Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Ducharme (Réjean)

Écrivain québécois (Saint-Félix-de-Valois 1941).

Découvert par Gallimard, alors qu'il vivait inconnu des milieux littéraires montréalais, il obtint, avec l'Avalée des avalés (1966), un succès de curiosité qui persista et s'approfondit avec le Nez qui voque (1967) et l'Océantume (1968). Son écriture se modèle sur la logique et l'imagination ludique de l'enfance. Son humour noir se déploie autour de personnages adolescents foncièrement inadaptés à la vie (l'Hiver de force, 1973 ; les Enfantômes, 1976). Le rythme obsessionnel de l'œuvre entière traduit, au milieu d'un foisonnement d'images et de mots, une nostalgie de l'innocence, surtout de l'innocence du langage, et une critique radicale de la civilisation contemporaine (Dévadé, 1990 ; Va savoir, 1994 ; Gros Mots, 1999). Son théâtre, surtout Ha ! Ha ! (1982), est de la même veine ludique et tragique.

Duchatto (Michel)

Écrivain belge d'expression wallonne (Herstal 1897 – Liège 1975).

Bien qu'il ait vécu à Paris jusqu'en 1946, il poursuivit une carrière littéraire toute orientée vers la Belgique. Auteur d'énigmes policières, de mélodrames, de poèmes, il est surtout, avec Théo Baudoin, l'auteur de la comédie héroïque Tchantchès (1931).

Ducis (Jean-François)

Auteur dramatique français (Versailles 1733 – id. 1816).

Il adapta les drames de Shakespeare en les pliant aux règles classiques : confidents multiples, récits substitués aux scènes violentes, périphrases. Un Hamlet (1769) triomphal fut suivi de Roméo et Juliette (1772), le Roi Lear (1783), Macbeth (1784), Othello (1792), auxquels il ajouta des tragédies de son cru, Œdipe chez Admète (1778) et Abufar ou la Famille arabe (1795), qui traite d'un amour incestueux et qui connut deux dénouements, l'un heureux , l'autre culminant dans le suicide des deux amants.

Duclos (Charles Pinot)

Écrivain français (Dinan 1704 – Paris 1772).

Bourgeois de province tôt venu à Paris, il y fit brillamment carrière. L'Académie des inscriptions l'accueillit en 1739. Parallèlement à ses activités de romancier, il composa des mémoires sur la langue celtique (1738-1743), les druides (1744-1746) et des Remarques sur la grammaire générale et raisonnée de Port-Royal (1754). Son Histoire de Louis XI (1745) lui ouvrit l'Académie française (1748) et lui conféra la charge d'historiographe de France. Ses Considérations sur les mœurs de ce siècle (1751) témoignent de son scepticisme. Ses Mémoires secrets sur le règne de Louis XIV, la Régence et le règne de Louis XV furent publiés en 1791. On s'attache aujourd'hui à ses romans : la pathétique Histoire de Mmede Luz, 1740 ; les Confessions du comte de ***, qui dresse la liste de ses conquêtes et lui oppose sa découverte d'un sentiment profond avec Mme de Selve ; un conte critique et parodique, Acajou et Zirphile, 1744.

Ducray-Duminil (François Guillaume)

Romancier français (Paris 1761 – Ville-d'Avray 1819).

Écrivain prolixe venu du journalisme, il s'orienta vers le roman noir à l'anglaise : Victor ou l'Enfant de la forêt (1796), Cœlina ou l'Enfant du mystère (1798), les Petits Orphelins du hameau (1800), puis vers des récits pour enfants comme Lolotte et Fanfan (1807). Son romanesque procède de la même veine que le mélodrame : moralisateur, il joue sur des ressorts éprouvés, laissant toujours le dernier mot au bien ; bourgeois, il refuse toute transgression de l'ordre social.

Dufrane (Joseph)

Écrivain belge de langue picarde (Frameries 1833 – Mons 1906).

