Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

Kraus (Karl)

Écrivain autrichien (Jicin, Bohême, 1874 – Vienne 1936).

« Le plus grand satiriste de langue allemande » (Elias Canetti) était éditeur, rédacteur et auteur presque unique de sa revue Die Fackel de 1899 à 1936. Son point de départ est la conviction que le langage corrompu du journalisme et de la politique entraîne la corruption du monde : « Au commencement fut la presse et puis advint le monde ». Sa méthode satirique confronte les paroles aux actes, les actes aux convictions idéologiques. Parmi les multiples livres issus de Die Fackel (Moralité et Criminalité, 1908, trois volumes d'aphorismes ; le Langage, 1937), il y a son chef-d'œuvre, les Derniers Jours de l'humanité (1919), une pièce de théâtre monstrueuse sur la Grande Guerre. Kraus est aussi l'auteur d'une pièce politique à clefs, les Invincibles (1928), d'une œuvre polémique contre le national-socialisme (la Troisième Nuit de la Walpurgis, 1933-1934 [publiée en 1952]) et de neuf volumes de poèmes (Mots en vers, 1916-1930).

Kreuder (Ernst)

Écrivain allemand (Zeitz 1903 – Darmstadt 1972).

Après ses études, il dut travailler comme ouvrier, puis entreprit un voyage dans les Balkans, avant de collaborer à la revue satirique Simplizissimus (1932-1933) et de se consacrer à la littérature. Dans la nouvelle la Société du grenier (1946), il défend un « irréalisme » ouvert au rêve et au sentiment poétique et religieux. À l'exemple de E. T. A. Hoffmann, il ne se sert de la réalité que pour mieux construire un monde fantastique et inviter son lecteur à dépasser le quotidien pour accéder au bonheur : tel est l'itinéraire suivi par le héros de son roman les Introuvables (1948).

Kreutzwald (Friedrich Reinhold)

Écrivain estonien (Jõepere 1803 – Tartu 1882).

Fils de serfs, il étudia la médecine à Tartu et écrivit de nombreux ouvrages didactiques qui contribuèrent à enrichir la langue estonienne. Dans ses poèmes (Chants du barde de Viru, 1865) et ses récits satiriques (Renard, 1850 ; les Niais, 1857), il transposa des classiques de la littérature allemande. Il adapta avec bonheur des contes populaires (Anciens Contes du peuple estonien, 1866) et composa, en s'inspirant du folklore, l'épopée nationale Kalevipoeg (1857-1861), qui relate en 19 000 vers les aventures du « fils de Kalev » : après avoir voyagé au bout du monde, affronté le Diable et les « hommes de fer » qui envahissent son pays, le héros meurt, les jambes coupées par sa propre épée, puis est envoyé par les dieux garder les portes de l'Enfer ; symbole de l'antique indépendance des Estoniens, il reviendra un jour apporter le bonheur à son peuple.

Krisna Rao (Arakalagudu Narasimhorao)

Écrivain indien de langue kannara (Madura 1908-? 1991).

Conteur, auteur dramatique et critique, il est l'un des plus célèbres romanciers contemporains. Son œuvre aborde les problèmes sociaux ainsi que la condition de l'artiste dans la société (Sandhyaraga). Il a traduit l'Amant de lady Chatterley de D. H. Lawrence.

Kristensen (Tom)

Écrivain danois (Londres 1893 – Svendborg 1974).

L'Arabesque de la vie (1921), avec ses actions parallèles, décrit l'échec d'un révolutionnaire à la recherche de son moi. L'œuvre la plus connue porte le titre significatif de Ravages (1930) : ce roman, fortement teinté d'autoanalyse, est aussi le bilan d'une génération qui a vu se briser toutes les illusions ; sa composition, savamment éclatée, témoigne de l'influence de Joyce – que Kristensen présenta au Danemark.

Krittivas

Poète bengali (Phuliya, district de Nadia, 1399 – v. 1433).

Son adaptation du Ramayana sanskrit est restée très populaire par le charme de la narration et la douceur de sa langue.

Krleza (Miroslav)

Écrivain croate (Zagreb 1893 – id. 1981).

Il aborde tous les genres littéraires : poésie (Ballades de Petrica Kerempuh, 1936), théâtre (Ces messieurs Glembaiev, 1929), nouvelles (Mars, dieu croate, 1922), romans (le Retour de Filip Latinovic, 1932 ; les Drapeaux, 1968), essais, journal intime. Dans son œuvre, il critique les conformismes bourgeois, la société austro-hongroise et yougoslave d'avant 1918. Krleza a dominé la vie culturelle croate et yougoslave pendant un demi-siècle. Il est le fondateur de l'Institut de lexicographie, directeur de la revue la République des lettres, rédacteur en chef des revues Aujourd'hui à Belgrade et le Sceau.

Kroetz (Franz Xaver)

Écrivain allemand (Munich 1946).

Comme son compatriote bavarois Martin Sperr ou le romancier autrichien Franz Innerhofer, il dénonce la situation des « pauvres » à la campagne. La destruction de l'idylle paysanne se fait à travers une critique de la langue : Kroetz montre des êtres privés de moyens de communication langagière, dont les rapports sont dictés par une violence et une sexualité sourdes et muettes. À travers ses diverses pièces (Travail à domicile, 1971 ; Passage d'animaux sauvages, 1971 ; Train de ferme, 1972 ; Concert à la carte, 1973 ; Mensch Meier, 1978) se dresse l'archétype de ce théâtre, le Woyzeck de Büchner.

Krog (Helge)

Écrivain norvégien (Oslo 1889 – id. 1962).

Il exerça avec le poète Overland et le romancier Sigurd Hoel une influence déterminante sur la littérature norvégienne moderne. Dans ses drames, il se livre, d'une façon qui rappelle Ibsen, à une critique sociale (le Grand Nous, 1919) et montre, comme lui, la femme au sein d'une société dominée par un patriarcat ancestral (le Coquillage, 1929), allant jusqu'à défendre un retour au matriarcat primitif (En route, 1936). Son chef-d'œuvre, Départ (1936), exprime la vision marxiste d'un monde où l'individualisme ferait place à un altruisme sincère.

Krol (Gerrit)

Écrivain hollandais (Groningue 1934).

Ingénieur en informatique, le heurt en lui de la science et de la littérature fait jaillir une œuvre romanesque (les Jupes de Joy Sheepmaker, 1962 ; le Fils de la ville vivante, 1966 ; Une tête millimétrée, 1968 ; Au service de la Royal Dutch, 1974 ; Un Frison ne pleure pas, 1981) et poétique (Polaroïd : poèmes 1955-1976, 1976) dont le relativisme et la précision sont les deux données majeures (l'Homme derrière la fenêtre, 1982).