Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Mnyampala (Mathias)

Poète et historien tanzanien de langue swahili (Dodoma, au centre de la Tanzanie 1917 – id. 1969).

Il a choisi d'écrire en kiswahili, alors qu'il n'est pas issu d'une zone swahiliphone. Très associé au mouvement nationaliste, il invente une forme de poésie dialoguée, le ngongera, en septains rimés, qui est devenue un genre de performance poétique très associé à la diffusion du socialisme. Ses poèmes sont un commentaire de la vie sociale et politique et du développement du kiswahili comme langue littéraire officielle de la Tanzanie. Il a traduit les Évangiles et une partie des Psaumes en kiswahili, et ses textes circulent sous forme d'anthologies.

Mo (Timothy)

Romancier anglais (Hong Kong 1950).

Arrivé à Londres en 1960, Mo traduit son identité anglo-chinoise à travers des romans situés dans les pays de l'Asie du Sud-Est, peuplés d'aventuriers louches, de politiciens sans scrupules et de financiers véreux. Son intérêt pour la narratologie et la déconstruction l'amène à donner une forme souvent originale à ses romans : le Roi des singes (1980), Au pays du soleil couchant (1982), Une possession insulaire (1986), la Redondance du courage (1991), Brown-out sur Breadfruit Boulevard (1995).

Mo Yan (Guan Moye, dit)

Romancier chinois (né en 1956).

Ce paysan-soldat-écrivain, commissaire politique dans l'armée, chargé de la propagande (1976-1986), commence à écrire dès 1981, mais, de son propre aveu, sa condition de militaire l'empêche d'être « libre mentalement ». Si ses premiers écrits ont pour cadre la campagne (en particulier son Shandong natal) et sont souvent rattachés à la littérature de « recherche des racines » (le Radis de cristal, 1985 ; le Clan du sorgho, 1986 ; la Mélopée de l'ail paradisiaque, 1987), ses romans les plus récents débordent largement cette catégorie et, dépassant le réalisme, font appel à des « procédés modernistes » (points de vue multiples, ruptures chronologiques, « réalisme magique » à l'instar de García Márques). Ainsi, les Treize Pas (1989) et le Pays de l'alcool (1993), regorgeant de bruit et de fureur, de sang et de stupre, reflètent-ils métaphoriquement la violence de la société chinoise actuelle. Le cheminement de cet auteur prolifique, inclassable, d'une puissante originalité, est aujourd'hui loin d'être achevé.

Moberg (Vilhelm)

Écrivain suédois (Algutsboda, Småland, 1898 – Väddö, près de Stockholm, 1973).

Journaliste et écrivain « prolétaire » des années 1930, il fut l'interprète du monde paysan dans ses romans historiques. À cheval ce soir ! (1941) décrit la lutte sanglante d'une communauté villageoise du XVIIe s. contre le pouvoir abusif des seigneurs. Le retour vers le passé autorise une critique acerbe, mais transposée, de la dictature nazie. Le Soldat au fusil brisé (1944) dénonce les leurres du monde moderne, prônant les valeurs de la terre. Son récit cyclique, en quatre volumes, les Émigrants (1949-1959), dépeint l'exode des paysans smålandais vers les États-Unis au XIXe s. Les minutieuses recherches dans les archives de l'émigration font de ce roman un texte documentaire. Auteur dramatique, il prit ses thèmes dans l'actualité (Notre fils qui ne naquit jamais, 1945 ; le Juge, 1957). Son histoire du peuple suédois (Mon histoire de Suède, 1970) est inachevée.

Mochtar Lubis

Écrivain indonésien (Padang 1922 – Djakarta 2004).

Après des études à Sumatra, il s'établit à Jakarta. Journaliste, ses articles lui valurent neuf années de détention et de résidence surveillée sous le régime de Sukarno (1956-1965), et le quotidien qu'il fonda, Indonesia Raya, fut interdit en 1958 et en 1974. Il est l'auteur de recueils de nouvelles (Djamal, 1948 ; Femme, 1956) d'où se dégage un certain humour, et de plusieurs romans : Il n'y a pas de lendemain, histoire de guérilla typique ; Route sans fin (1950) ; Crépuscule à Jakarta, publié pour la première fois en anglais en 1963, sur la corruption régnant à Jakarta en 1956 et présenté sous l'aspect d'une chronique mensuelle ; Terre aride (1964), sur la jeunesse des grandes villes ; le Tigre ! le tigre ! (1975) sur un groupe d'hommes « primitifs » attaqués dans la jungle par un fauve ; Mort et Amour (1977), roman d'aventures dont l'action se situe dans les premiers jours de la République indonésienne.

Mockel (Albert)

Écrivain belge de langue française (Ougrée 1866 – Ixelles 1945).

Fondateur de la revue symboliste la Wallonie (1886-1892), il fut l'un des principaux animateurs du symbolisme belge. Théoricien du mouvement (Propos de littérature, 1894), il a consacré des études à Mallarmé (1894), à Verhaeren (1917), à Elskamp (1934). Le critique a, chez lui, quelque peu éclipsé le poète en vers libres de Clartés (1902), évocations préraphaélites, et de la Flamme immortelle (1924).

Moczarski (Kazimierz)

Écrivain polonais (Varsovie 1907 – id. 1975).

Juriste de formation, il est journaliste lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale. Dans la résistance, il est en charge de la surveillance des personnes soupçonnées de collaborer avec l'occupant nazi et de l'instruction de leur dossier, le cas échéant. Il monte aux barricades lors de l'insurrection de Varsovie (août 1944), mais échappe aux Allemands lorsque Varsovie tombe. Il est arrêté par la N.K.V.D dans une rue de Varsovie en juillet 1945, accusé de « collaboration avec les nazis, d'assassinat de patriotes polonais, de trahison du peuple et d'avoir été le valet de la Gestapo ». Torturé, condamné à mort par pendaison, il est jeté dans la cellule du général S.S. Jürgen Stroop. Les deux hommes, ennemis mortels la veille, passent neuf mois ensemble dans le couloir de la mort. Au moment de la disparition de Staline (1953), la peine de Moczarski est commuée en prison à perpétuité. En 1956, il est libéré et un nouveau jugement le réhabilite, reconnaissant qu'il a été victime des crimes staliniens lorsque la volonté de Moscou était d'éliminer les forces vives de la Pologne résistante. Son procès est l'unique procès public intenté au stalinisme en Pologne. Les Entretiens avec le bourreau (1972) sont le livre qui bouleversa le plus l'opinion publique polonaise dans la seconde moitié du XXe siècle. K. Moczarski, emprisonné par ses compatriotes dont il eut à subir 49 tortures différentes, alors qu'il s'était battue pour sa patrie, y raconte ses conversations avec le liquidateur du ghetto de Varsovie, qui pour lui, est l'alter ego des officiers d'investigation communistes qui veulent le priver de son honneur de soldat et de sa dignité d'homme. Écrit dans un style très sobre, le récit pose la question de la liberté de l'homme face aux totalitarismes, de l'importance des convictions humanistes, du caractère salutaire de la distance intellectuelle dans les situations les plus complexes.