abreuvent simultanément Renaud et Angélique dans la forêt des Ardennes en inversant leurs passions : aux vains transports d'Angélique pour Renaud, qui la fuit tout au long de la première partie du poème, répond la vaine poursuite de Renaud, que méprise Angélique, tandis que Roland persévère dans son malheur de tiers exclu. Héros malheureux d'une guerre paradoxale, où Vénus est l'enjeu des combats de Mars, Roland incarne à la fois les nostalgies chevaleresques et courtoises de l'aristocrate Boiardo et ses déceptions historiques à la veille de la crise qui devait livrer l'Italie à plusieurs siècles de domination étrangère. Déconcertés par l'idéologie courtoise du poème, qui allait à l'encontre de l'évolution des esprits de son temps, et découragés par la rudesse de son expression, les contemporains de Boiardo préférèrent la version toscanisante, élaborée par Francesco Berni (probablement achevée en 1531). Le Roland amoureux a été traduit en français dès 1544 et par Lesage en 1717.