Considéré comme le fondateur de la littérature dialectale dans la région ouvrière du Borinage, il répandit, sous le pseudonyme de Bosquètia (« l'Écureuil »), chansons, fables, contes, saynètes en vers comme en prose. Ses Essais de littérature boraine (1886) se développèrent au fil des ans au point de former, à sa mort, la matière de trois volumes, plusieurs fois réédités.

Dufrénoy (Adélaïde Gillette Billet, Mme)

Femme de lettres française (Paris 1765 – id. 1825).

Elle débuta dans l'Almanach des Muses avec des pièces légères et commença la publication d'un Courrier lyrique et amusant (1785-1789). Veuve, elle écrivit pour vivre, protégée par Fontanes, divers ouvrages d'éducation qui lui valurent une pension de Napoléon Ier. Après 1815, son salon devint un des petits cénacles de l'opposition libérale. On lui doit aussi plusieurs romans (la Femme auteur, 1812) et un volume d'Élégies (1813), dans lequel les jeunes romantiques crurent voir l'une des premières manifestations de leur sensibilité.

Dufresny (Charles)

Sieur de La Rivière, écrivain français (Paris 1657 – id. 1724).

Ce bohème dépensier mais ingénieux fut un précurseur, et pas seulement dans ses « collages » (il réalisait des tableaux avec des papiers découpés) ou dans ses dessins de jardins « à l'anglaise » (qui lui valurent la protection de Louis XIV) : son théâtre (l'Esprit de contradiction, 1700) joue à dérégler, à la manière de Marivaux, un monde apparemment ordonné ; ses Amusements sérieux et comiques d'un Siamois (1699) inspirèrent les Lettres persanes de Montesquieu ; son Parallèle burlesque (1711) entre Homère et Rabelais réhabilite ce dernier. Directeur du Mercure galant (1710-1713), il en fit une feuille attrayante et variée.

Dugan (Alan)

Poète américain (Brooklyn 1923 – Hyannis, Massachussetts, 2003).

Il s'attache à l'évocation du banal, multipliant les points de vue par les jeux de l'humour : le Général Prothalamion en son temps de popularité (1961), Poèmes complets (1974), Poèmes 4 (1975), Poèmes complets (édition augmentée), 1983.

Duhamel (Georges)

Écrivain français (Paris 1884 – Valmondois 1966).

Docteur en médecine, il participe au groupe de l'Abbaye, dont l'imprimerie édite ses premiers essais poétiques (Des légendes, des batailles, 1907), et publie avec Charles Vildrac des Notes sur la technique poétique (1910). Il s'intéresse au théâtre (la lumière, 1911 ; Dans l'ombre des statues, 1912). La guerre de 1914 le marque profondément. Le récit de son expérience au front (Civilisation, 1918) lui vaut le prix Goncourt. Il abandonne la médecine pour la littérature et impose une œuvre romanesque dont les études récentes ont montré la modernité. Dans Vie et aventures de Salavin (1920-1932), il retrace l'histoire du drame intérieur d'un homme à la recherche d'une sagesse, et d'une sorte de sainteté laïque. Si la Chronique des Pasquier (1933-1945) peint une ascension familiale à travers trois générations, dont chacun des personnages a valeur de symbole, et dresse un portrait social et psychologique de la France entre 1880 et 1930, elle est aussi, de la part d'un « agnostique désespéré », une interrogation sur la condition humaine. Par ailleurs, grand voyageur, Duhamel donne ses impressions sur la Russie, sur l'Amérique (le voyage de Moscou, 1927 ; Scènes de la vie future, 1930). Moraliste sincère et généreux, s'interrogeant sur l'avenir des temps modernes, il défend une civilisation humaniste (l'Humaniste et l'Automate, 1933). En 1935, il prend la direction du Mercure de France ; en 1936, il est élu à l'Académie française ; en 1942, il s'occupe de l'Alliance française. Personnage officiel, il défend la culture française. Duhamel est encore l'auteur de nombreux essais (Remarques sur les mémoires imaginaires, 1934). Enfin, mémorialiste, il a laissé plusieurs volumes de souvenirs (Lumières sur ma vie, 1944-1949 ; le Livre de l'amertume, 1983).