Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Seïfoulline (Sadvokas, dit Saken)

Écrivain kazakh (près d'Akmolinsk, auj. Tselinograd, 1894 – Alma-Ata 1939).

Fils de paysans, il se lia au mouvement démocratique et publia des vers d'inspiration progressiste (Jours enfuis, 1914). Instituteur rural, il adhéra à la Révolution et occupa, après 1917, des postes dirigeants. Il exprima son appui à la métamorphose de son pays dans des drames (les Faucons rouges, 1920 ; la Route du bonheur, 1922) et des vers où les formes traditionnelles s'enrichissent d'emprunts à la poétique de Maïakovski (Pégase indompté, 1922 ; Dombra, 1924 ; Sovietstan, 1926 ; Sur les vagues de la vie, 1928). Pionnier de la prose kazakhe, il composa aussi des nouvelles (les Terrassiers, 1928) et a retracé dans un roman autobiographique (Âpre chemin, passage ardu, 1927) les luttes de la guerre civile. Il fut arrêté en 1938.

Seignolle (Claude)

Écrivain français (Périgueux 1917).

Ses récits fantastiques (8 romans, près de 70 contes et nouvelles) se déroulent à Paris (la Nuit des Halles, 1965) ou en Sologne, empruntant leurs thèmes et leurs arguments aux traditions orales que l'auteur a étudiées (les Évangiles du diable selon la croyance populaire, 1964), et qui lui font privilégier les figures du loup-garou (Marie la louve, 1949), du diable et des démons familiers (Histoires vénéneuses, 1970 ; Histoire de sorcières, 1998). Une enfance sorcière (2000) relate son parcours personnel.

Selby (Hubert)

Écrivain américain (New York 1928 – Los Angeles 2004).

Il donne, avec Last Exit to Brooklyn (1960), la Geôle (1971), le Démon (1976), Retour à Brooklyn (1978), les romans de la marginalité new-yorkaise, condamnée à la drogue et à la violence qui évoquent des inconnus dont la déchéance même construit l'individualité.

Selimovic (Mehmed Mesa)

Écrivain originaire de Bosnie-Herzégovine (Tuzla 1910 – Belgrade 1982).

Ses romans le Derviche et la Mort (1966) et la Forteresse (1970) l'ont porté au premier plan de la vie littéraire yougoslave. Ses héros, intellectuels modernes transposés dans le passé lointain de la Bosnie ottomane, confrontent leurs valeurs morales aux réalités de la vie et à la brutalité du pouvoir. Malgré leur cadre historique, les romans de Selimovic sont très modernes et font partie de la tradition de grands romans européens.

Sellés (Eugenio)

Auteur dramatique espagnol (Grenade 1842 – Madrid 1926).

Collaborateur des périodiques La Iberia, El Universal et El Imparcial, il réunit ses articles dans la Politique de cape et d'épées (1876), puis entama avec la Tour de Talavera (1877) et le Nœud gordien (1878), pièce grandiloquente sur le divorce, une carrière d'auteur dramatique (les Vengeresses, 1884 ; la Femme de Lot, 1896 ; Icare, 1910) dans la lignée néoromantique de José Echegaray.

Selvon (Samuel)

Écrivain trinitéen (La Trinité 1923 – 1994).

Journaliste à ses débuts lorsqu'il s'essayait à la poésie, cet auteur de pièces radiophoniques et de livres pour enfants donna avec Un Soleil plus éclatant (1952) le coup d'envoi au roman trinitéen. Il part avec George Lamming en Grande-Bretagne en 1950, et tous deux (comme V. S. Naipaul) font partie des premières grandes migrations des diasporas caribéennes venues reconstruire la métropole. Sérieux et humoristique en même temps, dans ses récits de la vie dans l'île des Indiens et autres groupes ou de leurs découvertes et déboires en milieu britannique, Selvon manie en effet l'humour avec la facilité redoutable des chanteurs de calypso, enrobant sans l'atténuer sa critique sociale. Ses récits se divisent en deux grands groupes selon qu'ils se passent au pays ou en terre d'exil. Dans le premier cas, Un Soleil plus éclatant (1952), Une île est un monde (1955), Turn Again, Tiger (1958), J'entends le tonnerre (1963), les Plaines de Caroni (1970), Ceux qui mangent la Cascadura (1972) et la plupart des nouvelles de Voies ensoleillées (1957) décrivent les relations entre groupes ethniques et les conflits sociaux à Trinidad en insistant sur les ressources de la culture populaire. Dans le second cas, les Londoniens esseulés (1957), The Housing Lark (1965) et l'Ascension de Moïse (1975), suite picaresque de Les Londoniens esseulés, évoquent avec plus d'humour que de rancœur les rapports entre immigrés noirs et monde occidental, tandis qu'invention verbale et jeux de mots se donnent libre cours. Puisant dans la tradition orale antillaise, utilisant un « dialecte modifié » qui place le narrateur à mi-distance entre La Trinité et le lecteur européen, Selvon sait susciter la sympathie tout en persiflant des travers qui n'empêchent pas ses personnages les plus grotesques de rester profondément humains.

Semadeni (Jon)

Écrivain suisse d'expression romanche (Vnà, canton des Grisons, 1910-1981).

Après avoir débuté par des pièces néoréalistes (la Famille Rubar, 1941 ; Chispar Rentsch, 1946), il aborda le drame historique (Le peuple commande, 1950), avant de jouer avec sa troupe « la Coulisse » (fondée en 1941) son chef-d'œuvre l'Éclipse de soleil (1953), synthèse hardie de la lutte dramatique pour la liberté religieuse au XVIe s. et de la lutte contre les régimes autoritaires de notre temps. Avec Men Rauch et Cla Biert, il fonda, en 1953, le cabaret satirique La Baratte.

Sembene (Ousmane)

Écrivain et metteur en scène sénégalais (Ziguinchor 1923 – Dakar 2007).

Issu d'une famille de pêcheurs ouolofs de Casamance, il est renvoyé de l'école à 13 ans. Peu attiré par le métier de pêcheur, il exerce divers métiers manuels, est enrôlé dans l'armée française en 1942 et participe, en 1947, à la grève des cheminots de Dakar, qui lui inspire son premier roman, les Bouts de bois de Dieu (paru seulement en 1960). Ce récit engagé, animé d'un puissant souffle épique, a souvent été rapproché de la Condition humaine. Son expérience de docker sur le port de Marseille lui inspire le Docker noir (1956), histoire de Diaw Falla qui, comme l'auteur, écrit un roman dont la propriété littéraire lui est volée et qui ne peut se faire reconnaître. Il publie ensuite Ô Pays, mon beau peuple (1957), des nouvelles (Voltaïque, 1962 ; le Mandat, 1965) et des romans à caractère politique (l'Harmattan, 1964 ; le Dernier de l'Empire, 1981) ou satirique (Xala, 1973). À partir des années 1960, il mène une double carrière de romancier et de cinéaste. Car cet ancien syndicaliste activement engagé pense que le cinéma permet de s'adresser bien plus directement et efficacement au peuple. Il a réalisé une dizaine de moyens et longs métrages couronnés de nombreux prix (Borom Sarret, 1963 ; Taw, 1970 ; Emitaï, 1971 ; Ceddo, 1977), plusieurs d'entre eux étant directement inspirés de son œuvre : Niaye (1969), tiré de Véhi-Ciosane (1964) ; la Noire de... (1966), tiré de Voltaïque ; Manda-Bi (1968), tiré du Mandat ; Xala (1974) ; Guelwaar (1992) ; Faat Kiné (2000).